Un pays des milles et une nuit lambda en images de synthèse. Un petit enfant du bled version babtou court à travers un marché, poursuivi par des gardes. Au lieu de priver ses parents d’alloc’, le roi en fait un prince adjoint. Ça n’arrive qu’aux autres.

Le gamer aguerri ne s’y trompe pas. Il y arrive d’instinct, sans indication à l’écran. Appuyer sur X. X. Carré. Rond. Saut. Rebondir sur la motte de foin pour s’accrocher à la corniche supérieure. Ça commence bien. Si toutes ces manips à effectuer sonnent comme une soluce de jeu, c’est normal. Le début de Prince of Persia le film est un gros clin d’œil au jeu. Le meilleur moment, c’est la caméra rotative surplombant la ville (Y sur le pad), repompé sur Assassin’s Creed. Rire garanti.

Jordan Mechner, le créateur de la série, a écrit une histoire cousue de fil blanc reposant sur une dague qui fait remonter le temps, suffisamment pour annuler les grosses conneries, du genre casser le pot de Nutella sur le carrelage de la cuisine. Mécanique venue du jeu (et de Blinx, remember), c’est sans doute le plot device le plus facile du monde pour terminer sur ses pieds, par une pression sur le bouton Reset. En fait, adapter Prince of Persia au ciné montre un peu le tunnel créatif hollywoodien, prêt à siphonner n’importe quel jeu, de PES à A Boy and his blob. Ce héros de Persia, depuis mon bon vieux Apple II C, je l’appelais “prince”, comme les biscuits. Sa seule fonction était de survivre aux pieux planqués sous toutes les trappes vicieuses en s’accrochant à une corniche atteignable de justesse. En gros, Prince of Persia a toujours été un template efficace d’aventure, un peu comme le cultissime YS, “un héros aventurier à la crinière rouge qui part à l’aventure, tuer des loups et des méchants”. Pour un jeu, ça peut suffire. Tout le côté LOL ou éventuellement buddy movie mixte n’est venu que plus tard. Bruckheimer, d’habitude plus inspiré, fout des millions là-dedans en y collant Mike Newell (parait-il le fossoyeur des Harry Potter, pas vu). Et dire qu’Ubi ne touche rien dans l’affaire à part un nouveau jeu, sorti comme un dégât collatéral.

Petit prétexte façon armes de destruction massives (la référence obligée de 90% des films US du moment), et le prince devient pariât. Prince Jake Gyllenhaal, passé de nounours (de l’exécrable Brothers) à Moundir avec pecs huilés, fait de son mieux pour chopper la dynamique des derniers jeux avec Gemma Arterton (appelle-moi !), absolument sublime. Mais on a presque de la peine pour Ben Kingsley, le conseiller du roi. Comme tous ses collègues, c’est un traitre. Et voir Jake et Ben (rien à voir avec Lost, hein) se fritter malgré 40 ans de différence montre un peu les limites de la techniques et des CG. On ne peut s’empêcher de penser à la fin de carrière de Sean Connery, allé terminer sa carrièresdans League of Extraordinary Gentlemen (le machin adapté d’Alan Moore) sur de mauvais conseils.

Mais le moment le plus dur du film, c’est celui où Newell doit combler le milieu du film, véritable intercalaire scénaristique où plonge l’ennui. Molina joue l’équivalent d’un Salah (pourquoi pas, finalement, ici tous les perses parlent english, wall street english, en bon Disney movie moyen. Mais c’est dans les scènes d’action qui n’ont pas vraiment d’énergie. Ca grimpe, ca crapahute, ça s’accroche mais tout est trop aléatoire, comme si le film était fabriqué par une machine en temps réel. Impressionnant ? Même pas tant que ça car le sommeil plane. Les sables du temps frelatés par le marchant ?

Rempli d’énergie molle là où ses actions en auraient bien besoin de jus,  Prince of Persia n’a même pas la marque de fabrique des Bruckenheimer : des explosions. Et une explosion dans du sable, ça n’impressionnera même pas les tentatrices de l’île de Diamante K.

Calcul simple, un seul Airwolf, et un point bonus, uniquement pour Gemma Arterton.