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Colorful
Nov 29th
La raison pour laquelle je me retrouve plus volontiers dans la japanime que dans les autres genres, c’est à sa manière si particulière d’évoquer le passé. De poser, quand il faut, un regard nostalgique sur les choses. Comme dans les Ghibli (dont le dernier film se déroule dans les années 60), comme dans les productions I.G et les Ghost in the Shell qui nous inventent un passé hantant le présent. Comme dans Néo Tokyo qui finalement garde les stigmates de son ancienne carapace dans les ruines et les néons cassés. Bon sang, je pourrais écrire une thèse sur les néons brisés dans Akira… Les meilleurs animés sont ceux qui nous racontent un passé. On ne le trouve pas qu’au Japon hein. Les exemples qui me viennent… Iron Giant. Batman The Animated Series et son fabuleux générique-manifesto. Et puis L’illusionniste. Mais grosso modo, la force de la japanime, c’est sa puissance évocatrice.
Il y a dans Colorful une scène absolument géniale, celle où le jeune Makoto se découvre un ami qui l’invite à l’accompagner sur les traces d’une voix ferroviaire disparue. A mi-chemin entre animation et réalité, ils se découvrent à mesure qu’ils s’éveillent à une nostalgie qui leur était totalement inconnue.
Pourtant c’était mal parti pour Makoto, un jeune garçon mort. Il va se faire habiter par une âme qui va essayer de comprendre pourquoi ? On lui dit tout de suite ce qui va pas: son père est amorphe, sa mère le cocufie, son frère est indifférent et la fille du lycée dont il est amoureux vend ses charmes pour se payer des horribles sacs Vuitton. Rien hormis les sacs ne justifie un tel acte. Qu’est-ce qui a poussé ce Makoto a décidé de prendre la porte de sortie ?
Colorful est clairsemé de scènes absolument géniales. Cette famille qui ne se parle plus et qui va finalement manger ensemble dans une formidable construction purement miyazakienne de la grande époque (pré-Chihiro inclus bien évidemment). À un moment, le grand frère ramène un bol brûlant près de son visage, venant embuer ses lunettes avant d’apprécier un bol chaud lors de ce salutaire repas familial. Je ne porte plus de lunettes. Trop gênant, encombrant au sport et lentilles trop ennuyeuses, j’ai décidé de faire une croix sur le cosplay “prof de gauche intello” et de laisser faire la science. J’ai ainsi littéralement rebooté mon regard, une sensation que je ne croyais pas possible jusqu’à présent. Et même si je ne regrette pas une seconde ce choix, je me souviens avec nostalgie de ces moments où cela m’arrivait, aussi certainement qu’une fille se rappellera de ce cheveu resté dans sa main après se l’être passée dans la chevelure.
Avec une certaine naïveté à hauteur d’enfant, lentement comme l’impose son sujet, Colorful puise intelligemment dans la tradition puissance évocatrice si propre à l’animation japonaise.
trailer que je trouve pas gégé, mais whatever works…
Evangelion 1.0 : You are (Not) Alone
Nov 1st
Quand on a déjà prouvé qu’on a révolutionné un genre, pourquoi revenir aux sources à part, bien évidemment, pour la thune ? Evangelion, à la fois gigantesque hold-up créatif et vaste supercherie, n’a pas apporté toutes les réponses exigées par une horde de fans. Donc rebelote, des films résumés.
Flashback et tentative d’initiation pour néophytes. XXème siècle, Gainax pitche une série tout ce qu’il y a de plus classique aux TV japonaises. Des jeunes filles sexy, des robots géants qui donneront une ligne de toys, de quoi rassurer n’importe quel investisseur dans un pays qui produit, non sans classe, des séries de géants d’acier pour distraire les enfants dans les cours d’école et satisfaire les gus amateurs de maquettes, les doigts pleins de colle. Sega (à l’époque plein aux as) et TV Tokyo signent vite. Mais assez vite, la série va partir en sucette. Evangelion est un « bridge drama », expression perso’ désignant ce genre désormais abondamment copié, où la majorité des scènes ne montrent que les relations des personnages principaux entre eux, si possible à bord d’une passerelle de commandement, en restant dans le flou complet concernant les antagonistes). Le héros, Shinji, est mort de trouille et on le comprend : son père l’a foutu à bord d’un de ces Eva pour qu’il protège la Terre déjà passablement décimée. Malheureusement pour lui, son tendre papa est sans doute le géniteur le plus dégueulasse du cosmos, au coude à coude avec Fiodor Karamazov et Joseph Staline. Chaque personnage de ce faux huit-clôt a l’air frappé par le drame et la dépression, le tout généralement en non-dit. Les robots sont aussi tout en métaphores freudiennes super appuyés. Le pire, c’est la fin, comme une montée en épingle pour finir par un dégonflement, génie et grosse arnaque à la fois.
« WEvangelion », la nouvelle série de film est sensé re-raconter la même histoire une énième fois mais différemment. Exercice purement japonais (enfin, moins depuis l’avènement des « minisodes » youtubisés), il consiste à écrémer des tonnes de détails, sucrer tous les moments de latence, sabrer les plans à rallonge… Quel peut-être l’intérêt de démonter une série dont le principe même est de faire monter la pression en épingle, par morcif de 20 minutes, pour qu’elle finisse par exploser à la gueule du spectateur ? Le premier chapitre, « Jô », dit : « You are (Not) Alone », se débrouille pour se bricoler des pics dramatiques aux moments où il faut et des moments de béatitude, le tout en full animation magnifique. Mais 6 épisodes, totalement refait, ça passe à toute berzingue. L’amateur sera étonné du choix des couleurs, des logos refaits, de gros détails qui sautent (les children, au revoir), des images 3D pour les méchants (qui restent toujours volontairement non-charismatique), des Eva presque industrialisés… Cadeau bonux, 30 secondes vraiment inédites pour 2h bien tape-à-l’œil.
Mais les newbies, ceux qui n’ont jamais vu la série, ce qui est officiellement le cœur de cible de ces remakes, ils devront attendre des mois pour la suite ? Il y a de quoi lâcher un gros « mouif ». Evangelion a révolutionné l’animation japonaise et en attendant que quelqu’un se décide à venir déboulonner la statue du commandeur, Gainax et leurs sociétés écrans referont les mêmes tripatouillages (plus que 2 films de résumé et « peut-être » une fin inédite, on retient son souffle, mais longtemps). Un exercice qui ne sert pas à grand chose mais qui a le mérite de rappeler qui est le boss.
Paprika
Feb 16th
Dans le milieu de la japanim’, quand on avoue ne jamais avoir vu de films de Satoshi Kon, on vous regarde avec des grands yeux, comme si vous étiez passé à côté de Kurosawa. C’est donc sous un regard neuf qu’apparaît ce spécialiste du grand barnum « everything was a lie » dans une sortie plutôt confidentielle. Ce qui frappe, en plus des musiques mystico accrocheuse, c’est la qualité du montage, une rythmique implacable à la limite du saoulant. Parfois gentiment malsain, les délires s’enchaînent pour former ensuite une espèce de morale un tantinet raëlienne dans laquelle les observateurs pourront voir pas mal de relectures. On nottera une utilisation habile de doubleurs chevronnés, utilisés en total décallage. Pour l’emballage, ça court à tout va, un peu partout, comme dans un Miyazaki de la grande époque. Paprika est donc un divertissement très honnête, juste un peu saoulant pour son côté farandole de cirque itinérant.
(2006)
Com-Robot