Archive for January, 2007
D6: The Story of S-Pion
Jan 31st
Les retrouvailles avec N au petit matin sont chargés en adrénaline à l’idée de redécouvrir Moscou par un temps dégagé et en bonne compagnie. Pas d’alternative possible, le déplacement se fera dans l’inoubliable métro de Moscou dont la réputation n’est pas usurpée. Il n’a pas beaucoup changé, il est aussi incroyablement profond et fringuant qu’il y a 20 ans. Tout est aussi brillant comme les joyaux de la couronne, un bling bling du début du siècle narguant les usagers à quelques mètres de hauteurs. Le décalage avec le reste de la ville est hallucinant. Toute proportion gardé, c’est comme si le château de Chambord s’était téléporté dans les couloirs du métro parisien, ligne 12. En fait, il y a de la flicaille un peu partout, parfois en civil. Du coup, prendre des photos au grand jour, même avec le Sony anti-KGB est risqué. Quand bien même…
La balade qui suit dans la galerie Tretiakov est tout simplement estomaquante. N comble des années de retard de vide culturel, notamment en dogmatismes russe-orthodoxe les plus élémentaires, ou simplement en littérature russe du XIXème siècle. Ce n’est pas une visite, c’est un feu d’artifice, la crème des crèmes du genre. Ce maelstrom finit d’ailleurs par énerver les autres guides qui sont ultra violents verbalement. « C’est interdit, ce que vous faites » ou encore « vous pouvez dégager ? ». Oui, les derniers fossiles de l’URSS sont ces fonctionnaires, entreposés dans les musées, qui s’ennuient et tentent d’écrire des SMS en ‘scred. Durand cette mise à jour, le style versatile de Viktor Vasnetsov m’a fait forte impression, tout comme les aquarelles bibliques d’Alexandre Ivanov, pour n’en retenir que deux. Pas vu cependant ces russes qui font vibrer mon cœur, Malévitch, Chagall et tous les autres jugés “décadent” par un système communiste. Les salles sont traversés dans des espèces de chaussons en plastoc’, pas très glamour mais qu’on oublie vite, un autre des restes de l’ère soviétique pour éviter que la boue de la rue ne salisse le parquet.
N. a vraiment un potentiel fou, affirmation que je m’empresse de répéter à W, que l’on rejoint pour déjeuner. Resto gros calibre du jour, spécialité de la mer avec son lot de poissons introuvables en France, ou alors si cher, même au marché de Barbès. Mais la nouvelle attraction de ce repas forcement alcoolisé sera la table d’à côté, une rencontre au sommet des dirigeants du nouveau groupe de service secret du pays, remplaçant du KGB. Ils trinquent de manière traditionnelle, en se levant, et moult embrassade. Même pour les russes, ce genre de démonstrations viriles de camaraderies entre apparatchiks à calvities prononcées n’est pas chose courante. C’est une occasion de plus pour utiliser le déjà mythique Sony anti-KGB qui n’a jamais aussi bien porté son nom. Et non, on n’a pas pu entendre quel serait le nom de cette future officine. Le dévoileront-ils seulement ?
La fin de l’après-midi se poursuit encore dans la joie avec N. que j’escorte par taxi (oui, une fille seule, qui plus est jeune, ne pourra pas monter seule, il faut qu’un mec alpague le dit tacos).
L’édifice au style post-Brejnévien (je ne vois pas comment le définir autrement), architecturalement créatif comme une salle de conférence bulgare des années 80, est une espèce de Pompidou en plus… classique. C’est l’édifice sensé regrouper tout ce qui concerne l’art contemporain. Enfin, tout les tableaux, les statues restent dans l’ensemble ULTRA conventionnels, le véritable art engagé, politique ou social, n’a pas l’air de se trouver là dedans, un véritable bond en arrière niveau audace. On reste donc souvent dans la croute facile, sans énorme incidence. De l’art contemporain comptant pour rien. Le bonheur de cette visite réside dans le coup de bol de tomber sur un vernissage où N. salue une artiste amie de famille. La faune de ces soirées pince-fesses est conforme à ces happenings, c’est-à-dire une tripotée de pique-assiettes qui sitôt fini le discours se ruent sur la picole et le buffet. Il y a une quantité de filles, à peu près le même ratio qu’une fac de lettres parisienne lambda, visiblement tout autant en chasse que leurs homologues occidentales. Dans le fond, un quatuor nous joue un fantastique morceau tiré de « concerto pour ascenseur K.251 en ré mineur ». Les gens sont de toute manière déjà sur le manger. Et surtout, le clou, c’est les prêtres orthodoxes de retour, peut-être les mêmes qui achetaient Photoshop à la rue Montgallet moscovite. Difficile de faire un vernissage plus culte !
Retour d’ailleurs à ce fameux haut lieu du respect copyrightique pour passer en mode achats téléguidés par N. Au programme, ce fameux cd de slav’pop resté introuvable et des déjà mythiques albums de R’n’b russe, de quoi terminer une journée sur un rythme cadencé.
D5: Orientation
Jan 28th
C’est sans doute la journée la plus exténuante à chroniquer, grâce ou à cause d’une visite de Moscou by night. Pourtant elle aura commencé en douceur, en regardant le film ?????? (Zhmurki, la roulette russe) d’Aleksei Balabanov, avec notamment Mikhalkov.
2 mafiosos dans l’ère post-perestroïka galèrent pour des histoires de came à ramener à leur patron (Mikhalkov justement, sous coke et déguisé en Michou/Pascal Sevran, ce qui paraît-il était très hype il y a 10 ans). C’est grosso modo un Reservoir Dogs slave, assez violent mais toujours très comique, reposant quasi exclusivement sur ses acteurs qui font virevolter les répliques racistes, bêtes et méchantes. Bien reconstitué, la Russie d’alors est un mélange entre Desperado et Mad Max, un monde semi-anar’. Zhmurki propose une vraie vision ironique d’un moment de l’histoire d’un pays déboussolé, partagé entre son envie de rebondir et de presser le citron tant qu’il est encore temps.
Quelques croquis et retour en ville, rencontres avec quelques rédacteur en chef de magazines locaux et enfin (!) premier accès à internet. C’est alors que débarque N dans les bureaux. Ou plutôt elle déboule, furibarde de ne pas avoir pas obtenu la note parfaite à son examen. Pour les non-initiés du système scolaire russe, la notation se fait sur 5, ce qui laisse une marge d’espérance pour toucher à la perfection. Une fois la colère dissipée, on fait connaissance. Cette très belle étudiante en psycho de 17 ans a du chien. Elle bouge, parle et évolue dans l’espace avec l’assurance d’une femme beaucoup plus mûre. La glace rompt facilement et on se trouve pas mal de centres d’intérêts communs et sa culture pétillante, doublée d’un légère touche pop/goth fait que le courant passe très vite. Elle incarne vraiment cette fille russe sublimée et instruite dans toute sa splendeur, fidèle à l’image entretenue par la diaspora de l’Intelligentsia russe en France et ailleurs. Elle est passionnée d’art, il est décidé qu’elle fera ma guide demain.
Elle nous accompagne au restaurant avec W. Encore une fois, on est en plein bling bling russe, où en faire des tonnes devient un style en soit. Cette fois ci, ce sera un restaurant italien vraiment somptueux.
Petite balade imprévue dans Moscou, à travers un coin qui serait l’équivalent du quartier latin. La bonne idée, c’est de s’aventurer dans les cours intérieures, dans les allées, la ville étant presque traversable “à vol d’oiseau”. En fait, c’était l’occasion de faire quelques clichés plus ou moins expérimentaux.
Virée nocturne avec W qu’il serait trop difficile de résumer, ne serait-ce que par manque de repères. Généralement, les mots récurrents dans la bouche des hommes sont « et pourquoi pas ? ». Fric et cul se mélangent dans ce continuum, sans honte et sans limite. Entre le sexe de réconfort ou les relations entretenues, le libéralisme sexuel est bien plus accepté en Russie. Cependant, autrefois, cette relation de pouvoir était juste caché, à l’image du scélérat Béria, qui, anecdote de la soirée, s’enchaînait les prostitués qu’il faisait liquider ensuite suivant sa satisfaction. La soirée se termine comme elle a commencé, en discussion sur le passé et l’avenir du pays. Une forme de patriotisme mélancolique est perceptible dans le léger trémolo dans la voix, comme si un parfum de ruines fumantes d’une ville bombardée embuait les yeux et plongeait le coeur dans de la nostalgie. La discussion est brièvement interrompue par un flic qui fait souffler dans le ballon. Le taux est ici de 0g, pas un seul verre d’alcool, comme pour mieux racketter les automobilistes de quelques centaines de dollars. La Russie est un élève qui aurait sauté les premières classes et qui, depuis, redouble sans arrêt, bloqué à la porte de la grande école. Le pays attendrait juste un conseiller d’orientation compétent.
D4: électro-déclinaisons
Jan 21st
Cette fois, c’est la sortie du domaine, le footing se fera sur la glace et le givre. Dans la tête résonnent Survivor et les classiques des années 80, musiques inécoutables pour les mélomanes qui se respectent. Il ne manque plus qu’une poursuite dans la neige pour se croire dans Rocky IV. Mais le terrain est plus plat, plus glissant et les inquiétants chiens de garde aboient à mon passage. Mieux vaut économiser des forces pour taper un sprint, juste au cas où. Une Lada pourrie laissée à l’abandon est la seule trace de modernité sur le premier kilomètre, le reste de la décoration est assuré par des petites maisonnettes en bois dont on a du mal à croire qu’elles isolent du froid ou même du vent. Mais ce n’est rien comparé à celles qui sont dans le no man’s land qui longe la vraie-fausse autoroute qui mène à Moscou. Tous ces restes d’une ère révolue disparaitront d’ici quelques années à moins qu’ils ne se soient éparpillés à la première tempête. Le froid est agressif, le genre à décourager dès le quatrième kilomètre, ce qui arriva. A gauche, un lac gelé qui devrait faire une bonne patinoire avec 5 ou 10 degré de moins encore. Au loin se dessine une forêt recouverte d’un léger filtre blanc, peut-être le dernier du pays. C’est la dernière neige de la saison, un coup monté, c’est sur !
Après la pénible étape des confirmations de visa, un des multiples obstacles d’une course à l’inhospitalité envers tout ce qui est plus ou moins étranger vient le passage surprise à l’Akihabara local, l’électronic town local quelque peu libéral concernant les droits élémentaires de droits d’auteur. Miracle de la mondialisation et du libre marché, tout s’y trouve, à des prix équivalents à celui d’un marché de Pékin. Dans ce brouhaha de blip-blip clignotants, on peut voir quelques anachronismes comme des prêtres achetant le dernier Photoshop pour le prix d’une bière. Un gars vient nous aborder pour des films porno et aligne un catalogue de skeuds. Par complicité masculine avec mon hôte, et sans doute aussi par curiosité, je regarde son offre. Le vendeur sent à mes grimaces que non, pas de « avec des jeunes », et pas de « avec hommes bourrés », un genre cinématographique qui semble être une spécialité locale, mais sur lequel je décide de faire l’impasse.
En s’écartant du stand, W me lance « tu vois la fille à qu’on a croisé, là… et bien elle était surement actrice dans un de ses films ». Elle était fichtrement jolie, on l’imaginerait difficilement entre 3 mecs ivres morts. Le « crouton », puisque c’est le nom du haut lieu du high tech moscovite est aussi l’endroit idéal pour rattraper 15 ans de retard de cinéma du cru. A part le machin matrix-esque et le Retour (dont cette illustration est directement inspiré), la production russe est quasiment invisible dans les salles de ciné, fussent-ils intello ou griffé Mk2. Par contre, les spécialités françaises alimentent les rayonnages, enfin surtout les pingouins, OSS, ou encore Taxi et autres films d’action de base.
(Photo-espionnage sur l’actrice)
Etape importante, on passe à son bureau, et je vois comment fonctionne son affaire. Rencontre avec X et Y, un sympathique couple de marchands d’art russe à Paris. Le lieu est assez hallucinant, une espèce de retro farfelu de fin de XIXème siècle européen où l’on pourrait s’imaginer Phileas Fogg, Sherlock Holmes et Anna Karénine en train de discuter dans un coin du boudoir. Au delà du côté bling-bling d’antiquaires, c’est sans doute dans un de ces endroits que mon arrière grand-père fréquentait avec ses compagnons pour discuter littérature ou politique. L’accès à la« bibliothèque » de ce café Pouckine se fait par un ascenceur à grillage reconstitué. Le too much devient ici un style fringuant, un néo-retro qui ne rougit pas, et cette impression se confirmera avec les autres restaurants que j’aurai l’occasion de visiter. Chaque discussion avec des marchands d’art ou autres participants me laisse miroiter un avenir alternatif où vivre de mon dessin et ma peinture devient une éventualité négociable. C’est après un sérieux mélange vodka et vin rouge que je me jure de travailler plus régulièrement sur les matériaux « nobles » comme la peinture à l’huile qui donne l’air d’être le véritable maitre étalon d’être d’une productivité artistique crédible. Le repas est divin, du début jusqu’au dessert, une espèce de raffinement nippon dans un style russe. Le repas fut aussi riche en surprise, à base de famille d’amis, d’amis de famille et de fraternité retrouvée.
C’est déjà passablement alcoolisé que je fais la bise à des amis de familles que je vois pour la première fois dans leur fief. Puis viens la rencontre avec Y, une fille d’une beauté incroyable avec, dans les yeux, cette confiance arrogante digne d’une bad girl d’un James Bond, de l’effet qu’elle peut faire aux hommes. Ce manque absolu de doute est en général un détail qui m’aggace vite, tout sexe confondu, mais la dame a l’air d’avoir du caractère. Nous allons dans un bar un peu braque, ressemblant volontairement à un décor de Mad Max, un chopper à l’entrée, le portail dans un sas, un endroit familial (paraît-il) malgré le malabar tatoué comme un yakuza à l’entrée.
La femme à la blondeur moqueuse est cultivée mais ne se prend pas au sérieux, d’ailleurs son activité est imprécise : actrice, écrivain, poète, mannequin ? Elle insiste sur « poète ». Alors qu’aujourd’hui, où se faire publier ne signifie plus rien, où chacun peut ouvrir un « blog d’écrivain », les russes restent les seuls à s’affirmer avec aplomb « poète », sans rougir. Qui aujourd’hui, peut se proclamer encore poète si ce n’est Francis Lalane ? Mon grand-père me répétait souvent avec nostalgie que c’était l’unique pays au monde où l’on pouvait trouver des lectures collectives réunissant des villages entiers, même dans les pires moments du pays. Langue de poète, peut-être, mais de bande dessinés, absolument pas. Tout ce qui a de la narration séquentielle a semble-t-il évité. Après une conversation pas dénuée d’intérêt, nos chemins se séparent. La journée fut encore une fois arrosée, ce qui délie la langue mais qui me fait douter de mon expression. Mon phrasé me donne l’impression celui d’un môme élevé en totale autarcie linguistique. Outre les mots d’argot qui ont complètement évolué, j’emploie le vocabulaire familial volontiers sexué, qu’on qualifiera pudiquement de “fleuri”. Cette liberté doublée d’un certain manque de retenue me permet de tenter quelques néologismes ou allitération rigolote façon « canard enchaîné ». Après cette rencontre intéressante, je rentre chez W en réfléchissant sérieusement mettre certaines expressions sous appellations contrôlées.
Entracte (Prison Break)
Jan 19th
Entracte, donc.
Un croquis pour une série d’illustations series-related. Au programme Prison Break (ici), Heroes, Galactica… Enfin, y’a le temps encore.
D3: héritage constructiviste
Jan 18th
Une journée assez riche en découvertes. Le léger footing matinal m’a permis de remarquer la cage du molosse qui garde le domaine fait tout le tour de la propriété. Quelqu’un qui tenterait de s’y introduire serait irrémédiablement chopé dans une espèce de cage étroite. De plus, les médors en question ne rigolent pas, même après plusieurs passages, ils m’aboient dessus de plus belle. Le petit chien de W m’accompagne durant quelques foulées, trop content de trouver un sparing partner aux foulées aussi petites que lui. La neige s’enfonce à chaque pas, avec ce petit son si agréable, signe de fraicheur.. Mais le froid qui frappe comme une lame quand on court sur route dégagée n’est pas des plus agréables. La sueur mets du temps à venir.
Retour à Moscou intra muros pour aller rencontrer le cousin germain côté maternel. A vrai dire, je ne savais même pas qu’il en restait. Cela peut paraître banal pour les gens aux familles nombreuses, mais pour une famille nucléaire comme la mienne dont une poignée de représentants se sont éparpillés dans le monde, ce n’est pas si courant de se trouver des cousins. Attention, je me rends bien compte de la phrase pompeuse que je vais taper, mais ma tribu a été frappée par les deux plus gros fléaux du XXème siècle, le nazisme et le communisme. Pour peu qu’elle soit courtoise, rencontrer ces nouveaux larrons est généralement assez intéressant… Micha a retrouvé la piste de mon grand-père il y a quelques années maintenant et, par conséquent, a pu remonter jusqu’à nous. Il vit dans un coin que je ne peux absolument pas resituer dans ma mémoire.
Les immeubles de Moscou se ressemblent généralement beaucoup et il faut jouer avec sa mémoire pour bien différencier les styles staliniens ou brejnévien qu’on aura trop vite fait par résumer par HLM. L’architecture de Moscou est plus complexe que ça. On peut presque situer l’équivalent d’un quartier latin, un « La Défense » en construction, un Forum des Halles, une rue Montgallet etc…
(note, j’utilise quelques photos d’immeubles faites les autres jours pour illustrer un peu)
Arrivé enfin devant, il me semble le reconnaître d’après photos. On me présente sa fille Alexandra, qui, comme le veut la tradition diminutive des noms russes, est appelée Sacha. Me refusant à employer ce nom pour elle, je lui lance d’un ton impératif « pour moi, ce sera Alexandra » (les précautions orales de courtoisie russe étant pour moi assez relative, mais j’aurai sans doute l’occasion de revenir à la linguistique…) Mais voilà, on vient de me présenter une cousine éloignée, qui serait techniquement une tante me fait remarquer W. Elle est grande, très jolie et s’intéresse aux arts martiaux. J’ai compris qu’elle occupait un chouette poste dans une société américaine, ce qui fait que son anglais doit être à la hauteur. Je n’ai pas compris ce qu’elle faisait spécifiquement (faut dire que la Russie, enfin l’URSS était quand même plus simple quand tout le monde était plus ou moins menuisier ou inspecteur de placard). Pour les curieux, elle est même plus que belle et a, paraît-il, entrepris une formation de mannequinat, pour échouer simplement pour une histoire de taille. Nous montons dans l’ascenseur, absolument incroyable, double panneaux, derrière un grillage. (J’adore les ascenseurs à grillage !) Arrivé à l’’étage, on trinque (heureusement pour la première fois de la journée). On parle un peu avec ma cousine, comparons nos styles martiaux, et là, paf, la découverte : elle a un piercing sur le ventre. Elle a un style ultra travaillé, un jean qui rendrait démodé tout les « Dieseleries » d’Europe, et un haut joliment choisis. Ses ongles rouges et noirs trahissent un petit goût fun ou goth, au choix. Nous mangeons une nourriture ouzbek au restaurant qui, à ma surprise, sert du porc. Personne n’avait l’air de s’être posé cette question, visiblement incongrue. W me dit qu’en gros, « ils s’adaptent ». Le trinquage reste modéré, à peine 4 verres de vodka. Micha nous lance « maintenant, on est vieux et on a fait tout le boulot pour se retrouver, maintenant à vous de continuer ». Il a raison, on s’échange nos mails, en n’oubliant pas de l’inviter à Paris.
Sur le chemin, je discute avec W, sur le prix des choses et principalement de la police. En gros la Russie est passé par toute les étapes occidentales, juste en plus expéditif. Le flic (aussi appelé « poubelle » en argo) faisant la circulation a payé son droit d’être sur le terrain, quelque chose comme 10000. Il devra reverser une partie de ses bakchichs à ses boss à chaque somme récupérée. Après avoir remboursé son droit du bitume, il gardera tout en bonus. Tout les gens plus ou moins importants à Moscou arrosent les autorités pour s’assurer une espèce de rideau d’influence, juste pour avoir la tranquillité. Les flics ont aussi une tradition des règles, oui, comme celles des filles. Ils se décident de verbaliser systématiquement un type de délit durant le même mois. Ce sera au pif, les excès de vitesse un mois, un manque de visibilité de la plaque minéralogique (la saleté des routes fait qu’une bonne moitié des plaques des bagnoles est illisible) ou encore l’alcool au volant, interdit à 100%. Et ainsi de suite, chaque mois. Une des particularités de mon hôte est qu’il est visiblement honnête, contrairement à plein de gens de ce pays. C’est le système qui impose de contourner ses failles pour y survivre, mais lui le dit franchement, il souhaiterait que la Russie rentre dans la classe supérieure. Une cousine. Avec un piercing. Faut que je m’y fasse.
D2: la couleur et l’odeur
Jan 17th
Le brunch russe est costaud. Les restes du dîner suffiraient, non, on fait des boulettes absolument succulentes pour compléter. Personne n’a la gueule de bois malgré les nombreuses bouteilles vidées. C’est d’ailleurs un concept qui n’existe quasiment pas. Mais avant un petit tour de grizzli s’imposait. C’est le petit nom d’un quad ultra puissant pour braver la neige fraîchement tombée et de réaliser quelques figures « j’me la pète » rotatives. gamer spirit. Le paysage blanc qui recouvre la cime des arbres me fait penser à ses photos de famille que faisait mon arrière-grand père, une mélancolie du froid dont tout le monde s’accommode. Certains se plaignent même que l’hiver est trop chaud. De retour, Les différents protagonistes se massent autour de la table pour le fameux brunch, ou l’équivalent puisque le concept n’existe pas encore en Russie. J’en profite pour esquisser quelques portraits à l’aquarelle et au pinceau.
Une fois la troupe séparée, nous nous rendons à Moscou. Passé les premières minutes, mon regard a cessé de jouer aux jeux des sept erreurs une fois les premiers panneaux Mc Do, Leroy Merlin et Ikea à portée de vue. L’asphalte bien moins troué qu’il y a 20 ans ressemble littéralement à une autoroute traversant la ville. Contrairement au Japon, on privilégie les souterrains pour les passages piétons. Ils sont d’ailleurs un chouia flippant, ces couloirs aux tons vif orangé du soir (clichés à venir). Le noël russe vient de passer, mais Moscou est encore particulièrement décoré, en prévision du nouvel an russe à venir, autant de raisons pour les gens de boire et faire la fête. Ca circule sans encombre, sur fond de NRJ moscovite dont j’espère bien vous faire partager quelques pépites. Petite balade sur la Place Rouge, restée longtemps un souvenir de jeunesse entretenu par les films sur la guerre froide et les méchants dans les James Bond. Moins de soldats, moins de grisaille, comme si l’absence de communisme a rendu des couleurs, certes publicitaires, à un pays. La neige aussi a disparu dans les différents camions et tractopelles de combat. Cet hiver sera chaud.
(Celle là est une bonne idée de W… il me comprends pas mal^^ )
Visite ensuite au Goum. Pré-perestroïka, le plus gros magasin du pays était bruyant comme le marché de Barbès. J’ai des vagues souvenirs (peut-être inexacts) d’odeurs d’animaux et de glace consommée par -25°. Désormais la température est plus clémente, et Goum est devenu depuis une « Galeries Lafayette » de très grand luxe à l’occidentale. Avec mes velléités joggeuses, W m’offre un survêtement officiel de l’équipe nationale (la Russie est candidate aux JO d’hiver prochain, ou un truc comme ça). Chebourachka, l’icone de ma jeunesse sera probablement mascotte, dans sa version alternative, tout en blanc. Ce reçit pour enfants ultra connu ici est devenu par le miracle des hasards commerciaux bien calibré un personnage retro-culte au Japon. Go figure.
Demain, espérons un jogging salvateur car ce soir, comme tous les soirs, on boira et bouffera.
Finalement, on trouve ce qu’on était venu chercher : une chapka qui provoquent l’hilarité des jeunes filles qui m’escortent en me voyant choisir le modèle le plus classique et représentatif de la classe politique russe, celle des vieux piliers d’une ère révolue. « Mais c’est démodé, il n’y a plus que les grand-pères pour porter ça » tout en me pointant les grosses boutiques de luxe du coin. Il a fallu que j’entreprenne de leur expliquer que ce serait le couvre-chef idéal pour en imposer si j’étais une star de rap. Et pour être plus clair, il a fallu enchainer ensuite sur une pédagogique explication du concept de « bobo », totalement abscons pour les russes.
L’aspect alimentaire a énormément changé aussi. J’ai souvenir d’avoir été au magasin avec un cousin, faisant la queue pendant 2 heures pour voir un bout de fromage cradingue. C’était en 1987. Aujourd’hui on trouve de tout, parfois à un prix démentiel, d’autres à des prix plus ou moins raisonnables (les fruits par exemple restent relativement démocratiques, même en boutique de luxe… Ce qui signifie que c’est en France que ces prix-là sont démentiels… Oui, désolé mais 7€ le kilo de cerises en pleine saison, c’est n’importe quoi). Des asiatiques tiennent le rayon sushi et font même des sushi au caviar. Après quelques photos, on m’interdit d’utiliser mon appareil, comme s’il y avait un quelconque risque de piratage. Mais bien sur… Qu’à cela ne tienne, je vais leur montrer toute la fonctionnalité de mon Sony DSC-F77 à viseur orientable qui, grâce à sa discrétion, m’a presque sauvé la vie en Chine quand j’ai voulu prendre des photos de soldats. Une machine automatique permet de faire le change à la sortie. Je chope au passage le FHM ruskoff, histoire de savoir ce qui se passe ici niveau actualité géopolitique.
Pelme’nis (juste mon plat favoris, enfant), et autres bons mets seront au menu ce soir, encore une fois de très très grande classe. Le voyage reservera d’ailleurs pas mal de découvertes culinaires, principalement les spécialités “éthniques”. Je profite de la soirée pour rattraper avec plusieurs des jeunes filles scotchés sur MTV Ru mon retard en pop russe, dont une espèce de Franz Ferdinand (pseudo) moscovite qui dépote carrément. L’autre méga star du moment est « Timati », un rappeur à la Street cred’ d’un K’Maro (qui par ailleurs est ultra populaire en club ici, m’a-t-on soufflé), posant en Tupac triomphant sur la couv’ de ses disques. Un rescapés de l’Usine aux étoiles 6 (comprendre Starac’) Enfin le top du top du lover du moment est Dima Bilal, qui a parait-il fait bonne figure à l’Eurovision. Ouais c’est mucho big deal ici, semble-t-il. La soirée sera encore une fois arrosé, une bouteille de vodka à deux, rien de suffisamment gênant pour démonter et remonter une kalach’. Facile. L’alcool, visiblement fusionné à mon ADN ne m’empêche pas non plus de taper ces présentes bafouilles à l’entrée du lit, comme une discipline à tenir jusqu’à la fin, mais qui explique sans doute le côté expéditif de certaines remarques et certains oublis.
fake
Demain, ce sera peut-être enfin la journée musée. Vivement.
D1: les racines
Jan 16th
La femme en uniforme strict tendance Brigite Nielsen me tend mon passeport. Son seul sourire sera esquissé par un « meilleur vœux » de circonstance. Comme si de rien n’était, je venais de mettre les pieds en Russie, ironiquement pour la toute première fois, alors que depuis des semaines, une gymnastique involontaire de l’esprit me renvoie les images d’une précédente venue. L’air y était encore communiste et mes parents redoutaient, à raison, d’être suivis par le KGB, v to vremia comme on dit. La neige tombait alors tellement qu’on n’y voyait plus rien tandis que le sol se transformait en soupe grisâtre. Un cousin m’enfonçait une chapka sur mon crâne de mouflet comme pour me souhaiter la bienvenue. Puis nous nous étions enfournés dans le dense brouillard de Moscou, un des derniers de l’Union soviétique. Flashforward de 20 ans. Le froid s’est fait plus léger sur une barbe naissante, celle d’un ruskof qui a le sentiment de revenir jouer à domicile. Un petit regard aux alentours pour voir ces gueules typiques qu’on ne voit qu’ici, de ses femmes surmaquillés et sapés pour sortir d’un boeing comme pour sortir de boite de nuit. Un ami nous surprend, il est passé par là, comme ça pour dire bonjour, sans prévenir. Je fais ensuite connaissance avec notre hôte, W. Aux alentours, de la neige, mais surtout de la boue, partout, qu’il faut affronter pour rejoindre la voiture. Le parking… On est loin des guimbardes Lada à réchauffer en l’aspergeant d’eau bouillante, ratiffiant ainsi l’acquis sociétal qui fait que la voiture est un signe extérieur de richesse fiable. Quelques dizaines de minutes plus tard, nous sommes dans sa maison, comme une grande datcha. Le portail s’ouvre et une maisonnette s’illumine.
« Eta menty » me glisse W, un mot d’argot que j’ignorais pour désigner les keufs. Ceux-là se relayent pour assurer la garde de la baraque avec des molosses pas très commodes. La maison est une espèce de chalet avec une tour, dans un improbable style mélangeant baroque et art nouveau. De l’inédit total pour qui s’intéresse aux styles architecturaux à l’élaboration «over the top ».
Visite de l’énorme salon convivial « à la russe », différentes chambres d’invités et une cave renfermant une salle de danse et une autre de karaoké pour soirée alcoolisée, sans parler des multiples pièces souterraine, façon Don Diego de la Vega on ice, dans un touchant soucis de tradition. Il y a aussi sans doute une piscine, mais elle devait être en réparation. Les invités arrivent petit à petit, et le salon est envahi peu à peu par 6 petites filles en bas age dont des triplés. Le chromosome Y aurait-il disparu en douce ?
Le repas aux couleurs locales commence, sans retenue et dans une bonne humeur communicative. Idée de famous quote à placer un jour, « la Cuisine russe, c’est celle des jours de fêtes et de tous les jours ». Détail intéressant, je suis le plus jeune des hommes alors que les femmes invitées sont toutes plus jeunes. Elles ont cette chaleur que n’ont généralement pas les femmes occidentales, qui mettent des barrières de distance.
C’est ce même soir que je comprends que mon organisme slave a une résistance à l’alcool à géométrie variable, 5-6 verres de vodka, alors qu’un verre en compagnie de mon grand père m’assomme déjà passablement. L’alcool festif russe doublé d’une certaine technique de boisson longtemps étudiée permet d’enchaîner virilement les verres. La soirée se termine par un feu d’artifice privé ‘achement impressionnant et qui rendrait jaloux Nice et Bordeaux réunis. Ou presque. Dommage collatéral depuis l’arrivée, ma maladie chopée à Paris est passée. Quelqu’un soufflera que c’est les racines slaves, comme un rempotage en terre adéquate. Ah oui, c’était le noël orthodoxe, fêté pour la première fois, et ici.
2007 IV
Jan 5th
Ultime présentation de voeux, la française celle là
And we’reeee done. Bonne année à tous.
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