On a du mal à croire, quand on voit le Japon d’aujourd’hui lénifié par l’industrie du loisir, qu’on puisse y trouver encore un activisme politique, encore moins du communisme. Cependant, la crise qui frappe de plein fouet le Japon a, semble-t-il, relancé une vague d’intérêt pour Marx et son Capital, comme si les réponses apportés par 60 années de capitalisme galopant post-WWII avaient laissé un manque. C’en est fini du « pas-de-politique » à œillères, les gens veulent savoir.

United Red Army, réalisé par Kôji Wakamatsu, un mec venu du ciné undergroup jap dit pink eiga, trace le portrait assez peu flatteur des factions communistes d’assaut. D’un côté, la Fraction Révolutionnaire de Gauche, F.R.G. De l’autre, la Faction Armée Rouge, la F.A.R. Mais rien à faire, ce biobic est tellement massif qu’il en devient limite insoutenable, et pas seulement pour la longueur.

Tout commence vraiment bien : montage d’archives sur fond de Jim O’Rourke (top!), avec un narrateur dans le coup, et les émeutes étudiantes qui passent à toute berzingue. Exceptionnel. Mais là, ce n’était que la première heure. On bascule après dans une mise en scène un peu drama jap commençant dans la gaudriole. Faut les voir, ces mecs qui dévalisent des commissariats comme des bouffons pour chopper deux, trois armes. La caméra les traite presque avec tendresse. Malgré les engueulades, les factions extrémistes s’unissent. Les révolutionnaires partent tous en camping d’entrainement dans les montagnes nippones. Alors que le décor se prête plutôt au tournage d’un épisode de sentaï, ils vont tous perdre les pédales et se forcer les uns les autres à faire leur autocritique. Ils se tabassent. Certains meurent sous les coups. Les autres tombent comme des mouches. Avant même l’intervention de la police, la prise d’assaut finale, il y a déjà eu une dizaine de morts.

Voilà en condensé 3 heures de film, rendu absolument intolérable par ses scènes de torture physique et psychologique. C’est un procédé assez intelligent déjà utilisé par les films ayant pour trait l’holocauste : les rendre absolument irregardable par le contenu ou la longueur, comme pour mettre en exergue l’impossibilité de montrer ni de raconter des choses horribles. Je ne suis pas persuadé que ce soit la meilleure des méthodes ici. Cinématographiquement, c’est insoutenable et malheureusement, on voit trop souvent la reconstitution carton pâte (même si les acteurs ressemblent vraiment aux révolutionnaires wanabee). Mais U.R.A pose de réelles questions sur un pays dont les habitants peuvent basculer d’un fascisme pur sucre à une conscience politique radicale.

Par contre, c’est sans doute une des meilleures radiographies jamais faite sur les otakus. Les révolutionnaires dont on fait le portrait aussi, ce sont des « marxiste no otaku ».