Hormis les Jules Vernes, La Guerre des Mondes est mon livre de SF préféré. Je me souviens avec précision quand, enfant, j’ai découvert ce chef d’œuvre, dans une édition un peu viellotte, décorée des savantes illustrations d’Edgar P Jacobs (un kitch certain quand on est habitué dès l’enfance à des robots du type Capitaine Flam et Ulysse 31). Dans la même collection, il y avait même mon autre bouquin de SF préféré, la Machine à remonter le temps. Mais revenons à La guerre des Mondes dont la Spielbergisation vient de sortir. Déjà cela consiste à transposer l’action, l’ère victorienne dans toute sa classe, au monde contemporain. Evidement. Les gens n’auraient pas compris le danger si c’est des calèches qui se renversent. Mais déjà je tilte. Pourquoi transposer l’action ? Le bouquin de Wells fonctionne parfaitement à son époque car il est libéré des contingences que lui imposerait le monde d’aujourd’hui. Pas de tunnel souterrain, pas de satellites ou de super télescopes qui détecteraient les envahisseurs, etc… La version de Spielberg élude toutes ses questions qui pourtant paraissent logique. Par exemple (dans un autre genre) Goldorak (que tout le monde connaît) s’il était transposé dans un monde réaliste d’aujourd’hui, serait détecté tout de suite par un satellite de surveillance de Vega, qu’il prenne la cascade ou la route numéro 7. La fin par exemple était totalement logique lorsque le bouquin a été publié, mais aujourd’hui, franchement, je doute, quoiqu’elle est toujours aussi ironique… Peut-être un des points le plus respectés du film. Mais voilà, blockbuster oblige, on transpose.

Vient ensuite Tom Cruise, à la non crédibilité hallucinante. Mon dieu… Il joue un peu comme dans la première scène du dernier samurai, ricanant, horripilant, on sort littéralement du film quand on le voit. Qui croit à un seul moment en son rôle de père divorcé, travaillant dans les docks, roulant en super caisse de frimeur ? Et je ne vous dis pas quand il pousse la chansonnette. On a bien rit. Et c’est bien ennuyeux car dans Minority Report, il était assez en retenue. Mais visiblement la tragique étape The Terminal n’est pas encore digérée. La fillette s’en sort plutôt bien, crispante comme pas permis, ce qui est, je suppose l’objectif à atteindre. Mais voilà, y’a pas de petite fille dans le bouquin. Le mec, il va chercher sa femme, pas des mouflets. Tim Robbins est pas mal, flippant comme il sait l’être malgré une entrée tendance Bella Lugosi. Certaines scènes sont vraiment hallucinantes de mollesse (la scène de la terre qui se creuse et s’écarte, avec des figurants qui semblent s’éloigner au “top” du réalisateur, comme des danseurs, à droite et à gauche de la faille. Mais que se passe-t-il, Steven ?!).

Le parti pris de la guerre cosmique en toile de fond est sinon plutôt intéressant, cette bataille avec les tanks et les hélicos terriens dont on ne voit pas le résultat. Déjà fait dans le risible Signs, mais c’est toujours intéressant. Ca fait penser à un dessin de Gotlieb, un canon en gros plan enorme, cachant une guerre immense, ne laissant émerger au loin que quelques escarmouches visibles avec comme commentaire “la terrifiante bataille de Waterloo”. Ah oui, dans le bouquin, les martiens déboulent pour coloniser la Terre, car leur monde est devenu invivable. Métaphore des guerres coloniales de l’époque, Wells, gauchiste et anticlérical à une époque où cela signifiait vraiment quelque chose et demandait du courage par paquet de douze, condamnait le monde moderne qui avilissait l’Afrique, l’inde et le reste du globe. Ici, faut pas chercher, les ET, c’est le mal, c’est Al Quaïda et tutti quanti. Spielberg est intelligent (j’avoue même aimer Amistad) mais là y’a un truc qui cloche, un cahier des charges de Cruise ? Les martiens ont été “independance dayisé” (ou Evangelionisé comme on dit chez les amateurs de dessins animés japonais). Bon voilà, ce Guerre des mondes m’a rendu triste. Quel bouquin fantastique quand même.