Archive for November, 2007

Coeur de Hommes 2

Après le ridiculissime Toute la beauté du monde, on passe maintenant à l’étape “Cœur des hommes 2″, au positionnement marketing clair : un film romantique que les mecs peuvent aller voir « parce que ça parle d’eux ». Enfin faut voir. L’original avait une espèce de fraicheur, circonstance atténuante à son beaufisme, une sorte de « one shot » dans l’air du temps. Mais déjà, un 2 dans le titre, pour un film sans explosion et menace nucléaire, ça fait immanquablement penser aux Bronzés 3. Bonjour l’ambition artistique. Cette suite est aussi atteinte par le phénomène sociologique dit syndrome visiteurs 2. Le mec qui a eu un succès sans comprendre vraiment pourquoi (ou peut-être en réfléchissant trop ?) aligne une suite à la limite de la parodie du premier opus. Logiquement, on retrouve quelques scènes clefs, genre la pétanque, les paris du loto sportif dans la cuisine, les pieds dans l’eau dans la piscine sur fond de musique sans risque tiré d’une playlist “hits & love” d’itunes. On est à la limite du film franchise, la suite clef-en-main. Même les acteurs sont la caricature d’eux même. Darroussin cachetonne littéralement en récitant robotiquement son texte (comme dans “toute la beauté” d’ailleurs) pendant que Marc l’avoine et Gérard darmonne (à quoi sert sa femme dans le film, si ce n’est pour teaser l’intrigue d’un épisode 3?). Nageant dans un machisme qui met mal à l’aise, repoussant les femmes aux limites de l’intérêt purement sexuel, on assistera quand même à un revirement de situation si peu plausible qu’il fait passer celui d’Anakin Skywalker pour une finesse actor’s studio. Cette tranche de vie de mecs se termine bien, de manière aussi sirupeuse qu’ubuesque, comme un témoignage pour rappeler que les happy-end sont la marque des auteurs paresseux.

Les climats

Attention, ça va dépayser. Les Climats de Nuri Bilge Ceylan est un drame amoureux, un voyage romantique et sensoriel turc, très loin de tous les clichés. Iklimler, avec son image HD travaillée à mort, demande pas mal d’engagement pour sa lenteur, pour un amour flou, à cause du malaise qui prend souvent le spectateur. Malheureusement, le film souffre aussi d’un gros défaut, celui d’avoir proposé une bande-annonce absolument sublime, une espèce de concentré d’intensité folle et muette à la fois, qui n’a pas grand chose à voir avec le résultat final. Du coup, on est semi-déçu dans la salle. Alors si youtube lui rend justice…

Time

Les coréens et le cinéma en puissance, suite. Time est le treizième film du stakhanoviste Kim Ki Duk, qui réalise plein pot, limite à la chaine. Seulement deux en France cette année. L’histoire qu’on peut qualifier de typiquement coréenne car « too much », est une espèce de love story aussi excessive que Old Boy, moins la violence gratuite. Une femme turbo dépressive et jalouse décide de séduire à nouveau son compagnon après s’être infligé une chirurgie plastique massive. Genre on y croit. L’histoire va prendre une tournure encore plus improbable quand le gus en question va comprendre le tour pendable qu’on vient de lui faire. Un pitch absolument fou sur papier, et pourtant, la magie made in Séoul fait son effet. D’une bluette trash, Kim Ki Duk fait un film puissant et touchant, dans la lignée de Locataires. Cela tient sans doute à cette faculté à tout filmer au premier degré mais avec délicatesse.

Le Vieux Jardin

Le Vieux Jardin est l’œuvre du même réalisateur que le déjà génial President’s Last Bang (Im Sang-soo). Je ne vois qu’une explication plausible à la qualité du cinéma coréen : ces mecs sortent tous de dictature et ça leur a filé une soif intense de créer. Ce vieux jardin, c’est celui qu’un opposant au régime coréen d’alors choisit, chez une prof d’art, dans un bled reculé et champêtre. Evidemment, nait une idylle, un de ces amours à l’asiatique, très feutré, où tout est dans les non-dits, dans les silences et dans cette manière magnifique d’avoir le regard perdu dans la même direction. Elle le lave, il range et fait la vaisselle, ils font la cuisine, vont pique-niquer, mais bien entendu, le drame de ce pays finit par les rattraper, même dans cette petite bourgade perdue. Là où le savoir-faire sud-coréen rentre en jeu, c’est dans ce mélange de fresque politique et d’amour, un peu à la manière des chinois et des japonais jusqu’à il y a 10 ans. Perfection du cadrage, acteurs absolument sublimes mais la question reste entière : mais où les coréens trouvent-ils la force, avec des sujets aussi classiques, de faire des films aussi puissants ?

Soredemo boku wa yattenai

Masayuki Suo est le Terence Malick japonais : pertinence et rareté. Une toile tout les 10 ans, ce qui n’est pas un luxe vu la qualité globale de la production nippone de ces derniers temps. Cette fois ci, il s’attaque au système judiciaire de son pays.

En général, les vrp du Japon sont des néo-convertis qui essayent de nous pitcher le pays comme un eldorado du gadget, de la vie à la cool et des chiottes bioniques, son cortège de conneries destinées à faciliter le quotidien, et en filigrane, une vie passivement consumériste, un nirvana sécurisé, voire sécuritaire, encadré par des voix enregistrées qui vous rappellent de tenir la rampe de l’escalator. Pour beaucoup de gens, le système judiciaire est comique, aussi affûté qu’un avocat pointant du doigt la vérité. On en est loin, très loin.

Cas d’école basé sur une des multiples histoires vraies : Teppei se fait arrêter pour avoir peloté une fille dans le métro. Le big truc, là-bas. Enfin, il n’a rien fait, c’est impossible, il avait les deux mains prises. Enfin il se fait arrêter quand même. Le système, basé sur l’américain, pousse à avouer sa faute et trouver le compromis de l’amende, le fameux plaidé coupable. Mais le gamin, véritable Meursault nippon, refuse, car il n’a vraiment rien fait (le titre du film). S’en suit une ribambelle de faux témoignages, de parjures et de vices de procédures dignes des pires pays dictatoriaux. La police, le tribunal ils ont tous forcement raison, puisqu’il est en taule. Si vous vous faites arrêter, c’est qu’il doit y avoir une raison derrière ça. Un camarade m’a un jour conseillé d’éviter à tout prix le moindre pépin judiciaire au japon, La justice, là-bas, est un peu à l’image de leur médecine. Elle soigne le mal, mais pas la douleur.