Ce coup ci c’est la fin. Snake, âgé, peut difficilement aller plus loin. Dans la moitié des scènes il a même du mal à se mettre debout. Le bout du rouleau. Mais déjà, dans le premier MGS, il s’était retiré quelque part en Alaska. Il avait déjà pris sa retraite, il s’était retiré d’internet, des forums et des fils RSS et voulait déjà qu’on lui foute la paix. MGS4, c’est le baroud d’honneur, sa dernière tournée « à la Phil Collins ».

Aujourd’hui, les réalisateurs de films imaginent tous « une trilogie », parce que ça fait classe lors de la sortie en coffret DVD. MGS4, c’est une « anti-trilogie », faite malgré son auteur. A tout les coups, « ce sera le dernier », jurait Kojikoji, se permettant un épisode alternatifs dans la jongle en cours de route (pas fait, mais du coup, envie de me le faire, comme un vieux Strange Special Origin où l’on découvrait que Wolverine était né d’un projet militaire canadien adoubée par de puissants appuis politiques, Julien Dray et Alain Juppé notamment). Le premier était un rétablissement du mythe Snake, le deuxième était une mise en abime, un pied de nez monumental qui rappelait au joueur qu’il ne sera jamais que le rookie que le jeu balade à poil pour mieux l’humilier. Le 4, c’est le terminus. Compliqué ? MGS est sans doute d’ailleurs la série de jeux vidéo japonais la plus « comics » jamais crée. Pour parler geek, MGS se situerait à la limite du Bronze Age, les années où les héros étaient les plus fous, waayyy over the top mais cohérent. Les années 80. Dans MGS4 tout particulièrement, les comédiens mettent du cœur à l’ouvrage pour bien montrer qu’ils y croient, à leur scenar’ abracadabrantesque, avec des clones du héros comme président des USA. Au final, c’est comme en politique, plus c’est gros et plus ça passe.

Clins d’œil, foutages de gueule, le jeu se permet n’importe quoi, comme un bad boy qui donne juste de quoi l’aimer et tout pour se faire détester. D’un côté, Koji donne une réponse scolaire à toutes les questions restées en suspens depuis MGS2, avec de larges détails de nano machine et autres technoblablas pour faire plus vrai. Plus didactique tu meurs. Il balance son lot de séquences cultes ultra référentielles, quitte à faire de la redite marrante qui fera exulter le fan. D’un autre côté, il développe l’histoire d’un petit vieux qui devrait plutôt s’endormir devant les chiffres et les lettres qu’aller crapahuter dans des bases ennemies. Sérieusement, combien y a-t-il de héros vieux, même vieilli par des processus scénaristiques ? Cable ? Balboa ? Le professeur Xavier (riez pas, il a son propre comics solo en ce moment). Hideo balourde même toutes les séquences anti climax au possible aux moments les plus saugrenus, à l’image du début, dans un cimetière. Ils balancent des plages entières de discussions entre deux séquences de jeu dantesque, quitte à tout nous faire oublier en cours de route. Il y a vraiment un désir de ne pas plaire dans cet aspect là, de réduire certaines séquences de génie à une badinerie sans importance entre vieux militaires.

Tel un comics qu’on prendrait en route au numéro 569 sans faire gaffe, MGS4 est rigoureusement incompréhensible à toute personne ne connaissant ni le 1 ni le 2. El ultimo ne fait même le strict minimum pour rappeler aux joueurs à la mémoire chancelante (genre moi) les différents éléments clefs (les flashbacks organiques durant les cut scènes, super beau, bien pensé, mais qui pousse à la documentation). D’ailleurs je ne vois vraiment pas pourquoi se soucier des non joueurs de MGS, ils n’existent clairement pas dans la feuille de route de Kojima. Ils auront au mieux MGO, offert avec MGS4 et basta. D’ailleurs, ce dernier est beaucoup moins riche que MGS3S, juste ce qu’il faut pour accrocher et ensuite acheter plein de « contenus » à part, ce qui nous pigeonnera toujours. Mais marcher dans un carton pour ensuite faire des headshots sur ses copains est à ce prix. En tout cas, cette méthode de distrib’ permettra à plus de gens d’entrer en contact avec le frisson en ligne. Mais rebasculons dans Chant du Cygne Solid.

Tout en étant un peu fanfic de lui-même (dans le sens où il donne vraiment aux joueurs « un peu » de ce qu’ils voulaient mais tout en se faisant plaisir), Kojipro nous offre un moteur de jeu absolument fantastique, pourvu qu’on en respecte quelques règles, us et coutumes. C’est un peu comme Assassin’s Creed mais avec des trucs à faire dedans. On peut toujours rusher comme un bourrin aussi facilement que de se faire tous les Street Fighter en appuyant seulement sur « high kick ». Au delà de sa aventure bien balisée, MS4 est un fantastique bac à sable qui élargit les champs des possibilités. La part indispensable d’irréalisme (pour que le jeu reste un peu jeu) sera le marchand d’arme qui peut vous fournir à tous moment en guns et munitions, un peu le pendant des crocodiles qui se changent en ration dans MGS3.

En bouclant son arc (car finalement, MGS pourrait renaitre sous une autre forme, en flashback, en histoire alternative etc), MGS4 arrive à un miracle de complicité avec le joueur, une intimité quasi familiale. Snake incarne ici le grand père qui vous raconte des histoires de guerre lors du déjeuner tant qu’il lui reste un peu de mémoire. La connivence entre le héros et le joueur atteint un degré inouï, sans doute jamais atteint dans un jeux vidéo, les fruits d’un arc scénaristique qui dure depuis plus de 10 ans (et plus encore avec MG tout court). Et pasdespoilermais, la fin vaut vraiment le détour, justement à contrepied de ce qu’on attendrait d’un MGS.

Reste une question que Kojima n’a pas daigné répondre : Snake est-il un héros de gauche ?