Cinématographe
U 93
Aug 23rd
… alias Vol 93 ne fait pas dans la dentelle et ne nous épargne aucun de ces petits effets mélodramatiques, tel ce vieux téléfilm passé sur M6 où l’avion se pétait en 2 « basé sur une histoire réelle ». Et là, le label vu à la TV clignote à plein tube, tentant de faire passer toute l’émotion autour de cet avion détourné devenu mythique. Pas besoin de se creuser la tête, l’entreprise sera forcement réussie au sens hollywoodien du terme. Une histoire avec des gus dont on sait qu’ils sont voués à une mort certaine, ça marche systématiquement. Cette docu fiction puise dans tous les tics crispants et les codes du genre (« oh le gars qui a failli louper son avion, on a mal pour lui ») à l’exception du gars noir sympa et du chien qui arrive à se sauver. Il y a heureusement un allemand un peu lâche à bord pour contrebalancer l’absence de ces clichés. Comprenant le triste sort qui les attend, les pauvres victimes se rebellent contre les preneurs d’otages et font écraser l’avion. Attention, c’est la version officielle retenue depuis le 12 Septembre et depuis, le courageux baroud d’honneur a donné lieu à toute une mythologie (on a même pu le voir en comics !). Loin de moi l’envie de tomber dans les bas-fonds d’un conspirationisme (qui est fondamentalement débile), mais le film est condamné par son essence, à nous offrir une idéologie consensuelle, sans aucune forme de profondeur, d’idée ni de réflexion. Le vide agaçant et crispant. Tout est dans la montée d’adrénaline de « les héros vont mourir », l’effet le plus facile du cosmos. Un sujet en or pour en arriver à un film de rien et la méchante impression d’être pris pour une courgette.
L’illust d’aujourd’hui est une archive de Septembre 2001, donc plutôt à propos, rage & emotion. J’ai l’impression que c’était hier.
Miami Vice
Aug 22nd
Mann, éblouis-nous. Un slogan répété sans cesse depuis que je vois les affiches de sa prochaine croûte, un Shin Miami Vice, série mythique des années 80 où il a fait ses premières armes. Mais maintenant, le père Mann, il est devenu auteur, il tourne en HD et veut bien faire comprendre qu’il est le meilleur pour filmer la nuit. Fini donc les années 80, le babibel, la belle des champs, les Cités d’Or, Phil Collins et les Karaté Kid, téléportation dans notre dure réalité. La drogue, c’est mal, le maïs est transgénique, les gens sont tristes et Phil Collins ne fait plus que de la daube. Le réveil est rude. Du coup, Billy & Jimmy (on les appellera comme ça) n’ont rien à voir avec les flics rigolards de nos souvenirs. Ils tirent la gueule, jamais une parole, pas un clin d’œil, même pas une vanne sur la cravate de son partenaire. Sinistrose d’ un film de Kitano. Mann leur a confié les reines de l’acting, l’air de dire « faites votre daube, moi je réalise ». Et c’est ce qu’il fait, démarrant direct par la boîte de nuit, séquence obligé de n’importe quel Hollywood Night ou des Dessous de Palm Beach, qui n’ont fait que repomper les codes. La modernité n’est pas poussée à l’extrême puisqu’on a droit à des petits clins d’œil à ces années fantômes, grâce à des scènes de cul pathétiquement délicieuses. Le scénario est un peu à leur image, inconsistante voire inappropriée. Il y a des trous scénaristiques dans lesquels on pourrait engouffrer tout le stade de France, des trucs vraiment grotesques, et des questions qui vous tarauderont l’esprit. La présence de Gong Li, qui est pourtant (avis perso) un cadeau de Dieu aux hommes, est ici risible, la caméra allant presque jusqu’à l’insulter. Bon dieu, Gong Li, une secrétaire d’un caïd de la drogue cubain… Soit c’est un pari, soit Michael Mann rêvait de tourner avec elle, tendance fanboy. Pareil pour Colin Farell, quand même assimilable à un beau gosse (non ?) qui est ici enlaidi de manière cruelle, filmé dans sa virilité moche la plus cash. Alors c’est sûr, si on s’intéresse aux conditions de réalisations et de « santé » de son acteur principal, on peut facilement comprendre que son cabotinage éthylique horripile son partenaire Jamie « Melon » Foxx, mais cela ne rend ce film que plus agréable. Oui, car malgré toutes ces incohérences, le maniérisme poseur de Mann s’exprime, rendant sublime le regard perdu de veau mort de Farell se posant sur l’océan, perdu lui-même dans l’indigence du scénario, une manière supplémentaire de dire « même avec ces boulets, cette histoire sans queue ni tête, je suis le seigneur du château. Tel Rocky IV aujourd’hui, Miami Vice sera célébré par les altercinéphiles dans les 20 prochaines années. Crâneur, stylisé, ébouriffant.
Volver
Aug 17th
La ligne sensible entre comédie et drame est toujours difficile à tenir, et pourtant Almodovar réussit avec une classe incroyable et un panache unique. Volver est un petit concentré de drame familiaux, de conflits générationnel, de haine voire d’oubli patriarcal, surfant vaguement sur le fantastique, puisant dans toute la cinéphilie de Pedro, avec son cortège de kitsch mais qui retombe sur ces pieds avec une agilité féline. Rien que la première scène est colossale. Penelope Cruz qui soutient en grande partie ce film bâtard est bouleversante, dans son rôle de mère courageuse, étouffant beaucoup de non-dits mais aussi une rage incroyable. Elle est magnifique, que cela soit dans sa peine, son tour de chant, sa manière de se débarrasser d’un cadavre ou de faire la vaisselle. La mort qui plane au dessus de toutes les scènes, celle des hommes, limogés dès les premières minutes, celle des mères solitaires des villages, tout cela n’est qu’un trompe l’œil. Volver, habilement dissimulé par tout un stratagème de réalisateur malin, nous balance de la vie à la gueule, de manière magistrale. Estomaquant de génie.
(illustration expérimentale exceptionnellement disponible en autre chose que du format 2cm sur 3 en cliquant dessus)
V For Vendetta
Aug 12th
Ma dernière lecture de V for Vendetta remontant à une date éloignée du siècle précédent, j’allais d’un pas enjoué voir cette Hollywoodisation de plus de l’œuvre d’Alan Moore (qui ne veut comme d’habitude pas être cité dans cette entreprise. Il prend juste l’argent, et si possible en cash sur un parking de Manchester, à 3h du matin, de l’argent qu’il réinvestira dans divers psychotropes, messes noires et documentations pour League of Extraordinary Gentlemen Vol 3). Cette version ghost-réalisée par les frères Wachowsky reprend bon nombre de leurs gimmicks (monde hostile où une force supérieure ment, un chaos qui submèrge le personnage principal pour finalement donner l’Eveil puis la victoire du Bien). Rien de mal, si ce n’est l’adjonction de l’Amoûûr, comme pour donner une motivation supplémentaire à l’anarchisme nihiliste et radical de V. Le film accouche d’une idéologie bancale, ayant l’aspiration politico-révolutionnaire conventionnelle d’un Besancenot ou pire, d’un Henry Emmanuelli. Demain le grand soir ? Evitons, y’a Mondial et puis après, c’est la période pré-électorale.
Bonux, une version pré Sin-Cityisé de l’illustration
The Devil’s Rejects
Aug 5th
Attention film de genre. Rob Zombie (un pseudonyme ?) bricole ici une espèce de Thelma & Louise tendance « la famille massacre ». Une famille de fous, sadiques assassins en série, passent entre les mailles des filets tendus par la police. Imaginez un « Sherif, Fais moi peur » à la sauce « Train fantôme » de la fête à neuneu. L’histoire se passant dans les années 70, M.Zombie (le verlan de M.Bison) s’en donne à cœur joie pour habiller son histoire de multiples effets d’époque, en y collant un maximum de filtres granulés, servis par un montage « Drôles des Dames ». C’est bourré de références futées (Peckinpah) qui trahissent la cinéphilie décalée du réa. Y’a pas à dire, c’est soigné avec son petit air de ne pas y toucher. Malheureusement, le film est totalement contemporain dans son écriture, et après une heure en trombe, on voit débouler un flic ultra fanatique, un ersatz de Charlie Branson. On tombe dans la métaphore à la noix « le policier, gardien de la justice, sensé faire respecter l’ordre n’est finalement qu’un fou comme les tarés qu’il poursuit ». “CRS,SS. Shérif, vomitif” etc etc. Et franchement, j’en peux plus, de cet activisme gaucho-nihiliste américain à la Carpenter qui malheureusement nous présente un cinéma bicéphale : d’un côté le conservatisme tendance born again christian de pacotille à l’image de leurs « actioners » (Superman, MI :3 pour ne citer que les plus récents) et de l’autre ce ciné d’anar, de ces réalisateurs qui jouent aux plus malins alors qu’ils ne déversent eux-mêmes qu’un propos ultra conventionnel et balisé de décalage politique, à l’image de Joey Starr qui vous invite les djeunz à voter ou de feu le vrai journal de Karl Zéro ou de la filmo de Michael Moore. Le plus agaçant, c’est que les spectateurs (forcement conquis, il n’y a qu’eux qui vont les voir, ce genre de ciné est aussi sectorisé que ne l’est la FM) gobent aussi facilement cette alter-cinéphilie fatigante.
The Squid and the Whale
Aug 3rd
Alias Les Berkman se séparent. Le scénariste du bizarroïde « La vie Aquatique » nous sert là un film ahurissant de finesse, servi par des acteurs qui donnent tout ce qu’ils ont. Jeff Daniels est d’ailleurs assez sidérant. L’histoire ? Les années 80, un couple de romanciers new yorkais divorce. Jusque là rien d’anormal. Ils ont deux enfants, et ils vont sacrément déguster. Rien d’anormal aussi ici ? C’est là que Baumbach réussit là son tour de force, il fait trainer sa caméra de scènes en scénette, toutes plus rythmées les unes que les autres, s’emboitant les très logiquement dans une espèce de théorie du chaos familial. Les mômes, mis entre deux feux de manière souvent inconscientes, sont paumés, les repères aux abonnés absents. C’est toute la force du film, saisir ce moment où tout se dégrade à vue d’œil, une marche irréversible vers la cassure. Quand c’est l’un des frères qui a entendu ce qu’il ne devait pas entendre, c’est l’autre qui est pris à parti devant l’infantilisme de l’autre. Adulescence contre enfulte, un équilibre délicat maitrisé avec brio et une sacrée couche d’ironie amère. Tragicaly great.
Conversations with other women
Jul 24th
J’ai du mal avec le titre de Conversations with other women en France. Pourquoi Conversation(s) avec une femme ? Peut-on d’ailleurs avoir plusieurs conversations avec une femme ? Une question quelque peu sans réponse dans ce film puisque c’est l’histoire d’un mec qui retrouve son ex à un mariage. Forcement, ça bavarde. Ah ça oui, verbeux est le mot. Finalement, c’est une comédie sentimentale gentillette, futée et sans doute nettement plus intéressante que toute celle de la filmo de Sandra Bullock. Pas difficile. Les deux acteurs s’en sortent bien (dont l’ex égérie de l’underground Helena Bonham Carter, miss Burton et sans doute la cause directe du ventre mou actuel de son jules).
Ah oui, surtout évitez le premier rang : le film est partagé par un split screen continuellement qui vous filerait la migraine.
Changement d’adresse
Jul 15th
Sans image.
En général, quand la critique vous vend « un univers » en parlant d’un réalisateur, c’est une manière détournée pour dire que ça ne plaira pas à tout le monde. Un « univers » en comédie, c’est segmentant. Il y’a les 8-14 ans de Scary Movie, plus cinéphile pour OSS, l’humour démago de Camping, nos Jours Heureux fédérateurs, Les Bronzés pour les trentenaires nostalgiques, l’humour judéo-new yorkais intello de Woody Allen etc etc… Il faut bien mettre ses marques pour ne pas se marcher sur les pompes. Avec « Changement d’adresse », j’ai découvert « l’Univers » d’Emmanuel Mouret, ultra soutenu par une critique ultra dithyrambique qui le qualifiait au minimum de truculent et de fin. Et en général pour bien appuyer, le réalisateur sort dans les interviews des noms d’auteurs. Allen. Rohmer etc etc. La dernière fois que je suis sorti horrifié d’un film à qui on a fait autant de lèche devait être Rois et Reine (dont l’acteur fut césarisé par la suite). Mais là, c’est la claque. Une espèce de marivaudage mou, un peu comme si on avait donné un caméscope au premier de la classe de votre lycée, celui avec la raie au milieu et les pulls à carreaux. C’est bien simple, rien ne va. Aucun trait de caractère n’est crédible, on est dans le gaga heureux. Et au casting, la neo-stardom Frédérique Bel (la minute blonde), pas gâté car elle joue comme dans ces scénettes de 3 mn. Ariane Ascaride, jamais loin quand on parle « d’univers » à la noix joue un rôle là-dedans. Forcement. Et le meilleur, figurez vous, c’est Dany Brillant. Oui oui. Un prof de cor (l’instrument, attention gag à développer)s’éprend pour sa colloc qu’il a vu 3 mn, mais il pourrait tout aussi bien tomber amoureux d’un lampadaire. Il la drague de façon molle, soutenue par sa colloc neuneu (la blonde susmentionnée). Triangle amoureux tout ça. Si c’est pour donner une indication, il rentre dans mon trio de films révoltant que je n’ai pas pu finir, puisque sorti de la salle. HO RRI BEULEU.
Superman Returns
Jul 13th
Le problème avec Brian Singer, c’est qu’il sur-réfléchit ses films. Surtout sur Xmen 1&2. Il aime donner du sens, une espèce de deuxième lecture donnant une espèce de métaphysique à son propos. Selon lui, les Xmen, c’est un peu des homosexuels. Ils vivent entre eux, dans leur coin, ils sont haïs par plein de gens, ils sont « différents ». Singer est un activiste homosexuel anti tabagique (ca ne manque pas dans Superman Returns, lui qui a tourné un pacssif de spot anti cancer) et il n’est pas difficile de comprendre la métaphore de Superman Mk II. Il revient d’un long voyage initiatique, sur les traces de Krypton. Seul. Il a un lourd secret et ne peut pas le partager. Il manque de peu de faire son coming out d’ailleurs (son identité hein). Mais voilà, le problème, c’est que le « vrai » Superman n’aurait pas quitté la Terre comme ca, pour une raison à la mort moi-le-nœud … Singer s’abrite derrière ce prétexte tout nul de « retour à ses racines » et de quête de sens psychanalytique du pauvre, tendance freudienne. On pourra dire que c’est une manière plus que malhabile, puisqu’on le retrouvera pleurnicheur pendant tout le reste du film. Mais voilà l’autre problème : cinématographiquement, ce n’est vraiment pas terrible. L’histoire, linéaire au possible, calque la trame du premier film. Cool ? Non. Il y a en tout et pour tout que trois scènes de « Superman », le reste nous le montre larmoyant, supra mauviette. Lex Luthor est sorti de taule (il avait Arnaud Montebourg comme avocat), gaule les cristaux de la Forteresse de Solitude et découvre le moyen de devenir un propriétaire foncier encore plus important que les Chirac et les Gaymard réunis : balancer un des cristaux dans la flotte. C’est tout. Lois s’est fait faire un mouflet (insupportable, il joue comme un poulpe). Le reste est dé com pré ssé. Comprendre LEEENT. 3 scènes d’action et une espèce d’encéphalogramme plat. Rien que la scène du retour à la ferme Kent faisait nul (coucou je suis derrière toi). C’est lent… C’est plein de plans nuls et long mais qui vous jettent à la gueule leur grandiloquence moche. Et encore un travelling lentissime… et la caméra fait zoom arrière pendant des plombes pour rien. Et pourtant au début, on frissonne un peu, y’a des remix des musiques de John Williams. Et le générique, wow… Petit hommage à Marlon Brando au passage, mais sinon rien ne survit à tout ça… Même Metropolis, soit disant moderne est toujours vue comme une cité vieillotte. Les murs du Daily Planet sont une espèce d’esthétique retro des années 30 doublé d’un baroque Gotham Cityesque. Tout est retro, comme si le film n’arrivait pas à se situer sur la chaise de la modernité. Le Daily Planet est lui même resté un journal papier, lu comme France Soir à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. Internet, presse TV ? Connais pas. Returns est une coquille vide fière de ses effets pédants. Le Superman de Donner (1978) nous a fait croire qu’un homme pouvait voler, le Superman de Singer nous a fait comprendre que Superman pouvait se noyer. Quelle déception.
Marie-Antoinette
Jul 4th
hop:
http://artpad.art.com/?j1upylkn2rs
Le nouveau film de Coppola Jr ne laisse aucun doute à celui qui a vu la bande annonce : exactement la même chose, mais sur 2 heures. Même ordre des plans, même finish… On peut se demander pourquoi la réalisatrice s’acoquine avec ces copines pipeule, entre Asia Argento et Marianne Faithful, comme pour se donner une espèce de crédibilité underground. Enfin, le « cachet » de ce film, c’est quand même la musique, qui fonctionne selon un filtre simpliste : quand c’est chiant, français, institutionnel, pompeux, c’est de la musique classique, de la musique de chambre ou royale. Et dès que la jeune fille (Marie-Antoinette hein, joué par une Kirsten Dunst dans sa plus simple expression bovino-lassive) se laisse aller aux joies de la vie, à rire, à faire la fête, à gouter à une vie de petite fermière (haha), on bascule en New Order ou en autres ziques un peu groovy. Une fois qu’on a compris le procédé bicéphale, il n’y a plus aucune forme d’intérêt. C’est filmé à la truelle, sur un script risible, à l’historicité toute relative. On voit un peu Lost In Versailles en version anglaise (ah l’unité linguistique…), toujours un peu le même film, ressassant les mêmes concepts, les mêmes idées. Le bouquin original faisait le parti pris d’un parallèle avec Lady Di, la « petite princesse prisonnière des institutions et se dorant la pillule dans le luxe du palais de Versailles », faisant fi de toute forme de crédibilité… ce qui ne serait pas mal si ce n’était pas d’un ennui profond, si ce n’est ses deux minutes Mallickienne. Pourquoi faire un film comme ça me dépasse… Une espèce d’objet bobo, distant, où l’on ne dit rien car finalement plus rien n’a d’importance sinon le futile même. Un vrai film de pisseuse.
Com-Robot