Le dernier Ghibli est, attention grosse surprise, l’histoire d’une jeune fille qui va découvrir que “la vie, c’est pas toujours facile”.

 

Eté au Japon, soit une sortie programmée à la toute première semaine de janvier en France, la routine, quoi.

Adapté d’un random shojo manga par Hayao Miyazaki mais mis en scène par son fils Goro, Kokuriko zaka Kara (From up on Poppy Hill en V.A) est le Ghibli parfait d’après-crise, celle que traverse le Japon post-séisme. Le studio s’est d’ailleurs mis en tête de réaliser un film sans utiliser d’énergie nucléaire. Good luck, les gars.

 

Un film d’après-crise, c’est une histoire qui, d’apparence, ne s’engage pas vraiment, se contentant de tabler sur la puissance illustrative de Ghibli, cette machine à générer de la nostalgie avec des palettes de couleur vive, les stars n’étant pas le casting, ni la nana de la chanson finale mais le vert vivifiant des arbres du décor et le bleu des ciels, très bleus.

 

Umi est une jeune fille débrouillarde qui, chaque matin, fait virevolter le fanion qui souhaite bonne route à tous les navigateurs, une manière aussi de se remémorer son père qui a disparu en mer il y a quelques années. Au loin, Shun va rejoindre l’école à bord de son bateau. Lui est un membre influent du journal du lycée. Mais en 1963, l’heure est à la modernisation à cause des Jeux Olympiques de Tokyo qui approchent (70 ans avant ceux d’Akira). Et ce vent de modernité menace “KaruchieRatan“, alias Quartier Latin, la grande demeure que squattent les jeunes du lycée. Tout le monde, garçons comme filles, vont s’unir pour empêcher la destruction de leur centre culturel. Evidemment, les deux jeunes vont se sentir attiré l’un par l’autre sauf que, problème, plane un doute: se pourrait-il qu’ils soient demi-frère & soeur ?

 

Goro est aux manettes mais la patte Miyazaki père n’est jamais loin. Faut voir la gueule de ce Quartier Latin, un bâtiment surréaliste complètement baroque, que la magie aurait arraché à une autre production du papa (Chihiro vient à l’esprit). Et puis il y a cette manière d’évoquer les tranches de vie que cela soit dans le script qui oblige le spectateur à faire le job de remplir les cases lui même. Comme ce surnom étrange, “Meru”, “mer” que certains personnages donnent à Umi, mais parachuté sans explication dans l’histoire.

 

Il est facile de voir cette Colline aux Coquelicots comme un Ghibli mineur, et je te le dis en vérité, c’est ce qu’il est, même si j’ai généralement une nette préférence pour ces films low-key. C’est pourtant la vérité : Miyazaki père se garde les œuvres surréalistes mastoc, prétextes à un déluge d’animation de toute beauté, laissant les histoires plus “sitcom” aux autres gus de son studio. Après tout, sa dernière tentative de “réalisme” remonte à Porco Rosso, qui est aussi réaliste que peut l’être un film dont le héros est un homme à tête de cochon.

 

Miyazaki et Anno, lors d'une escapade dans le désert

Mais la Colline aux Coquelicots a, selon moi, un autre sens: d’après ce qu’il se dit, Hayao Miyazaki travaille en ce moment sur un film autobiographique. Et un autre, plus “historique” (des croquis de Zero ont été aperçu… à moins que ce ne soit lui qui reprenne le flambeau du “Tombeau des Lucioles 2″. Peut-être qu’il s’agit d’ailleurs du même film ?) Hayao veut probablement se raconter avant qu’il soit trop tard. Mais j’avais un peu peur, et pas seulement depuis que j’ai lu sa bio. Je veux dire: c’est un mec qui a porté le conflit avec son fils devant tout le monde avec “Gedo senki” (“Les Contes de Terremer”, le premier film de fiston) en agissant comme le dernier des fils de pute, alors qu’il a été réalisé sous son nez, par son studio. En gros, son plus gros coup d’éclat, c’était de quitter la projo du film, sur l’air de “qu’est-ce que c’est que cette merde”. Il y aurait beaucoup à dire sur la manière dont a été produit et promu Gedo Senki, beaucoup de choses qu’on ne sait pas sur la relation de Hayao et de Goro, mais en tout les cas, un père se doit de soutenir son fils, surtout quand on connait la difficulté de monter un film d’animation traditionnelle aujourd’hui.

En général, on fait le distinguo entre la vie slash l’œuvre surtout quand on remarque que les gros enfoirés sont légion parmi les gens talentueux. Le fils qu’il n’a jamais eu, c’est Hideaki Anno, sans doute le mec qui a tellement monté la barre dans l’animation japonaise que ça en parait c’est normal qu’ils s’entendent comme cochon et étalent leur bromance. Mais, mais, mais… Dans la Colline aux Coquelicots, on peut lire une autre grille de lecture, plus douce, celui de la réconciliation entre un père et un fils.

Sinon, 2012, ce sera aussi Eva 3.0