Cinématographe

Ciné israélien robotics : My Father, My Lord

Spécial cinéma israélien ‘08. Amateurs de franche rigolade, voici le programme : deuil, religion, guerre, re-deuil, sans doute un peu de religion et puis de la guerre. Fiscalité, inceste, œdème pulmonaire, ils avaient pas en stock. On va commencer avec My Father My Lord.

Un rabbin ultra-orthodoxe de Jérusalem fait ce qu’il est supposé faire : étudier la Torah. Il essaye de transmettre son savoir et sa foi à son fils, pas récalcitrant pour un môme de 10 ans, mais pas zélé non plus. Genre « Papa m’a dit », mais sans plus. Survient l’accident où le pauvre mouflet va se noyer ce qui ébranlera le père.
Je tiens d’un survivant de la Shoah le témoignage d’un rabbin, constatant l’horreur : « Vide, le ciel est vide ». On ne peut que nier, en bloc. Presque sans paroles, par séquences lentes, à la limite de la réminiscence, on ressent l’incompréhension du rabbin avec des moments de rage contenue face à un dieu qui lui enlève brutalement ce qu’il a de plus cher. Pire, il n’arrive même plus à exprimer sa colère. Comment croire en lui alors qu’il inflige le châtiment suprême à ses serviteurs ? C’est toute les questions que se posent les acteurs se la jouant naturaliste jusqu’au bout. Animé par d’oppressants mouvements de caméra, exigeant et d’une tristesse inouïe, My Father My Lord est une tragédie pudique, poignante dans ses non-dits, une aquarelle de chagrin inconsolable.

Mais sur le même thème, même endroit, Tehilim (évoqué méga brièvement ici) est encore plus métaphysiquement attirant.

Next : Beaufort

Sparrow

3ème Johnny To de l’année, comme une apothéose. Kei est un pickpocket un peu bobo qui, entre deux larcins de haute volée dans les rues de Hong Kong, s’y balade pour faire des photos un peu LoL. Un beau jour, il saisit sur le vif une fille aussi magnifique qu’apeurée. La garce va faire du gringue à lui et à tous les membres de son gang. Manipulatrice, elle les oblige à affrontent un autre gang de pickpockets. Derrière cette histoire de voleurs, Johnny To arrive à créer une sauce western et film de kung fu alors qu’il va absolument rien se passer à l’écran. Comparé à ça, les bastons de Dark Knight sont d’une limpidité Jacky Chanesque. Et pourtant, elles sont adorables. Oui, c’est le mot : To donne aux mouvements de cutter la légèreté d’une comédie musicale (la référence qui saute aux yeux) et la classe naturelle d’un Sergio Leone, le tout dans une sensualité feutrée et une sexualité criante. Il arrive à faire l’impensable, à faire un film d’action sans action. Il est allé au bout du cinéma de (son) genre alors il en investit un autre. Tout comme Triangle, c’est une vraie envie de cinéma qui nous éclate à la gueule sans prévenir.

Fantastique, donc sur 5. Et ouais.

Mad Detective

Il est des films dont il ne vous reste rien, absolument rien. Mad Detective, dans le genre, défonce tout. La première scène nous donne la signification du titre : un détective, profiler sur les bords, se mets dans une valise et se laisse tomber dans les escaliers pour « sentir » la vérité. Il est fou. Mais après, le trou noir. Ca tchatche, c’est moody mais sinon… walou. C’est le deuxième Johnny To de l’année (remember Triangle) et de trèèès loin le plus confus, comme s’il avait volontairement voulu brouiller les pistes. Il ne fait rien pour faciliter la tache. Du coup, il reste comme un blanc.

Dark Knight

Bizarrement sans spoilers.

On essaye parfois de nous rentrer des messages à grand coup de surin dans le genre « La baisse du pouvoir d’achat, c’est que dans nos têtes ». Celui de The Dark Knight, c’est le même que Nespresso : il est dark, smooth, intense. Batman Begins était une relecture plutôt réussie du cultissime Batman Year One, ici on va puiser dans le Frank Miller intermédiaire, celui de Dark Knight Returns. On imagine que la suivante sera celle où Miller a basculé dans l’anarchisme facho, qui enfonce chaque porte de la démence à chaque ligne de dialogue. Quand il ne menace pas de faire bouffer des rats à Robin, il part en croisade contre Al Qaida. No shit. Question d’habitude, plus on se la joue glauque et plus le grand public adhère, ayant l’impression d’être traité à la hauteur de ce qu’ils attendent. Hop, Zelda, des éléments zarbi et tristes dans un monde gris, et paf, on vous dira que la saga devient “enfin adulte”.

Mais revenons à TDK. Batman y est donc grim’n’gritty, c’est comme ça que s’appelle ce style. Il nous le rappelle à tout bout de champs, que sa croisade est difficile, qu’elle le bouffe, que le bien, le mal, deux facettes d’une même pièce etc etc. De la dichotomie Nietzsche bien fado, mais balancée ad nauseum. Sans une once de recul (sans doute la plus grande qualité d’Iron Man), premier degré à en mourir, TDK veut nous convaincre tellement fort qu’il est « noir et obscur ». Et le grand malheur, c’est que tous les dialogues « sérieux » sont poussifs à l’extrême, persuadé de leur propre profondeur comme un élève de 6ème qui fait son exposé. Baser tout le récit sur une version futuriste et alternative d’un Batman psychotique était un peu lourdingue, mais ce n’est même pas allégé par un scénario clair. Résumé, en gros: alors que Harvey Dent, Gordon et Batman s’unissent pour chasser l’argent de la pègre, bien en sécurité dans les banques, intervient un chinois, mix de Kerviel et Bernard Tapie; qui rafle le magot et l’emmène à Hong Kong en sécurité dans sa Société Générale à lui. Se colle à ça Joker qui n’a qu’une envie, se mesurer à son ultime Némésis. Say whuut ?! La mafia laisse son argent en banque ? Et… ils découvrent l’existence des comptes offshore en 2008 ?

Joker va proposer ses services à la mafia, puis menace ses victimes V.I.P. mais les prévient en foutant leur ADN sur une carte à jouer… Wow vraiment, le Joker ferait-il des trucs comme ça ? Ce n’est que la partie immergé de ce vilain passé en mode Lex Luthor. Et Batman, lui, va faire un tour à HK récupérer des cd pirates et le chinois. C’est si confus, si peu cohérent et surtout, ce n’est pas une mise en place très amusante. De faux Batmen ? Une piste fun qui dure 2 mn à tout casser. Nolan a cherché à rendre le film dense, rajouter le maximum d’éléments (parfois très bien choisis) que le récit fini par ressembler à un gloubi boulga. Wayne fait un tour dans son atelier et essayer des gadgets en tripotant tout comme Bond. Rien ne nous échappe, sans aucune ellipse ou subtilité, jusqu’à la Bat Armure qui permet de tourner maintenant la tête. Tout est presque bi-sous-titré pour ceux qui se le mattent en VOSTF. A-t-on vraiment besoin d’un mec qui nous disent “mais c’est un téléphone portable” après 1mn de build up, de sonnerie et surtout d’un téléphone qui brille pour bien qu’on le voit, comme un objet dans un survival horror ? Dark Knight et son Gotham de jour (Chicago en fait, ça c’est raccord) ressemble finalement dans ses grandes largeurs à une de ces séries de type Law & Order, des séquences de bat-fighting en plus.

Joker 2K8

Un mot sur les acteurs car à part les camions qui explosent sans CG, tout repose sur ce casting super léché. Heath Ledger joue son Joker façon star du rock à la dérive. Ses répliques sont les meilleures et se permet quelques scènes incroyables. D’ailleurs la plupart des acteurs s’en sortent vraiment bien, sans trop en rajouter. Dégât collatéral, les vilains vampirisant la caméra, ça nous renvoie à Burton et ça sidekick encore plus le héros à chaque fois. Mais à chaque période son Joker, celui là tient du clown triste. Aaron Eckhart dans le rôle de Dent est vraiment bon en incorruptible adoré du public, véritable Dominique Strauss-Kahn que tout le monde voulait voir en candidat pour Gotham à la place de la conne. Gordon aussi est bien en valeur, lui qui n’en avait pas besoin après Begins. Il y a des petits moments de bravoure, du beau jeu, de la finesse (Wayne / Bale absolument impeccable, jusqu’au verre d’alcool balancé en skred dans les pots de fleurs) et pleins de bons morceaux choisis par Nolan pour faire monter la sauce. Et Maggie Gyllenhaal, même archi moins sexy que dans la Secrétaire (désolé, liens youtube interdit aux mineurs), est là pour nous rappeler à quel point Katie Holmes était une désastreuse erreur de casting.

Mais pour un film qui jouait la pole position de l’été, on est un peu dans la déception olympique. Résultat: un modeste accordé pour de bonnes patates dans la gueule et de jolies cascades en truck et à moto. Allez un dernier pour la route:

youhouuuu

Pour finir, mon Batman préféré, celui de « It’s you…

Opération Blockbuster 2008

2008, l’année des blockbusters du bien, l’année où Indiana Jones IV passe pour la queue de peloton, où les super-héros sont sexy. Les blockbuster, c’est la poésie d’un train qui explose, d’un réalisme balistique sous emphet, de femmes à tomber par terre, de oneliner calibrés pour le succès. Oublié les autres vilains, les adaptations moqueuses ou les block petit bras, c’est l’été de la tentation super-héroïque.

Résumé des courses:

Iron Man

Speed Racer

Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull

Wanted

Hancock

Incredible Hulk

Dark Knight

Un vrai été sous le signe de Supercopter ! Et quand ce sera fini, on passera à un maxi-event autour du cinéma coréen et israélien.

Incredible Hulk

Alors qu’Hulk a disparu de son comics pour laisser la place à Hercules

Premier bon point : gros tacle à Ang Lee dont le Hulk est tout simplement limogé en une intro kitsch et ultra rapide. Trop affreux, trop “out-of-character”, trop Oedipe là où il n’y que du Jekyll & Hyde, Ang Lee était un très mauvais casting (pourtant dieu seul sait qu’il est doué). Il poussa même le vice à utiliser sa propre gueule pour la motion capture de Hulk, lui offrant un visage de poupon asiatique. Heureusement, l’ Incredible Hulk de ce coup ci ayant été motion-capturé d’après le visage de David Douillet, il est bien plus monstrueux.

L’autre changement de taille : Ed Norton à la place d’Eric Bana. Ed, c’est la classe incarnée, tout comme Robert Downey jr, il donne l’impression que c’est super simple à jouer. Il incarne le freluquet Banner, dans un de ces moments intéressants où il tente de se contrôler. Attention ça va devenir spécifique : Incredible Hulk puise dans le meilleur du run de Jenkins et Bruce Jones où Bruce s’était rasé la tête, et se contrôlait en s’auto-hypnotisant au métronome. Il était aidé par un mec inconnu à l’autre bout de MSN –genre « conspiration ». Toujours traqué, il a désormais un step ahead sur ses adversaires. Heureusement que ce run a pris fin, c’était devenu assez pathétique malgré un super début. « Incredible » lui file le même Némésis que dans cet arc, Abomination, complètement réécris. Il est désormais motivé par la soif de pouvoir et surtout, il est accro au gamma comme d’autres à Koh Lanta, un vrai narcomane en manque. On va dire que c’est un peu moins subtil que la bédé, mais au moins Tim Roth le joue léger, à l’engliche. Passe encore. Malheureusement, il est traité aussi comme un doppelganger du héros, ce moyen d’économiser en histoire pour vite présenter un vilain, à la Iron Monger / Venom et cie. Mouaiff. Mais à part Ed, c’est un peu la cata. Betty (Liv Tyler, un ex fantasme mondial pour ado) est assez pathétique. Ross est difficilement crédible (les opérations débiles sur le terrain et son « envie de disséquer Banner ». Seul Norton surnage au dessus de ses personnages.

Leterrier s’est conformé à la charte du blockbuster alimentaire, tout en plaçant des dizaines d’easter eggs, une extravaganza de gros clins d’œil, de références cryptiques. Ce n’est pas le film de genre parfait, loin de là, mais il rend énormément hommage à la série (avec Bill Bixby et Lou Ferrigno) pour s’en sortir relativement intelligent. Enfin, il utilise habillement le passif bancal de la version ciné/série (Banner se fait sa gama-thérapie par accident et non par un acte de bravoure, en sauvant un môme qui trainait pas loin d’un essai nucléaire, ah les années 60…) pour en refaire un héros, ce qu’Ang Lee avait totalement sabré. Fini Frulk (Freud+Hulk), au moins on revient à “Hulk Smash” !

Pour la peine, c’est un sur 5, avec l’indulgence du jury. Du kiff généreux.

Hancock

Hancock est supposé être un super-héros antipathique, alcolo et chevènementiste. Tout pour déplaire. Immortel, il se morfond en insultant les gens qu’ils sauvent quand il ne provoque pas des millions de dégâts. Malheureusement, il est interprété par Will Smith, la cosmo-erreur de casting. Dans I,Robot, il était sensé jouer un mec turbo dépressif qui, à part une scène de douche où il fait sniff, s’occupe plus du bonheur que lui apporte sa paire de Converse vintage.Et Wild Wild West, pitié. Alors pourquoi diable demander à un mec dont la sympathie est le fond de commerce, de jouer le mec imbittable ? Même quand il insulte des mecs, il le fait « à la cool ». Même quand il tue son chien dans I am Legend ou quand il noie un enfant de ses propres mains comme ici, il a toujours l’air cool. Non en fait, il ne fait pas ça, il insulte juste des mecs. Will Smith est presque aussi relou ici que quand il parle de ses hobbies scientologues.

Mais le filtre hollywoodien nous offre un truc encore plus aberrant : Charlize Théron en desperate housewife next door. Et là, tout les clignotants du miscasting sont allumés sur fond de 9ème de Beethoven. Ce n’est plus une question de réalisme (n’oublions pas que Hancok est grosso modo Son Goku moins les boules de feu, il vole et invulnérabilité), mais simplement de bonne ou mauvaise idée (Et attention, Charlize, elle est super, je l’avais même casté pour Meryl de MGS). L’autre problème notable, c’est ce film bicéphale qui commence par une parodie de genre (le héros saoul qui sent comme les toilettes d’une boite de nuit à 5h du mat) pour tomber dans « l’autre chose » absolument insensé, le megaton ridicule, comme si soudain, les auteurs avaient totalement changé d’avis en cours de route. Ce sautage de requin fait passer le revirement moral de Hancock du milieu du film pour de la subtile narration. Au final on a un objet assez moche (au sens propre), foncièrement répugnant et dégoulinant de sous-entendus cons, sans qu’à aucun moment ne transparaisse un gout pour le genre.

Dans cette saison 2008 remplie de block et d’actionneurs valables, celui là (produit par Michaël Mann, mais pourquoi ?!), celui là est sans doute dans le peloton des plus nazes.

sur 5, la note du non_kiff.

Wanted

D’habitude les comics de Millar souffrent de quelques défauts récurrents. Basé sur 2,3 concepts rigolos ou idées fortes, ils se perdent dans la touchette un peu poseuse voire dans la flemmardise la plus éhonté. Wanted était un comics fort rigolo justement qui avait commencé comme cela mais qui s’était fini tout connement, sur un gus qui vous regarde dans le blanc des yeux en disant « ça, là, c’est ma gueule quand je vous la mets profond ». Ou un truc du genre. Super. Et bien, là, figurez-vous que l’adaptation est mieux fichue que l’original. Oui, encadrez ces mots, ça n’arrive pas souvent ici. Wanted le film reprend tout ce qu’il y avait de rigolo dans la bédé et élabore sa propre mixture. L’original était un méta-comics (comprendre que ça badine sur sa propre condition de héros et d’anti-héros à toutes les pages) et l’aventure initiatique d’un glandu tocard qui se découvre un jour être le fiston d’un roi des Super Vilains. Genre demain, tu découvres que t’es le fils de Doctor Doom ou de Jean Luc Mélenchon. Les boules.

Tel Jean marchant sur les pas de Nicolas vers la mairie de Neuilly, il va prouver une fois de plus que l’hérédité, c’est pas du pipo et prendre petit à petit le contrôle de l’organisation super criminelle. Le film reprend trait pour trait ces idées en enlevant complètement le côté « super vilain ». Désormais, c’est juste un syndicat du crime. Pas de costumes flashy ni rien. En temps normal, on (enfin je) aurait éructé, mais là pas du tout. La première scène totalement grand guignolesque donne tout de suite le ton sur le côté rajouteur de l’entreprise. Les gens pas au courant pour le film voir ont éclaté de rire. Ower ze top. Matrix est passé par là, ça slo-mo et bulletfight de partout mais notre cerveau a emmagasiné le genre, il est préparé à un déluge storyboardé fou de caisses qui s’envolent et de trains qui déraillent etc.

Mais à force de moraliser, on a fini par ripoliner le syndicat du crime. Du coup, on perd complètement toute tension sexuelle. Je vous cache pas qu’on aurait aimé voir le pignouf se faire faire son éducation culpar Angelina Jolie comme dans le comics original. C’était peut être le point le plus réussi : les méchants l’étaient vraiment, ils étaient sales, vol, viol et tout. Wanted ze movie nous offre une confrérie d’assassins fantoche avec un code de l’honneur un peu ennuyeux avec les tueurs moraux à la Assassin’s Creed (dans le genre creux, y’a pas mieux). La vraie nice touch aura été de prendre un acteur inconnu pour jouer un mec transparent qui se découvre. Ont été rajouté des gimmicks visuels intéressants pour les gunfights (les balles filent comme le ballon dans Olive et Tom, décrivant une courbe ubuesque. La comédie n’est pas loin), une problématique d’éveil post-acnéique « there is no spoon » et des plots twist vraiment plus intéressants que ceux de Millar. Et le principal pour ce qui concerne Robotics, le réa russe (tada, patriotisme) Timur Bekmambetov ne se laisse pas démonter devant la tache et goupille de l’entertainement rétinien qui déchire et conserve le meta-discours sur son propre genre qui ne se prend vraiment pas au sérieux, à la limite de la branlette ado, déconstruisant Matrix pour le bien de son histoire sur fond de Danny Elfman, jamais aussi bon que quand il fait de la chanson et qui nous pond même une track spécial Brit Pop. Donc c’est bien fait et drôle.

Vas-y, Danny !



WANTED, "The Little Things" by Danny Elfman

Ce sera donc un , 3+ sur 5. A cause de ce foutu filtre Hollywood.

Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull

Indy fait partie de ces trilogies intouchables des années 80. Indiana Jones était jusqu’à présent un projet socialiste, conçu et décédé sous le double mandat de Mitterrand. Il fallait donc adapter la recette à un monde plus libéral, avec plus de figurines. Aujourd’hui, Indiana Jones est aussi une collection de Lego, il faut s’y faire. Le film qui nous arrive dans un état un peu pathétique aujourd’hui a, facile, 10 ans de trop, si ce n’est pas 15. Après cette gestation maousse, on est en droit d’attendre une vraie histoire et un script mitonné aux petits oignons. Seulement voilà, Old Indy est en fait le porte-voix d’Old Lucas et d’Old Spielberg, eux aussi de jeunes aventuriers qui se sont encroutés. Pourtant la première demi-heure commençait vraiment bien. Situation, problématique de la guerre froide caricaturée à l’extrême, communistes (à défaut de méchants tout droit issus de la nazisplotation), vannes de septuagénaires (« I’m for Ike », c’était le slogan que mon père beuglait quand il a fait la campagne d’Eisenhower-mais il était rétribué- c’est vous dire la fraicheur de la vanne), ça fonctionne en trainant le pied, comme un Woody Allen qui voudrait faire les mêmes petits effets qu’avant. Tout l’écriture du film s’est concentré sur cette intro. Et puis, blamn un frigo le protège de quoi, 10 millions celsius causée par une explosion nucléaire full blast, et là c’est le drame. L’Indy transgénique nous apparait dans toute sa vérité.

Tout en n’échappant pas aux clins d’œil appuyés aux précédents volets d’une lourdeur inouïe (la tentative désespérée de faire croire que les photos de famille sur son bureau sont là de manière naturelle), on récupère Shia Labeouf en croisement de cosplay Marlon Brando jeune et de Besancenot. Lui, bizarrement, n’est même pas le pire et apporte un cachet sidekick indispensable, comme le Bucky de Captain America, il existe pour faire bouclier de son corps et empêcher les tartes à la crème de toucher le héros. Un relou indispensable à qui on ne jetterait pas la première pierre s’il n’avait pas décidé de jouer aussi à Tarzan, dans une jungle en images de synthèse, sautant de liane en liane avec des putains de singes CG. Mais bon, le forfait Indy inclut son pack de Shia, t’as pas le choix.

Cette stratégie comique de serial tombe vite à l’eau car Indiana Jones ne devient qu’un simple spectateur, guidé par une histoire GPS qui n’a même pas besoin de lui. C’est comme si on passait en mode jeu d’aventure avec Walkthrough activé, la soluce/FAQ sur les genoux. Fourmis rouges, rouges cocos, Yamakazi aztèques, extra-terrestres, Jean-Michel Apathie, on ne nous épargne aucun danger alors que Indy reste tragiquement impuissant, guidé qu’il est par un savant autiste. Même pris dans les sables mouvants, il n’arrivera pas à se sauver lui-même. Un final type Spielberg, « l’enfant du rêve, les ET qui s’en vont » et paf, la bérézina. C’est la fin de l’enfance pour Indiana. Old Indy ne fait RIEN. Dépourvu de tout enjeu, de toute tension (sans doute la faute aux nazis, remplacés par des communistes de base), Lucas et Spielou ont réussi à rendre Indiana transparent, devenant littéralement un sidekick de lui-même. La vieillesse lui va moins bien qu’à Old Snake.

Donc reset mémoire, on l’oublie et on se console avec le vrai Indy IV, le seul qui compte :

Bref un seul sur 5.

Et forcément

Speed Racer

Logo spécial blockbust’ 2008, get:

Attention, obus atomique. Alors que le fandom-verse retient son souffle pour Dragon Ball le movie live, les Wacho Bros pondent un film hallucinant, tellement culte qu’il aura même le bon goût de se crouter au box office. Hypra connu aux USA simplement parce qu’il fut diffusé là bas (comme pour Goldorak ici, hein), Speed Racer est un dessin animé pourri de la Tatsunoko qui a bien 40 ans au compteur. Pourri, oui, complètement. « Représentatif d’une autre époque » est accepté aussi. Les vannes y sont atroces, les couleurs criardes, l’histoire est du niveau pré-shonen, avec l’intrusion du fameux rebelle, ce qui inspirera plus tard le même studio pour Gatchaman et puis le genre sentaï en général. Les images de Mach Go go go, ou même Mahha Gôgôgô comme on dit en katakana ont même été utilisées par le Wu tang Clan. Mais trendy à ce point, Speed Racer l’est au moins depuis l’invention du dvd et d’internet. Mais pourquoi diable les Wachowsky sont allés adapter ça…

Christina, concupiscente

Le résultat est absolument dantesque. On est en plein faux film pour enfants, dissimulant des enjeux plus grands derrière son histoire de pacotille qui ferait passer l’intégrale de la Coccinelle pour une œuvre visionnaire sur la synergie de l’homme et de la machine. Commençons par les acteurs : ils y croient tous (bonus plus 10 !). Derrière Emile Hirsch (neutre good donc très bon), il y a la plus sexiest Christina Ricci du cosmos. Suivent des guest de fou, comme Roundtree en grand maitre driver, ou le cultissime Hiroyuki Sanada dans un rôle quasi muet. Même Melvil Poupaud s’y met, avec un très gratuit «putain de sa mère, il a un flingue » (en français dans le texte). Mais il y a aussi… Chim Chim le chimpanzé qui fait du Kung Fu ! Et soyons franc, un film avec des singes qui font des coups de pieds sautés ne peut pas être mauvais ! Les Wacho se sont fait plaiz’ en tournant un film animé style totalement improbable pour des millions de $$, un vrai caprice de gosses de riches. La scène d’ouverture, où, telle une partie de Mario Kart, Speed lutte contre le chrono et le ghost de son frère vaut rien qu’à elle seule le détour. Tout y est, un capharnaüm qui saute aux yeux, suprême et crâneur, fier de ses effets comme autant de certitudes imprimées sur un tract politique du parti communiste. Le finish, très Miyazakiens dans le genre « tu seras un homme, mon fils », se défend pas mal. Et (encore une fois) un chimpanzé qui fait du Kung Fu ! Matrix est assassiné !

Comparatif: (oui j’attendais presque cette scène avec impatience)

VS

On se situe exactement de l’autre côté du prisme Cars, qui tentait à tout prix de rendre cohérent l’irréel. Ici on fait complètement abstraction de cette cohérence pour s’appliquer des exigences complètement farfelues, celle d’un dessin animé momoche des années 60, mais pimpmyridé ce qu’il faut. Speed Racer est probablement le film le plus culte dans le sens strict du terme car seul une poignée de gus se sont déplacés le voir en salle, sous les huées des gens ne se rendant pas compte qu’ils passent là à côté de l’ovni « major », la perle nawak la plus underground de 2008, un film pour gosses post-Matrix où les vannes nulles tombent à plat exprès, un luxe qu’on ne se paye pas au cinéma, sauf dans la comédie française. Bilan, ça n’intéresse pas les gens. C’est con, Speed Racer allait quelque part.

Ici, on récompense l’audace, sur 5 mérité

Et forcément le label qualité maison