Bizarrement sans spoilers.

On essaye parfois de nous rentrer des messages à grand coup de surin dans le genre « La baisse du pouvoir d’achat, c’est que dans nos têtes ». Celui de The Dark Knight, c’est le même que Nespresso : il est dark, smooth, intense. Batman Begins était une relecture plutôt réussie du cultissime Batman Year One, ici on va puiser dans le Frank Miller intermédiaire, celui de Dark Knight Returns. On imagine que la suivante sera celle où Miller a basculé dans l’anarchisme facho, qui enfonce chaque porte de la démence à chaque ligne de dialogue. Quand il ne menace pas de faire bouffer des rats à Robin, il part en croisade contre Al Qaida. No shit. Question d’habitude, plus on se la joue glauque et plus le grand public adhère, ayant l’impression d’être traité à la hauteur de ce qu’ils attendent. Hop, Zelda, des éléments zarbi et tristes dans un monde gris, et paf, on vous dira que la saga devient “enfin adulte”.

Mais revenons à TDK. Batman y est donc grim’n’gritty, c’est comme ça que s’appelle ce style. Il nous le rappelle à tout bout de champs, que sa croisade est difficile, qu’elle le bouffe, que le bien, le mal, deux facettes d’une même pièce etc etc. De la dichotomie Nietzsche bien fado, mais balancée ad nauseum. Sans une once de recul (sans doute la plus grande qualité d’Iron Man), premier degré à en mourir, TDK veut nous convaincre tellement fort qu’il est « noir et obscur ». Et le grand malheur, c’est que tous les dialogues « sérieux » sont poussifs à l’extrême, persuadé de leur propre profondeur comme un élève de 6ème qui fait son exposé. Baser tout le récit sur une version futuriste et alternative d’un Batman psychotique était un peu lourdingue, mais ce n’est même pas allégé par un scénario clair. Résumé, en gros: alors que Harvey Dent, Gordon et Batman s’unissent pour chasser l’argent de la pègre, bien en sécurité dans les banques, intervient un chinois, mix de Kerviel et Bernard Tapie; qui rafle le magot et l’emmène à Hong Kong en sécurité dans sa Société Générale à lui. Se colle à ça Joker qui n’a qu’une envie, se mesurer à son ultime Némésis. Say whuut ?! La mafia laisse son argent en banque ? Et… ils découvrent l’existence des comptes offshore en 2008 ?

Joker va proposer ses services à la mafia, puis menace ses victimes V.I.P. mais les prévient en foutant leur ADN sur une carte à jouer… Wow vraiment, le Joker ferait-il des trucs comme ça ? Ce n’est que la partie immergé de ce vilain passé en mode Lex Luthor. Et Batman, lui, va faire un tour à HK récupérer des cd pirates et le chinois. C’est si confus, si peu cohérent et surtout, ce n’est pas une mise en place très amusante. De faux Batmen ? Une piste fun qui dure 2 mn à tout casser. Nolan a cherché à rendre le film dense, rajouter le maximum d’éléments (parfois très bien choisis) que le récit fini par ressembler à un gloubi boulga. Wayne fait un tour dans son atelier et essayer des gadgets en tripotant tout comme Bond. Rien ne nous échappe, sans aucune ellipse ou subtilité, jusqu’à la Bat Armure qui permet de tourner maintenant la tête. Tout est presque bi-sous-titré pour ceux qui se le mattent en VOSTF. A-t-on vraiment besoin d’un mec qui nous disent “mais c’est un téléphone portable” après 1mn de build up, de sonnerie et surtout d’un téléphone qui brille pour bien qu’on le voit, comme un objet dans un survival horror ? Dark Knight et son Gotham de jour (Chicago en fait, ça c’est raccord) ressemble finalement dans ses grandes largeurs à une de ces séries de type Law & Order, des séquences de bat-fighting en plus.

Joker 2K8

Un mot sur les acteurs car à part les camions qui explosent sans CG, tout repose sur ce casting super léché. Heath Ledger joue son Joker façon star du rock à la dérive. Ses répliques sont les meilleures et se permet quelques scènes incroyables. D’ailleurs la plupart des acteurs s’en sortent vraiment bien, sans trop en rajouter. Dégât collatéral, les vilains vampirisant la caméra, ça nous renvoie à Burton et ça sidekick encore plus le héros à chaque fois. Mais à chaque période son Joker, celui là tient du clown triste. Aaron Eckhart dans le rôle de Dent est vraiment bon en incorruptible adoré du public, véritable Dominique Strauss-Kahn que tout le monde voulait voir en candidat pour Gotham à la place de la conne. Gordon aussi est bien en valeur, lui qui n’en avait pas besoin après Begins. Il y a des petits moments de bravoure, du beau jeu, de la finesse (Wayne / Bale absolument impeccable, jusqu’au verre d’alcool balancé en skred dans les pots de fleurs) et pleins de bons morceaux choisis par Nolan pour faire monter la sauce. Et Maggie Gyllenhaal, même archi moins sexy que dans la Secrétaire (désolé, liens youtube interdit aux mineurs), est là pour nous rappeler à quel point Katie Holmes était une désastreuse erreur de casting.

Mais pour un film qui jouait la pole position de l’été, on est un peu dans la déception olympique. Résultat: un modeste accordé pour de bonnes patates dans la gueule et de jolies cascades en truck et à moto. Allez un dernier pour la route:

youhouuuu

Pour finir, mon Batman préféré, celui de « It’s you…