On nous vend la crise comme inévitable, à coup de reportage moyennement optimiste chez Pernault. Mais de l’autre côté de la Terre, on casse. Après le sublime Still Life et Useless, Jia Zhang Ke nous offre encore une master class magistrale de lucidité et d’esthétisme mélancolique. Après la ville s’apprêtant à se faire engloutir « pour faire une jolie vallée », il plante sa caméra dans une grosse usine dans le Chengdu. A mi-chemin entre docu (l’usine est sur le point d’être démantelée) et fiction (certains personnages interrogés sont des acteurs, mais pas tous), Jia Zhang Ke transforme la nostalgie d’un moment en puissance esthétique « in your face », comme si l’usine en pleine décomposition témoignait à son tour. Pas de la gnognote comme le blog chinois de Jean Pierre Raffarin en noi-chi (lisez les commentaires, ça vaut le coup). Zhang Ke est sans doute un des plus grands réalisateurs en activité, c’est une certitude maintenant. On se demande comment il fait pour tourner cette vérité crue de la démolition d’un pays, sans aucune forme de censure. Unir la beauté et la mémoire, à chaque plan fait de Zhang Ke devient le plus pertinent des guetteurs de la transformation urbaine. Une note d’espoir : son interprète nous a annoncé qu’un de ses futurs dream project sera de monter un film de kung fu politique. J’espère vivre assez longtemps pour voir ça.