Archive for August, 2006
Dear John : Alex Toth Doodle Book
Aug 31st
La mort d’un dessinateur, c’est toujours triste. L’histoire raconte qu’Alex Toth est mort sur sa table de dessin (un jour de printemps de 2006, un jour après mon anniversaire, facile pour que ça reste). Un dicton africain dit que quand un vieillard meurt, c’est toute une bibliothèque qui disparaissait. Un dessinateur, c’est un peu la même chose mais en carnet de dessins, les taches de crayon 3B et d’encre en plus. Toth n’était certainement pas le plus connu, ni le plus médiatique. A vrai dire, j’ai connu son travail il y a 5 ans. Vous pouvez wikipédier sa carrière tout ce que vous voudrez, découvrir les dizaines de dessin animés auquel il a participé (sans parler des bd), son importance dépasse en réalité sa carrière, à la manière de Will Eisner ou de Carl Barks, les « makers », souvent dans l’ombre de leurs travaux.
Sorti de peu à titre posthume, ce doodle book nous invite dans l’intimité de Toth, sa correspondance avec son ami John. Alex Toth était un dessinateur acharné. Un as du crobar, la vision claire d’un regard habile, mais surtout un annotateur fou. Pas de Pc à l’époque, il gribouillait ses idées, ses réflexions, et commentait, commentait… Une espèce d’autocritique permanente et lucide. Un bon dessinateur est avant tout un fin observateur. Ce bouquin est un sublime travail au résultat un chouia amer. La rigueur du papier griffonnée et le glorieux temps de l’aéropostale a disparu au profit des mails, de la Wacom et du SMS que certains fous tentent de nous faire passer pour des haïkus modernes. Ce doodle book, c’est ça, un mec hors du temps, une impertinence du trait qui vous nargue en écrivant de sa radicale écriture : « Keep well –and get a BIG FAT LEAD PENCIL or CHARCOAL – and DRAW, DRAW, DRAW ! »
Civil War Part 3
Aug 30th
La Fin. L’université d’été de la banderole. Le Jospin en jean de la mobilisation politique sur internet. Good night… and good luck !
Ajoutons aussi que vous avez vu ici le 2 Juillet cette banderole-là, prémonitoire s’il en est.
Toute la beauté du monde
Aug 29th
Une critique inédite qui remonte au début de l’année, sans doute parce que le film ne m’a rien inspiré de visuel. Oui hein. C’est assez frustrant d’ailleurs de sortir de 2h de toile et de n’avoir aucune proposition visuelle, pas le bout d’une extrémité d’une idée. Enfin voilà:
L’équation “aimé le premier film mais être déçu par le deuxième du même réalisateur” se vérifie ici, mais à quel prix. Le pacte du coeur des loups des hommes, c’était bien, un vrai film sentimental pour mecs, trivial et gentil. Mais là, olalalala la chute. Un célibataire endurci tombe amoureux d’une jeune veuve et lui arrange un voyage à Bali. Simple. Règle de base d’une amourette réussie: éviter Dunkerque parce qu’il pourrait pleuvoir et la transporter dans un endroit féerique, totalement coupée de toute réalité sociale et d’éventuels tsunamis tragiques. Après 10 mn, le film va tomber dans la routine suivante: larmes, décors de carte postale de Bali, balade en scooters avec musique à fond dans les ipod, larmes, re-Bali etc. Comme ça pendant tout le film. Les dialogues, particulièrement risibles, n’aident pas à donner une once de crédibilité (toutes les phrases clichés des plans dragues foireux y sont ! Notez les pour faire rire vos copains). Plus faux, tu meurs. La direction d’acteur est simple: “bon toi, tu pleures et tu regardes le vide, lui te regarde avec un air vaporeux. Toi, Daroussin… tu fais rien, profite de tes vacances, mec!”. Quand à Bali, oui effectivement c’est bien joli, mais il ne suffit pas de filmer de belles images de vacances pour bricoler de l’émotion qui finira par sonner très fausse en fin de compte. Le coup de grâce: le happy-end dégoulinant. La beauté du monde n’est certainement pas dans ce film souvent affligeant. Et si vous voulez vraiment de l’exotique, rabattez-vous plutôt sur Lilo & Stich.
zéro dessin, du coup, hop, un feu rouge londonien
Kaitô Rousseau
Aug 28th
Pitchs calibrés, l’extase des dossiers de presse…
Aug 27th
Ecrire les dossiers de presse est parfois ennuyeux, et en tout cas très contraignant. C’est le work for hire par excellence. En fouillant un peu quelques archives, j’ai retrouvé cette présentation de Star Gladiator 2 (a.k.a Plasma Sword en France) sur Dreamcast. Bon la date limite de vente est passée depuis longtemps, on peut s’amuser un peu:
Le meilleur album de Daft Punk
Aug 26th
Ok, on ne parle pas souvent concert ici, mais en voici un qui aurait mérité son concept album : le Live des Daft Punk. Arrogant, ingénieux, il est la somme des 3 premiers skeuds du duo qui, sur scène, mouillent leur chemises (ou leur combi) dans un megamix fou de leurs tubes. Tout d’abord le contexte : uniquement sur scène de festivals (plus rien de prévu en Europe, mais il vous reste l’Amérique du Sud encore), il suit le dogme de la rareté, de l’absence et de la distance. Moins ils circulent, plus le buzz monte (perso, gaulé en Belgique la semaine dernière). Présent sur une scène pharaonique avec lumière pyramidale, on assiste à une espèce de pluie lumineuse syncro avec le son, de manière très travaillé (les vidéos youtube ne leur rendent pas justice), mais sans avoir l’air de trop y toucher. Les deux gonz entrent sur scène (à moins que ce ne soit pas eux ? Dans une interview récente, ils avaient l’air de dire qu’ils étaient en personne aux manettes, mais allez savoir !) et alignent leur show implacable, qui commence sur l’air de Rencontre du troisième type. Zéro contact, totalement déshumanisé, la thématique des 3 albums est là.
Le truc ingénieux, c’est Human after All, leur disque le moins réussi (ou d’apparence le moins audacieux) est parfaitement intégré, et grâce à d’habiles mélanges, devient un parfait complément de mix fusionnant de manière thématique et maligne : Télévision Around The World, Super Heroes After All etc. Le tout dans un déluge coloré, 45000 personnes (ce soir là) sautent sur place et dansent. La trance jusqu’au final coup de massue. Bounce
Dans le genre osmose collective, ce concert mégalo, point final logique d’une trilogie musicale, atomise tout et propose vraiment autre chose de ce qu’on a l’habitude d’expérimenter en matière de techno. Depuis, l’habile et très réussi bootleg du show tourne en boucle. Un radicalisme musical, à l’image d’un rouleau compresseur lumineux.
Shadowplay: The Secret Team, du comics presque conspirationiste d’Alan Moore
Aug 24th
Shadowplay : The Secret Team est un comics docudrama sur 30 ans de relation politico économique des Etats unis et de raccourcis moraux que ses dirigeants successifs ont décidé de prendre avec leur propre éthique. Sous entendu: ventes d’armes, ignorance opportuniste de deal de drogues, actions commando ultra secrètes, le tout étant rigoureusement amoral mais aussi anticonstitutionnel. Cet état des lieux graphique en à peine 30 pages encastré dans le recueil Brought To Light, toujours d’actualité aujourd’hui date de 1988 et est signé par le fan favorite Alan Moore et l’ultra talentueux Bill Sienkiewicz. De la part de Moore, pas de surprise, il a un propos, assez documenté, et quiconque connaît ce fou assez imparable de la bande dessiné pour adulte sait qu’il n’aborde pas un sujet sans une profonde documentation et un message à faire passer. Le choix de présenter un aigle anthropomorphe, agent de la CIA qui se bourre la gueule dans un bar peut paraître saugrenu, mais pourtant ca fonctionne (ceci dit, il procèderait de manière forcement différente aujourd’hui, je suppose). On se passionne assez vite pour cet exposé, beaucoup plus vivace qu’un reportage de « Secret d’Actualité » sur M6 (qui sont d’ailleurs rarement des secrets, sans même parler d’actualité). Un mot sur le dessin : c’est sans doute un des meilleurs travaux de Bill Sienkiewicz qui se laisse complètement aller, qui s’abandonne complètement au propos, travaillant profondément son propos jusque dans la typo. Magnifique, de la rage sur papier !
Je vous recommande donc assez chaudement cette histoire courte qui ne perd en rien de sa portée malgré ses années, et qui nous rappelle aussi qu’il y a un manque cruel de bande dessinées politique, engagées ou pas. Technikart nous fait bien la campagne présidentielle scénarisé par Guy Birenbaum (qui tente faire du buzz en ce moment autour de son bouquin politique “à paraitre” cf son blog), mais il y a comme un manque dans le secteur. Il est à noter qu’il existe des mangas engagés, plutôt d’une droite assez libérale pour ne pas dire très à droite qui demeure pour moi des mystères dont la portée m’échappe totalement. Finalement, ce genre de média n’est-il pas comme tout ces films politiques gavant qui prêchent uniquement des convaincus ? N’est-il pas mieux ou plutôt plus efficace s’il y a opinion à faire passer, de le faire dans un contexte neutre voire proche du non-sens ou du contradictoire ? Bref, du Alan Moore qui vaut son temps de réflexion.
Dernière remarque : A titre personnel, ce serait le genre même qui m’intéresserait de produire si seulement la narration graphique à faire soi-même ne me demandait pas un effort surhumain sans parler d’un temps fou. Le choix artistique, très cru et brut de décoffrage de Sienkiewicz dont découle Ashley Wood aujourd’hui donne aux textes d’habitude ciselés de Moore une espèce de force pamphlétaire qu’il n’aurait pas eu avec ses dessinateurs habituels.
U 93
Aug 23rd
… alias Vol 93 ne fait pas dans la dentelle et ne nous épargne aucun de ces petits effets mélodramatiques, tel ce vieux téléfilm passé sur M6 où l’avion se pétait en 2 « basé sur une histoire réelle ». Et là, le label vu à la TV clignote à plein tube, tentant de faire passer toute l’émotion autour de cet avion détourné devenu mythique. Pas besoin de se creuser la tête, l’entreprise sera forcement réussie au sens hollywoodien du terme. Une histoire avec des gus dont on sait qu’ils sont voués à une mort certaine, ça marche systématiquement. Cette docu fiction puise dans tous les tics crispants et les codes du genre (« oh le gars qui a failli louper son avion, on a mal pour lui ») à l’exception du gars noir sympa et du chien qui arrive à se sauver. Il y a heureusement un allemand un peu lâche à bord pour contrebalancer l’absence de ces clichés. Comprenant le triste sort qui les attend, les pauvres victimes se rebellent contre les preneurs d’otages et font écraser l’avion. Attention, c’est la version officielle retenue depuis le 12 Septembre et depuis, le courageux baroud d’honneur a donné lieu à toute une mythologie (on a même pu le voir en comics !). Loin de moi l’envie de tomber dans les bas-fonds d’un conspirationisme (qui est fondamentalement débile), mais le film est condamné par son essence, à nous offrir une idéologie consensuelle, sans aucune forme de profondeur, d’idée ni de réflexion. Le vide agaçant et crispant. Tout est dans la montée d’adrénaline de « les héros vont mourir », l’effet le plus facile du cosmos. Un sujet en or pour en arriver à un film de rien et la méchante impression d’être pris pour une courgette.
L’illust d’aujourd’hui est une archive de Septembre 2001, donc plutôt à propos, rage & emotion. J’ai l’impression que c’était hier.
Miami Vice
Aug 22nd
Mann, éblouis-nous. Un slogan répété sans cesse depuis que je vois les affiches de sa prochaine croûte, un Shin Miami Vice, série mythique des années 80 où il a fait ses premières armes. Mais maintenant, le père Mann, il est devenu auteur, il tourne en HD et veut bien faire comprendre qu’il est le meilleur pour filmer la nuit. Fini donc les années 80, le babibel, la belle des champs, les Cités d’Or, Phil Collins et les Karaté Kid, téléportation dans notre dure réalité. La drogue, c’est mal, le maïs est transgénique, les gens sont tristes et Phil Collins ne fait plus que de la daube. Le réveil est rude. Du coup, Billy & Jimmy (on les appellera comme ça) n’ont rien à voir avec les flics rigolards de nos souvenirs. Ils tirent la gueule, jamais une parole, pas un clin d’œil, même pas une vanne sur la cravate de son partenaire. Sinistrose d’ un film de Kitano. Mann leur a confié les reines de l’acting, l’air de dire « faites votre daube, moi je réalise ». Et c’est ce qu’il fait, démarrant direct par la boîte de nuit, séquence obligé de n’importe quel Hollywood Night ou des Dessous de Palm Beach, qui n’ont fait que repomper les codes. La modernité n’est pas poussée à l’extrême puisqu’on a droit à des petits clins d’œil à ces années fantômes, grâce à des scènes de cul pathétiquement délicieuses. Le scénario est un peu à leur image, inconsistante voire inappropriée. Il y a des trous scénaristiques dans lesquels on pourrait engouffrer tout le stade de France, des trucs vraiment grotesques, et des questions qui vous tarauderont l’esprit. La présence de Gong Li, qui est pourtant (avis perso) un cadeau de Dieu aux hommes, est ici risible, la caméra allant presque jusqu’à l’insulter. Bon dieu, Gong Li, une secrétaire d’un caïd de la drogue cubain… Soit c’est un pari, soit Michael Mann rêvait de tourner avec elle, tendance fanboy. Pareil pour Colin Farell, quand même assimilable à un beau gosse (non ?) qui est ici enlaidi de manière cruelle, filmé dans sa virilité moche la plus cash. Alors c’est sûr, si on s’intéresse aux conditions de réalisations et de « santé » de son acteur principal, on peut facilement comprendre que son cabotinage éthylique horripile son partenaire Jamie « Melon » Foxx, mais cela ne rend ce film que plus agréable. Oui, car malgré toutes ces incohérences, le maniérisme poseur de Mann s’exprime, rendant sublime le regard perdu de veau mort de Farell se posant sur l’océan, perdu lui-même dans l’indigence du scénario, une manière supplémentaire de dire « même avec ces boulets, cette histoire sans queue ni tête, je suis le seigneur du château. Tel Rocky IV aujourd’hui, Miami Vice sera célébré par les altercinéphiles dans les 20 prochaines années. Crâneur, stylisé, ébouriffant.
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