Archive for November, 2007
Coeur de Hommes 2
Nov 25th
Après le ridiculissime Toute la beauté du monde, on passe maintenant à l’étape “Cœur des hommes 2″, au positionnement marketing clair : un film romantique que les mecs peuvent aller voir « parce que ça parle d’eux ». Enfin faut voir. L’original avait une espèce de fraicheur, circonstance atténuante à son beaufisme, une sorte de « one shot » dans l’air du temps. Mais déjà, un 2 dans le titre, pour un film sans explosion et menace nucléaire, ça fait immanquablement penser aux Bronzés 3. Bonjour l’ambition artistique. Cette suite est aussi atteinte par le phénomène sociologique dit syndrome visiteurs 2. Le mec qui a eu un succès sans comprendre vraiment pourquoi (ou peut-être en réfléchissant trop ?) aligne une suite à la limite de la parodie du premier opus. Logiquement, on retrouve quelques scènes clefs, genre la pétanque, les paris du loto sportif dans la cuisine, les pieds dans l’eau dans la piscine sur fond de musique sans risque tiré d’une playlist “hits & love” d’itunes. On est à la limite du film franchise, la suite clef-en-main. Même les acteurs sont la caricature d’eux même. Darroussin cachetonne littéralement en récitant robotiquement son texte (comme dans “toute la beauté” d’ailleurs) pendant que Marc l’avoine et Gérard darmonne (à quoi sert sa femme dans le film, si ce n’est pour teaser l’intrigue d’un épisode 3?). Nageant dans un machisme qui met mal à l’aise, repoussant les femmes aux limites de l’intérêt purement sexuel, on assistera quand même à un revirement de situation si peu plausible qu’il fait passer celui d’Anakin Skywalker pour une finesse actor’s studio. Cette tranche de vie de mecs se termine bien, de manière aussi sirupeuse qu’ubuesque, comme un témoignage pour rappeler que les happy-end sont la marque des auteurs paresseux.
Les climats
Nov 24th
Attention, ça va dépayser. Les Climats de Nuri Bilge Ceylan est un drame amoureux, un voyage romantique et sensoriel turc, très loin de tous les clichés. Iklimler, avec son image HD travaillée à mort, demande pas mal d’engagement pour sa lenteur, pour un amour flou, à cause du malaise qui prend souvent le spectateur. Malheureusement, le film souffre aussi d’un gros défaut, celui d’avoir proposé une bande-annonce absolument sublime, une espèce de concentré d’intensité folle et muette à la fois, qui n’a pas grand chose à voir avec le résultat final. Du coup, on est semi-déçu dans la salle. Alors si youtube lui rend justice…
Time
Nov 14th
Les coréens et le cinéma en puissance, suite. Time est le treizième film du stakhanoviste Kim Ki Duk, qui réalise plein pot, limite à la chaine. Seulement deux en France cette année. L’histoire qu’on peut qualifier de typiquement coréenne car « too much », est une espèce de love story aussi excessive que Old Boy, moins la violence gratuite. Une femme turbo dépressive et jalouse décide de séduire à nouveau son compagnon après s’être infligé une chirurgie plastique massive. Genre on y croit. L’histoire va prendre une tournure encore plus improbable quand le gus en question va comprendre le tour pendable qu’on vient de lui faire. Un pitch absolument fou sur papier, et pourtant, la magie made in Séoul fait son effet. D’une bluette trash, Kim Ki Duk fait un film puissant et touchant, dans la lignée de Locataires. Cela tient sans doute à cette faculté à tout filmer au premier degré mais avec délicatesse.
Le Vieux Jardin
Nov 13th
Le Vieux Jardin est l’œuvre du même réalisateur que le déjà génial President’s Last Bang (Im Sang-soo). Je ne vois qu’une explication plausible à la qualité du cinéma coréen : ces mecs sortent tous de dictature et ça leur a filé une soif intense de créer. Ce vieux jardin, c’est celui qu’un opposant au régime coréen d’alors choisit, chez une prof d’art, dans un bled reculé et champêtre. Evidemment, nait une idylle, un de ces amours à l’asiatique, très feutré, où tout est dans les non-dits, dans les silences et dans cette manière magnifique d’avoir le regard perdu dans la même direction. Elle le lave, il range et fait la vaisselle, ils font la cuisine, vont pique-niquer, mais bien entendu, le drame de ce pays finit par les rattraper, même dans cette petite bourgade perdue. Là où le savoir-faire sud-coréen rentre en jeu, c’est dans ce mélange de fresque politique et d’amour, un peu à la manière des chinois et des japonais jusqu’à il y a 10 ans. Perfection du cadrage, acteurs absolument sublimes mais la question reste entière : mais où les coréens trouvent-ils la force, avec des sujets aussi classiques, de faire des films aussi puissants ?
Soredemo boku wa yattenai
Nov 4th
Masayuki Suo est le Terence Malick japonais : pertinence et rareté. Une toile tout les 10 ans, ce qui n’est pas un luxe vu la qualité globale de la production nippone de ces derniers temps. Cette fois ci, il s’attaque au système judiciaire de son pays.
En général, les vrp du Japon sont des néo-convertis qui essayent de nous pitcher le pays comme un eldorado du gadget, de la vie à la cool et des chiottes bioniques, son cortège de conneries destinées à faciliter le quotidien, et en filigrane, une vie passivement consumériste, un nirvana sécurisé, voire sécuritaire, encadré par des voix enregistrées qui vous rappellent de tenir la rampe de l’escalator. Pour beaucoup de gens, le système judiciaire est comique, aussi affûté qu’un avocat pointant du doigt la vérité. On en est loin, très loin.
Cas d’école basé sur une des multiples histoires vraies : Teppei se fait arrêter pour avoir peloté une fille dans le métro. Le big truc, là-bas. Enfin, il n’a rien fait, c’est impossible, il avait les deux mains prises. Enfin il se fait arrêter quand même. Le système, basé sur l’américain, pousse à avouer sa faute et trouver le compromis de l’amende, le fameux plaidé coupable. Mais le gamin, véritable Meursault nippon, refuse, car il n’a vraiment rien fait (le titre du film). S’en suit une ribambelle de faux témoignages, de parjures et de vices de procédures dignes des pires pays dictatoriaux. La police, le tribunal ils ont tous forcement raison, puisqu’il est en taule. Si vous vous faites arrêter, c’est qu’il doit y avoir une raison derrière ça. Un camarade m’a un jour conseillé d’éviter à tout prix le moindre pépin judiciaire au japon, La justice, là-bas, est un peu à l’image de leur médecine. Elle soigne le mal, mais pas la douleur.
Evangelion 1.0 : You are (Not) Alone
Nov 1st
Quand on a déjà prouvé qu’on a révolutionné un genre, pourquoi revenir aux sources à part, bien évidemment, pour la thune ? Evangelion, à la fois gigantesque hold-up créatif et vaste supercherie, n’a pas apporté toutes les réponses exigées par une horde de fans. Donc rebelote, des films résumés.
Flashback et tentative d’initiation pour néophytes. XXème siècle, Gainax pitche une série tout ce qu’il y a de plus classique aux TV japonaises. Des jeunes filles sexy, des robots géants qui donneront une ligne de toys, de quoi rassurer n’importe quel investisseur dans un pays qui produit, non sans classe, des séries de géants d’acier pour distraire les enfants dans les cours d’école et satisfaire les gus amateurs de maquettes, les doigts pleins de colle. Sega (à l’époque plein aux as) et TV Tokyo signent vite. Mais assez vite, la série va partir en sucette. Evangelion est un « bridge drama », expression perso’ désignant ce genre désormais abondamment copié, où la majorité des scènes ne montrent que les relations des personnages principaux entre eux, si possible à bord d’une passerelle de commandement, en restant dans le flou complet concernant les antagonistes). Le héros, Shinji, est mort de trouille et on le comprend : son père l’a foutu à bord d’un de ces Eva pour qu’il protège la Terre déjà passablement décimée. Malheureusement pour lui, son tendre papa est sans doute le géniteur le plus dégueulasse du cosmos, au coude à coude avec Fiodor Karamazov et Joseph Staline. Chaque personnage de ce faux huit-clôt a l’air frappé par le drame et la dépression, le tout généralement en non-dit. Les robots sont aussi tout en métaphores freudiennes super appuyés. Le pire, c’est la fin, comme une montée en épingle pour finir par un dégonflement, génie et grosse arnaque à la fois.
« WEvangelion », la nouvelle série de film est sensé re-raconter la même histoire une énième fois mais différemment. Exercice purement japonais (enfin, moins depuis l’avènement des « minisodes » youtubisés), il consiste à écrémer des tonnes de détails, sucrer tous les moments de latence, sabrer les plans à rallonge… Quel peut-être l’intérêt de démonter une série dont le principe même est de faire monter la pression en épingle, par morcif de 20 minutes, pour qu’elle finisse par exploser à la gueule du spectateur ? Le premier chapitre, « Jô », dit : « You are (Not) Alone », se débrouille pour se bricoler des pics dramatiques aux moments où il faut et des moments de béatitude, le tout en full animation magnifique. Mais 6 épisodes, totalement refait, ça passe à toute berzingue. L’amateur sera étonné du choix des couleurs, des logos refaits, de gros détails qui sautent (les children, au revoir), des images 3D pour les méchants (qui restent toujours volontairement non-charismatique), des Eva presque industrialisés… Cadeau bonux, 30 secondes vraiment inédites pour 2h bien tape-à-l’œil.
Mais les newbies, ceux qui n’ont jamais vu la série, ce qui est officiellement le cœur de cible de ces remakes, ils devront attendre des mois pour la suite ? Il y a de quoi lâcher un gros « mouif ». Evangelion a révolutionné l’animation japonaise et en attendant que quelqu’un se décide à venir déboulonner la statue du commandeur, Gainax et leurs sociétés écrans referont les mêmes tripatouillages (plus que 2 films de résumé et « peut-être » une fin inédite, on retient son souffle, mais longtemps). Un exercice qui ne sert pas à grand chose mais qui a le mérite de rappeler qui est le boss.
Com-Robot