La raison pour laquelle je me retrouve plus volontiers dans la japanime que dans les autres genres, c’est à sa manière si particulière d’évoquer le passé. De poser, quand il faut, un regard nostalgique sur les choses. Comme dans les Ghibli (dont le dernier film se déroule dans les années 60), comme dans les productions I.G et les Ghost in the Shell qui nous inventent un passé hantant le présent. Comme dans Néo Tokyo qui finalement garde les stigmates de son ancienne carapace dans les ruines et les néons cassés. Bon sang, je pourrais écrire une thèse sur les néons brisés dans Akira… Les meilleurs animés sont ceux qui nous racontent un passé. On ne le trouve pas qu’au Japon hein. Les exemples qui me viennent… Iron Giant. Batman The Animated Series et son fabuleux générique-manifesto. Et puis L’illusionniste. Mais grosso modo, la force de la japanime, c’est sa puissance évocatrice.

Il y a dans Colorful une scène absolument géniale, celle où le jeune Makoto se découvre un ami qui l’invite à l’accompagner sur les traces d’une voix ferroviaire disparue. A mi-chemin entre animation et réalité, ils se découvrent à mesure qu’ils s’éveillent à une nostalgie qui leur était totalement inconnue.

Pourtant c’était mal parti pour Makoto, un jeune garçon mort. Il va se faire habiter par une âme qui va essayer de comprendre pourquoi ? On lui dit tout de suite ce qui va pas: son père est amorphe, sa mère le cocufie, son frère est indifférent et la fille du lycée dont il est amoureux vend ses charmes pour se payer des horribles sacs Vuitton. Rien hormis les sacs ne justifie un tel acte. Qu’est-ce qui a poussé ce Makoto a décidé de prendre la porte de sortie ?

Colorful est clairsemé de scènes absolument géniales. Cette famille qui ne se parle plus et qui va finalement manger ensemble dans une formidable construction purement miyazakienne de la grande époque (pré-Chihiro inclus bien évidemment). À un moment, le grand frère ramène un bol brûlant près de son visage, venant embuer ses lunettes avant d’apprécier un bol chaud lors de ce salutaire repas familial. Je ne porte plus de lunettes. Trop gênant, encombrant au sport et lentilles trop ennuyeuses, j’ai décidé de faire une croix sur le cosplay “prof de gauche intello” et de laisser faire la science. J’ai ainsi littéralement rebooté mon regard, une sensation que je ne croyais pas possible jusqu’à présent. Et même si je ne regrette pas une seconde ce choix, je me souviens avec nostalgie de ces moments où cela m’arrivait, aussi certainement qu’une fille se rappellera de ce cheveu resté dans sa main après se l’être passée dans la chevelure.

Avec une certaine naïveté à hauteur d’enfant, lentement comme l’impose son sujet, Colorful puise intelligemment dans la tradition puissance évocatrice si propre à l’animation japonaise.

 



trailer que je trouve pas gégé, mais whatever works