Cinématographe
Casino Royale
Feb 15th
La mode du moment, c’est les relaunchs, le ground zero des mythes de la pop culture, le year one, les balbutiements d’un bleu. Batman, Zorro, Superman rebegins, ou carrement le retelling inutile à la King Kong. Martin Cambell, c’est le pro du back to the basics, il a déjà à son actif Zorro et Goldeneye, le retour d’une franchise qu’on a cru enterré avec le pourtant pas mauvais T.Dalton mais vraiment pas aidé par ses scripts. James revient, mais dans le seul roman à n’avoir pas été adapté, Casino Royale, celui qu’on a tous lu, trainant dans une bibliothèque un été à côté des Agatha Christie. Daniel Craig, le scleu-mu apparent vient juste d’obtenir le label 00. Il est jeune et en veut et a réellement du mal à se faire à son costard, aussi à l’aise dans ses fonctions qu’une brochette fromage dans un restaurant japonais. Forcement, il y a des concessions. M est une femme depuis déjà quelques films. La personne étant supposé être un agent coco ne l’est plus. De plus, on souffre du syndrome Austin Powers « One million dollar ». Ca manie des millions, mais après avoir détourné des satelittes détruisant la croute terrestre, dirigé des armées de ninjas, faire toute une histoire sur un mec qui joue 100 millions aux cartes fait un peu cheap, même si c’est pour avoir des informations sur le réseau des dealers de Kate Moss. Heureusement, on met un Yamakazi dans le mix, des belles nanas et la recette remarche. Et la quote “The bitch is dead” est toujours là. Ou comment avec un vieux roman avec des cocos, des espions se faisant torturer et des tireurs d’élite, on bricole l‘actionneur le plus cohérent de l’année, 2006 that is.
The Fountain
Feb 12th
Un jour, un gars en cours de dessin a proposé au prof un dessin au crayon, un travail qui lui tenait à cœur. Genre son papa récemment décédé qui donnait à manger aux poules. Ce n’était pas très bon, même pas du tout, il pensait que c’était superbe. (Pour l’anecdote, c’était un de ces profs militaires, pour qui le démontage fait partie de l’éducation normale, du coup, le pauv’ gus en avait les larmes aux yeux).
Fountain propose une histoire d’amour pompeuse, réalisée comme un halo de lumière ressemblant à un screen-saver époque post-matrix, avec du symbolisme à la con pour que la sauce prenne. A vouloir faire dans la grandeur, on fait souvent dans le pompeux, malgré de bons acteurs et quelques idées pas idiotes. Mais Hugh Jackman qui fait le bouddha dans un nirvana raëllien du temple solaire, on est way over the top du ridicule. Aronofsky se viande complètement et se ménage grâce à sa fontaine une bonne place en tête des jeunes tocards suffisamment mouleux pour s’être trouvé là au bon moment pour un film happening et qui se donne ensuite des idées de profondeur (Singer, Finch etc). Affligeant comme un gars qui ne comprends l’importance des romans que dans les quatrième de couverture.
(2006)
Enfermé dehors
Feb 10th
Enfermé dehors, c’est un peu la prise de conscience sociale sous amphet. D’ailleurs la came est encore une fois très présente chez Dupontel. Bernie mourrait d’overdose, ici, c’est le salopard de patron qui prend conscience de l’injustice dont il est responsable, simplement en sniffant de la colle. La came devient le deus ex machina de l’inégalité sociale, c’est super. Ca reste une comédie cartoonesque, le pendant franco-belge de Kung fu Husler (qui lui aussi avait des prétentions sociales, malgré la clownerie généralisée de l’action). Bref, on a du Dupontel. Généreux mais souvent trop (le plan final grinçant tendance jeu de mot de maternelle, ahem), à trop vouloir faire passer de message au travers de l’humour, on finit par se prendre les pieds dans le tapis pédantisant.
(2006)
Borat
Dec 28th
Excitant sur le papier et tordant en extrait, Borat était la promesse de grosse déconne over-the-top. Passé le passage « nous les roumains, nous sommes pauvres », Borat part découvrir les USA. En fait, cela lui donne l’occasion de se moquer des gens qu’il rencontre, façon anti portrait chinois. Lui, est habité par son rôle. Odieux, macho, cruel, idiot, inculte, Borat n’a cependant pas le savoir nécessaire pour faire tenir le soufflé de son film qui se dégonfle lors de toutes les scènes non-caméras cachés, jouées dans un esprit « LOL MDR » approximatif, comme un 100 mètres couru pendant 60 mètres. Gros mouif.
Shortbus
Dec 27th
Pensez-vous qu’un trio d’hommes lécheurs d’anus masculins qui se chantent l’hymne national américain dans le derrière soit subversif ? Ce sera non pour moi. Shortbus est un club fantasmé et idéalisé où se rencontrent hétéro, gay, travelo, et toutes catégories sexuelles du cosmos. « Fantasmé », le mot est important, car dans la réalité JAMAIS ça n’arrivera. Notre société (et in extenso celle de New York), sous ces apparats de multiculturalisme multicommunautaire, est très cloisonnée. Sans parler des sous-cloisonnements (connaissez-vous le racisme des gays bodybuildé envers les gays gros ?). Mais non, donc là, toutes les strates socio-sexuelles y sont représentées. Une hétéro, sexologue, de son état et n’ayant jamais atteint l’orgame, s’y rend. Tous sauf les gros, tiens. MMM un peu extrême non ? Pas grave, il n’y a pas de cohérence, Shortbus c’est le Disneyland de la pipe, le Parc Astérix de la partouze, la fête à neuneu de l’orgasme multiple. Elle y croise différents personnages, l’homo qui filme son mal de vivre, la petite touchante paumée qui fouette ses clients mais qui au fond ne rêve d’être qu’une femme au foyer UDF. A un moment, le scénario parachute un gay ahurissant, 70 ans et plus, et là on décroche un peu. Le united colors, ça va jusqu’à un certain point, mais là, c’est just too much. En sacrifiant ses portraits les plus intéressants au profit des profils gay ou de l’orgasmless lady, le film titube et chancelle, pour nous faire passer des ruines de Ground Zero à l’extrême opposé, c’est à dire une cosmo happy end dégoulinante où tout le monde a résolu ses problèmes. Shazam. La vie continue, the show must go on, dirait Simplet. Non non, parfois il faut aussi éteindre la lumière à temps.
The Host
Dec 26th
Parmi mes 3 DVD achetés cette année, un seul était un film : Memories of Murder, par Joon-Ho Bong, son génial réalisateur dont le nom, scandale suprême, ne figure même pas sur la jaquette du DVD. Oui, il y a juste marqué « commentaire audio du réalisateur ». Démerde-toi avec ça. Mais ne cherchez pas plus loin, c’est LE nouveau réalisateur de ce siècle, le premier à avoir marqué de sa pâte les genres qu’il touche. Memories of Murder jouait déjà au funambule, opposant une enquête policière ultra codifiée à d’autres styles. Parfois burlesque, souvent tragique, politique sans jamais devenir pamphlétaire, Bong réussit un petit miracle d’équilibre qu’il reproduit aujourd’hui avec The Host, un film de monstre, genre par excellence. En général, la norme veut que les trente-quarante premières minutes du film servent à se poser, le temps de mettre en place la situation, vazy qu’on te montre un bout d’œil de la bête. Ici, la situation est dégoupillée au bout de 2 minutes. Tout le monde court dans tous les sens. Le « streum » est dans la place, écrabouille et bouffe des gens. Le film va donc s’attarder sur autre chose, la vie d’une famille de paumés, des laissés-pour-compte de la reprise coréenne. Un patron d’un snack bar pourri, son fils (Song Kang-Ho alias le meilleur anti-héros du cinéma, rien que ça), et ses frangins. La fille de notre Tchao Pantin sauce Kimchi est enlevé par la bestiole. De son côté, l’état essaye de contrôler au mieux la situation en créant une psychose. La famille de pieds-niquelés va donc essayer de retrouver la petite dernière par eux même. Des scènes jouissives se succèdent, le tout formant une boucle, jusqu’à l’inévitable assaut final, grand moment de guérilla urbaine, dantesque, un vrai souffle révolutionnaire. C’est la première fois qu’un genre d’apparence aussi “série Z” que le film de monstre arrive à toucher tous les genres, du burlesque au tragique, allant toujours là où on ne l’attend pas mais sans jamais se cramer les doigts. Memories of Murder était un constat historique, The Host est une vraie prise de position, cinématographique et sociale.
Scoop
Dec 24th
La chanson qu’on entend le plus souvent depuis Match Point, c’est « Woody Allen s ‘est retrouvé », un refrain rythmé et principalement martelé par les gens qui ne connaissent en général rien du mec, petite phrase pompeuse à sortir dans les diners en ville. Match Point n’avait pas certainement pas la puissance de ces classiques, ni même de ses bons films des 20 dernières années (et il y en a au moins deux petites poignées). C’était un coup médiatique, un épiphénomène basé sur la popularité aguicheuse de Scarlett Johansonn (yeah) et du réalisateur. C’est d’ailleurs dans ce but que le duo se reforme, l’un pour retrouver la hype, et l’autre sans doute pour completer sa checklist de trucs à faire pour être grande actrice « jouer 2 fois pour Woody, check ». Ne vous méprenez pas, comme tout mâle de base, je la trouve super, même comme ici, avec un appareil dentaire, et même très bonne actrice appliquée, et tout. Les acteurs sont bons, y compris Hugh Jackman (qui fait juste 1m95 ce qui est à se demander comment quelqu’un a un jour vu Wolverine en lui). Le problème est que Woody Allen est allé au bout d’un système avec ces petits films mineurs. Celebrity, le Scorpion de Jade, Match Point, Anything Else, tout ça. Le sujet est le même, en déjà vu. C’est très gentillet, mais au mieux, c’est guimmickesque. C’est un peu le problème de Scoop, des petits moments, des dialogues qui fusent, mais que du gimmick.
Hors de prix
Dec 19th
On pensait avoir tout vu en comédie foireuse en 2006. L’année des Bronzés 3, la Doublure, Fauteuil d’orchestre, souvenez vous… Il fallait que Hors de Prix cloue le cercueil. Petite précision : Le fan d’Audrey Tatou sera ravi. Enfin femme, elle change au moins 15 fois de robes, toutes les plus aguicheuses et somptueuses les unes comme les autres. A ce niveau-là, c’est « In The Mood For Love in Nice », on fabrique un objet à fantasmes que les amateurs pourront se mater en DVD et se faire des captures pour fonds d’écran. Passons au reste : le film.
Gad Elmaleh, après avoir joué le voiturier simplet et stupide dans un grand restaurant (La Doublure), revient en force dans un rôle de… euu barman simplet et stupide dans un hôtel de luxe. Le rôle ne change pas d’un pouce, son travail visiblement avilit son cerveau. Il fait la rencontre de Tautou, allumeuse poule de luxe qui se tape des vieux pour profiter de leurs largesses (tout est dans la suggestion, hein). Ils s’envoient en l’air, puis se revoient un an plus tard. Cette fois, il est prêt à tout plaquer pour elle et, nigaud comme il est, ne voit pas que la fille n’en a que pour l’oseille. Lui n’a rien, donc pouf, l’éconduit. On rejoint là le message de la Doublure : le ressort comique tient au fait que la femme, dans son pack d’origine, est vénale, attiré uniquement par le bling bling. C’est ça, le modèle standard de la comédie française. Bien entendu, la morale est sauve : lui va devenir gigolo. Ca devient la compétition à la putasserie, lequel arrivera avec le truc le plus cher. Mais évidemment, l’homme a plus de principe, se rendant compte quasiment aussitôt de la tartufferie de la situation, contrairement à la femme qui a besoin d’un gentil Gad Elmaleh pour se rendre compte que l’amûr, c’est plus fort que tout. Une vanne : à un moment, Gad, néo-gigolo, est assis comme client au restaurant. Un gars de la table voisine claque des doigts. « Garçon ! ». Gad se lève aussitôt, comme un chien bien élevé, machinalement. Voyez-vous, il est si bête, il ne fait pas la différence entre le travail et le reste de la vie. Il est conditionné. On riait dans la salle. Et bah désolé, mais no way. Hors de prix glace le sang.
Prête-moi ta main.
Dec 17th
Un film fait avec une checklist
- Couple qui n’a rien à faire ensemble check
- Un acteur connu et au capital sympathie important qui fait son numéro check
- Conformisme des situations malgré un ton voulu moderne check
- Dialogues catchy check
- Personnages secondaires caricaturaux source de crispation check
- Moment de tristesse à 10 mn de la fin check
- Happy end check
Le problème, c’est qu’à force de voir tous ces films «censés rendre heureux », il y a comme un goût d’alcool triste, en tout cas chez moi. Celui là est certainement le haut du paniermais la recette ne fonctionne pas/plus. Peut-être à cause de son point de vue sociétal exaspérant, (un homme seul est forcement immature, et sa famille décide qu’il doit se marier. Oui, pas se trouver une nana, vivre avec, non, se marier façon Moyen Age). Tout est ici rigoureusement appliquée comme une méthodologie de l’entertainement sentimental, un schéma qui pourra être répété à l’envie pour remplir la grille des films de 20h50 de TF1. Ou de ce qu’il en reste.
Ok, c’est ce que j’ai rédigé il y a deux semaines. Et après visionnage de Hors de Prix (Gad+Audrey Toutou), Prête-moi ta main a tout d’un petit joyaux de film de genre calibré et mignon. Mais ce sera le sujet d’une autre critique.
Flags of our fathers
Dec 16th
Clint Eastwood maîtrise ses sujets. C’est la leçon qu’on peut tirer de Flags of our Fathers (plus que Million Dollar Baby, victime d’une bonne overhype). Clint tente ici le premier film multi angle de l’histoire, et ce, sans DVD. Première histoire, celle de la mythique photo de soldats hissant le drapeau à Iwa Jima. Tout ici fait film de guerre de vieux. La vieillesse dans un film, c’est une dose de morale distillée ça et là, le récit suivant le bouquin du fils d’un des protagonistes. Par chance, un des soldats, indien d’Amérique, donne une dimension sociale et politique sans pour autant en faire la thématique centrale de ce film, un pamphlet à charge à la Indigène (qui prends un sérieux coup dans l’aile face au film d’Eastwood). Ici, on zappe entre passé et présent, comme une boucle qui se répète sous le sifflement des balles, mais sans donner aux soldats une grandeur, une classe virile façon Woo-Scott-Spielberg, allant même jusqu’à démonter le mythe. Eastwood fait exactement le contraire, reprenant la célèbre phrase (devenue une maxime personnelle) : « Don’t give them what they think they want ». Finalement, c’est ça qui marque : il y a un peu de la roublardise de Million Dollar Baby, en beaucoup moins prétentieux. L’histoire se déroule simplement, avec de l’humour et de la maladresse, de la violence jamais exutoire. Clinty soigne ses effets, parfois poignants. La justesse de certaines scènes est absolument estomaquante, des petits miracles de cinéma. Et cette fin… Du haut de l’humanité des soldats, Flags of our Fathers, c’est la vraie rupture tranquille du cinéma de guerre.
Com-Robot