Archive for May, 2010
Mother
May 30th
Pauvre maman. Dès la première image, on la voit déjà perdre les pédales, à danser dans un champ toute seule. Cette mère se donne corps et âme à sa quête. Un soir, une fille est retrouvé morte. Pour la daronne, aucun doute possible. Son fils Do-Joon, certes borderline demeuré, n’est pas le meurtrier que tout accuse. Pour les flics expéditifs, l’affaire est entendue. La mère va entrer en croisade à la limite de l’autodestruction pour rétablir la vérité et innocenter son gosse.
Mother tombe pile poil pour clore en apothéose une décennie de power movies made in Corée. On ne sait pas si cet âge d’or continuera, si des boulets de canons d’une telle intensité continueront à nous arriver dans les dents.
Comme ses précédents films The Host et Memories of Murder, le Mother de Bong Joon-ho est le résultat d’un spectacle total, surfant sur différents genres sans jamais vautrer. C’est quand même énervant, cette réussite arrogante, alors que le cinéma français s’y viande systématiquement, son ambition artistique maintenue en vie par quelques rares perles (hello, un Prophète). Merde quoi, les coréens, ils étaient encore en pleine dictature y a pas si longtemps, et maintenant, c’est les rois du MMORPG et du cinéma de très haute qualité. Pire. C’est le syndrome Pixar : t’as l’impression qu’ils font ça les doigts dans le pif.
Sur mon DVD de Memories of Murder, Bong Joon-ho n’a même pas son nom sur la jaquette. Sans déconner. Injustice pour le génie qui en trois films s’est construit une œuvre à part (mais presque normal quand tu vois que la vanne récurrente du moment, c’est d’essayer de prononcer le nom du réa de la Palme d’Or 2010, vraiment trop drôle, les mecs). Dès cette première scène de danse écervelée dans les prés (j’y reviens), tu comprends que Bong fait déjà le bilan de son propre style. Il joue avec. Cette mère groove de manière comique dans une prairie (motif de Memories of murder). Elle est une marginale (The Host) et va pousser son enquête contre vent et marée face à la flicaille incompétentes (re-Memories). Et puis il y a ce gout pour les paumés et les asociaux, parsemés par des éclairs d’une violence inouïe. On te parle d’une maman, là, quand même. C’est sa fête. En un instant, un seul plan, le coréen te fait basculer de Freud à Bagdad, dans ce bled paumé où tu peux te faire tuer parce que t’as rayé une caisse.
La toile de fond vaguement familière, finalement, Bong Joon-ho s’en tape (mais c’est pas un hasard si ses deux seuls films précédents soient des classiques des 2000’s, cités en référence par pro et amateurs). Il nous fait un truc radicalement différent, en jonglant comme d’habitude entre les genres. Critique sociale, polar, drame, grotesqueries, émotions pure, on a tout, en parfait équilibre. Massif. Il te fait tout basculer en un plan, d’un coup de génie bien senti. Et ça marche. Malgré toutes les zones de réflexion, les fausses pistes purement polar, et la boue, Mother reste limpide et pertinent. Un exemple parfait de cinéma exigeant et ultra populaire, à la Hitchcock.
Les médias te survendent tellement l’expression “film coup de poing” (coucou, Enter The Void) que quand t’en as un devant toi, un vrai de vrai, t’es pas toujours fichu de le comprendre. Mother transforme la volonté inébranlable d’une mère en tank cinéphile. Rien ne l’arrête. Brillant. En 3 films, ce mec prouve que c’est un authentique génie.
Tu vas me demander comment fait un film pour être aussi bien sans coups de pied sautés ? Check la séquence à 0’15 de la bande annonce.
Rien que cette séquence mérite que je ressorte le label qualité maison:
Prince of Persia
May 29th
Un pays des milles et une nuit lambda en images de synthèse. Un petit enfant du bled version babtou court à travers un marché, poursuivi par des gardes. Au lieu de priver ses parents d’alloc’, le roi en fait un prince adjoint. Ça n’arrive qu’aux autres.
Le gamer aguerri ne s’y trompe pas. Il y arrive d’instinct, sans indication à l’écran. Appuyer sur X. X. Carré. Rond. Saut. Rebondir sur la motte de foin pour s’accrocher à la corniche supérieure. Ça commence bien. Si toutes ces manips à effectuer sonnent comme une soluce de jeu, c’est normal. Le début de Prince of Persia le film est un gros clin d’œil au jeu. Le meilleur moment, c’est la caméra rotative surplombant la ville (Y sur le pad), repompé sur Assassin’s Creed. Rire garanti.
Jordan Mechner, le créateur de la série, a écrit une histoire cousue de fil blanc reposant sur une dague qui fait remonter le temps, suffisamment pour annuler les grosses conneries, du genre casser le pot de Nutella sur le carrelage de la cuisine. Mécanique venue du jeu (et de Blinx, remember), c’est sans doute le plot device le plus facile du monde pour terminer sur ses pieds, par une pression sur le bouton Reset. En fait, adapter Prince of Persia au ciné montre un peu le tunnel créatif hollywoodien, prêt à siphonner n’importe quel jeu, de PES à A Boy and his blob. Ce héros de Persia, depuis mon bon vieux Apple II C, je l’appelais “prince”, comme les biscuits. Sa seule fonction était de survivre aux pieux planqués sous toutes les trappes vicieuses en s’accrochant à une corniche atteignable de justesse. En gros, Prince of Persia a toujours été un template efficace d’aventure, un peu comme le cultissime YS, “un héros aventurier à la crinière rouge qui part à l’aventure, tuer des loups et des méchants”. Pour un jeu, ça peut suffire. Tout le côté LOL ou éventuellement buddy movie mixte n’est venu que plus tard. Bruckheimer, d’habitude plus inspiré, fout des millions là-dedans en y collant Mike Newell (parait-il le fossoyeur des Harry Potter, pas vu). Et dire qu’Ubi ne touche rien dans l’affaire à part un nouveau jeu, sorti comme un dégât collatéral.
Petit prétexte façon armes de destruction massives (la référence obligée de 90% des films US du moment), et le prince devient pariât. Prince Jake Gyllenhaal, passé de nounours (de l’exécrable Brothers) à Moundir avec pecs huilés, fait de son mieux pour chopper la dynamique des derniers jeux avec Gemma Arterton (appelle-moi !), absolument sublime. Mais on a presque de la peine pour Ben Kingsley, le conseiller du roi. Comme tous ses collègues, c’est un traitre. Et voir Jake et Ben (rien à voir avec Lost, hein) se fritter malgré 40 ans de différence montre un peu les limites de la techniques et des CG. On ne peut s’empêcher de penser à la fin de carrière de Sean Connery, allé terminer sa carrièresdans League of Extraordinary Gentlemen (le machin adapté d’Alan Moore) sur de mauvais conseils.
Mais le moment le plus dur du film, c’est celui où Newell doit combler le milieu du film, véritable intercalaire scénaristique où plonge l’ennui. Molina joue l’équivalent d’un Salah (pourquoi pas, finalement, ici tous les perses parlent english, wall street english, en bon Disney movie moyen. Mais c’est dans les scènes d’action qui n’ont pas vraiment d’énergie. Ca grimpe, ca crapahute, ça s’accroche mais tout est trop aléatoire, comme si le film était fabriqué par une machine en temps réel. Impressionnant ? Même pas tant que ça car le sommeil plane. Les sables du temps frelatés par le marchant ?
Rempli d’énergie molle là où ses actions en auraient bien besoin de jus, Prince of Persia n’a même pas la marque de fabrique des Bruckenheimer : des explosions. Et une explosion dans du sable, ça n’impressionnera même pas les tentatrices de l’île de Diamante K.
Calcul simple, un seul Airwolf, et un point bonus, uniquement pour Gemma Arterton.
La fin de Koh Lanta, 24 et Lost, en même temps !
May 26th
Cet article est à 99% spoiler free. Tu peux t’y aventurer sans avoir envie de me tuer pour t’avoir révélé que John Locke, c’est Kaïser Sauzé
Fin mai, la fin d’une ère. Lost, 24, et le dernier Koh Lanta All Stars des “héros”. Est-ce la fin du super-héroïsme tel qu’on le connaissait ? Alors pour vous faire gagner du temps, voici le dernier épisode de “24 Lost Lanta”, où tout le monde s’est réuni en Corse, pour en finir une bonne fois pour toute avec les années 2000’s.
Heureusement, Koh Lanta reprend en Septembre. En route pour une nouvelle décennie !
Dans les dents 3 : Special “Brightest Day”
May 25th
Toi aussi, tu feras “Unnnhh!!” si tu te prenais un coup comme ça…
C’est une semaine spéciale “Brightest Day” donc pour me préparer, j’ai mangé 5 fruits et légumes par jour, fait un peu d’exercice, commandé du tofu sauté aux légumes chez mon chinois préféré qui me fait “MERKI” après chaque commande. Voilà, je suis de bonne humeur. Eus-je été plus avisé d’en prendre une double ration car maintenant, The Avengers #1. Faut bien en parler.
C’est l’histoire des MÊMES mecs qu’avant. Pas de nouvel arrivant, à part le nouveau gars qui s’annonce. Ce devrait être Marvel Boy dans son nouveau costume cheumo. Ce qui nous fait qu’une seule nana dans le groupe, plus Maria Hill. Qui est passé du strict au kawaii choupi pour finir en Brigitte Nielsen des années 80. Si votre truc, c’est les triangles amoureux, optez plutôt pour Birds of Prey.
Avengers 1, un comics où rien ne se passe. Même pas vraiment du character développement. Hawkeye redevient Hawkeye “parce que”. Juste le temps de faire un joke. Un comics de get together de héros (le maitre mot de la semaine).
Dans toutes les relaunchs, c’est sans doute un des plus faibles. On est loin d’un Thor 1 (déjà dessiné par Romita à l’époque, qui nous arrachait la rétine avec une baston titanesque). L’Avengers 1 par Perez et Busiek, incroyab’ de fan-boyisme mais tranquille, ça passait. Soyons clair, il n’y a besoin d’avoir une galaxie qui explose à chaque page dès le premier numéro pour partir sur de bonnes bases. Mais là, on est dans le gornicht. Le walou. Ca passe de catchline en catchline en tournant en creux. Bendis se donne du mal pour changer son style, ça sent, il sue à grosse goute pour faire une équipe de super-héros tradi qui ne se retrouve pas à poil dès le 3ème numéro. Sa vraie première tentative en 7 ans. Ça patine mais rendez-vous pour le bilan, dans 6 mois.
J’ai promis de parler de comics DC. Donc je me suis refait tout Blackest Night pour être à la page. J’avais arrêté en cours de route à peu près au moment où le zombie cadavre de Batman recrache une black ring. Bizarre ? Si t’es pas au parfum, voilà : DC a lancé son Marvel Zombie mais en plein dans sa continuité. Les trucs atroces qui s’y passent ne comptent pas pour du beurre (on verra que non à la fin). Du gore par kilotonnes dans un cross-over géant de 8 mois. Dire que je n’ai pas aimé est un euphémisme. A un moment, Wonder Woman récupère les pouvoirs de Star Sapphire parce qu’elle incarne l’amour ou un truc comme ça, ce qui la transmute en… les mots me manquent.
Et tous ces mecs qui, au fil des pages, parlent de manière si maladroite de White Power pour vaincre la terreur de la “blackness”. En fin de compte, une dizaine de personnages (casual lecteur, à part Aquaman, tu ne les connais sans doute pas, attention image spoiler de la fin de Blackest Night) ressuscitent parce que… ils le voulaient vraiment… La fin de Lost me parait presque organiquement honnête à côté de ce merdier. D’habitude, je suis bon client des clashs cosmiques, celui-là se déroulait vraiment trop près d’une pierre tombale. Absurde.
Mais toute la noirceur -très rapidement résumée, je le concède- ne fait qu’annoncer “A Brightest Day” de DC. Il est d’ailleurs étonnant que DC et Marvel (voir Dans les dents 2) se lancent dans les comics cool et optimistes en même temps, comme si TF1 et F2 passaient le même soir du Patrick Sebastien. “IL FAUT FAIRE LA FÊTE !” Désormais, on est heureux par décret, ratifié par logos bricolés sous photoshop, le tout certifié par huissier.
La première série, c’est Brightest Day, dans le texte. Qui t’oblige de passer par la case numéro zéro sinon tu piges que dalle. Mais bon, Oké. Et ça commence par une planche où l’on voit un oiseau qui tombe de son nid pour percuter une pierre tombale. Mini-gerbe de sang. Les “jours heureux” de Brightest Day commencent bien. Je vous fait grâce des scans. Le gros du plot, c’est justement pourquoi cette poignée de mecs est revenue à la vie. A un moment, des pirates des mers menacent physiquement et sexuellement un enfant tandis qu’Aquaman a peur d’aller dans l’eau. Olalala, je sens que les journées vont être Brightest avec ces gus.
Justice League Generation Lost nous parle de Maxwell Lord, un des ressuscités. Maintenant, il a un peu moins peur de la mort. Forcément. Been there, done that. Et il a un plan que ses anciens co-équipiers vont essayer de contrer. Un Get Together comics, mais où il se passe des chose. Malgré son côté “Penance”, Maxwell Lord est un nemesis assez cool dont on ne sait pas clairement s’il essaye de se racheter ou s’il veut revendre ses actions Adidas pour se faire une super culbute. Un bel enfoiré, c’est certain. Et visuellement, même en se contentant de quelques breakdowns gribouillés par fax, Keith Giffen est toujours aussi classe.
Dans la collection “les relaunchs des jours heureux”
Flash qui prend une tournure un peu “Silver Age” avec le retour de Barry Allen. Celui qui fut “le mort le plus classe du monde des comics” pendant 20 ans, est reviendu du pays des morts l’année dernière, banalisant encore un peu plus le cycle de la vie. Mais depuis, on l’a vu plus haut, les résurrections se font par paquet de douze, comme les œufs au Franprix.
Je ne suis pas convaincu par l’intérêt de faire revenir ce mec emblématique d’un autre temps. Wally West a fait ses preuves, il est devenu populaire et il n’y a pas vraiment de twist nouveau pour nous faire aimer Barry. Enfin si : il est chercheur/flic comme dans les séries de TF1. Et puis il est joueur, il fait le mec “très lent” pour ne pas se faire griller, limite maladroit. Sans que personne ne lui demande d’ailleurs où il était durant ses 20 années, sans prendre une ride. Barry Balaise.
Le dessin semi-retro de Manapul colle bien à l’ambiance générale, avec un côté anguleux limite Darwyn Cooke par moment. Geoff Johns essaye quand même de nous rappeler qu’il est le mec derrière Blackest Night avec des moments un peu gore, plus gratuit, tu meurs. Vraiment pas de nouveauté à l’horizon, mais si tu veux de la routine et des gimmicks Silver Age, le All New Old Flash est pour toi.
Pas un relaunch, mais enfin dans sa propre série. Zatanna. Regardons la première page ensemble.
Visiblement, elle va se faire vriller les fesses. Not. Après des années de guests, de featuring, Zatanna a enfin droit à sa propre série, chapeauté par Stéphane Roux (oui, français dixit les papiers de la préfecture) et Paul Dini, tricard DC depuis qu’il a quitté le monde du dessin animé Warner. Il aime Zatanna et ça se sent. Le côté cool du personnage repose sur son job : elle se la joue prestidigitatrice avec lapins tirés du chapeau et tout alors qu’en fait c’est une vraie magicienne. C’est drôle, assez dynamique, joyfull et sexy. A suivre.
Je passe sur Legion of Super-Heroes 1. Une All new Era, franchement ? Difficilement à dire, c’est more or less la même chose. On verra bien.
Birds of prey
Pendant des années la nostalgie des années 90 se résumait à Cable, le fils de Cyclops. Des gros guns, des épaulières immenses, des poches qui servent à rien, une cicatrice autour d’un œil, l’autre étant carrément lumineux et en prime, un pseudo qui n’a aucun rapport avec ses pouvoirs ou ce qu’il fait. Le bon vieux temps, quoi, quand Masterboy et 2 Unlimited étaient premier des ventes des “CD Single” (pour les plus jeunes, c’est cette petite galette optique qui ne contenait que 2 chansons, avant l’arrivée du mp3). A la fin de la décennie, ce fut le tour de Birds of Prey de marquer son époque de plein de gimmicks ridicules et bon enfant. A l’époque, on était plus tolérant. De jolies filles, des scènes éro-suggestives avec toujours une situation difficile pour une des héroïnes, se retrouvant généralement prisonnière dans une cave d’un némesis lambda. Pour schématiser encore plus, cette équipe de filles, c’était des ninjas en bas-résille, aidées par une Sophie (celle de l’inspecteur Gadget) en fauteuil roulant, aidée de son livre-ordinateur. Et la dynamique fonctionnait. Get Together comics de plus (on en est au 3 cette semaine ?), Gail Simone (l’auteur la plus vénérée de la série au début des 2000’s) sait bien écrire les émotions de filles avant qu’elles ne balancent des coups de pied sautés dans la gueule de vilains terroristes. La présence de deux mecs filles revenues à la vie dans Blackest Night semble être la seule justification du logo Brightest Day. A réserver à tous les keums que les années 90 ne font pas frémir de honte. Assumez votre guilty pleasure, les mecs.
J’ai tout de suite aimé Booster Gold quand je pris par hasard son comics sur un présentoir dans une épicerie lambda du Connecticut. J’avais 9 ans. Depuis, on s’est croisé plusieurs fois sans jamais vraiment retrouver le déclic. Ces nouvelles aventures sont l’occasion idéale pour un nouveau départ. Le héros le plus “bwa-ha-ha” (c’est son nom dans le milieu et son surnom sur la couverture) est repris par le tandem Giffen/Dematteis. Concept expliqué aux newbies : c’est grosso modo un mec avec l’humour looser tendrement ironique de Spider-Man mais avec des pouvoirs cosmiques et la possibilité de voyager dans le temps. Bourré de gag du genre ça.
Pick of the Week : DC Universe : Legacies
Exploration cool du Golden Age, accessible à tous, dans une série de 10 numéros où l’on nous promet une dream team de créateurs à tous les coups. On ne peut pas faire plus prometteur. En attendant Jose Luis Garcia-Lopez, J.H Williams III et Dave Gibbons et d’autres cadors du comics, c’est Len Wein à l’histoire et Andy Kubert et son père le légendaire Joe Kubert au dessin, avec backup story de J.G.Jones. C’est léger, superbe, avec cette vibe assez particulière d’un New York rétro gangsta-yid qu’on ne voit plus que dans les rééditions des classiques de Will Eisner. En plus Andy produit le meilleur taf de sa vie quand il est encré par son daron. S’il n’y en a qu’un seul à choisir cette semaine, c’est celui-là.
Bon je retourne analyser les parallèles entre la fin de 24 S08E24 et du dernier épisode de Koh Lanta.
Film Socialisme
May 24th
Je te vois arriver. Jean-Luc Godard, c’est pas vraiment un yesman du film d’action. Deux raisons pour le faire rentrer dans le cockpit des blockbusters de l’été 2010. D’abord, il faut respirer un peu. Ensuite, regarder un Godard aujourd’hui, c’est comme un sport de combat. Faut être confiant, bien concentré sur ses appuis, jamais baisser la garde et laisser passer l’orage quand une rafale de montages zarbi et de quotes te tombent sur la gueule.
Flemme de chercher “Notre Musique“, son précédent film, dans mes archives (2003, Raffarin était encore Premier ministre, t’imagines…) Mais en gros, à un moment, il y avait un indien qui traversait les ruines fumantes de Sarajevo, tandis que Godard lui-même se filmait, donnant une master-class à une foule à moitié-assoupie. Ce détail somnolent est important. Indiens d’Amérique, juifs, JLG fonçait à toute vitesse malgré sa voix monocorde. Je crois me souvenir d’une phrase lancée à cet auditoire mis en abime “Si vous avez compris quelque chose à ce que j’ai dit, c’est que j’ai mal fait mon travail“. Sans fucking déconner, quoi.
C’est ce qu’on appelle de la “captatio malevolentiae“, une figure rhétorique qui vise à s’aliéner son auditoire. (Oh rien d’extraordinaire, j’ai retenu ça dans un épisode de Cosmocats Saison 1 Episode 5). Bref, Godard-Kun, il ne fait rien pour se mettre son public dans la poche. On retrouve ce trait de caractère délicieusement odieux chez des profs de fac maléfiques qui considèrent que le savoir ne doit être dispersé qu’à la plus pointue des élites.
Film Socialisme a deux qualités. Il a une bande annonce à tomber par terre qui déroule l’intégralité du film sur une minute.
Deuxio, c’est le meilleur titre de tous les temps, fruit d’une boulette typographique digne de Monkey Kong. Le reste du temps, on passe entre des passages joués expérimentaux, du pseudo-making of d’une croisière, puis on voit des ânes, des lamas, du gros pixel venu d’internet, des fausses séquences de “F3 Regio”… Les phrases volent mais ne se terminent pas. La moitié du film et t’es déjà perdu. Et pas de repère pour t’accrocher, d’explosions, de Liam Neeson ou de Russel Crowe. Puis viennent les 15 dernières minutes. Du pur Godard semi-laïusard, passionnant, raccourcis de mauvaise foi. Tu passes de la Palestine à Odessa et Barcelone en 3 syllabes. Si t’es pas préparé, t’es mort. Ca cite à tout va, ça invoque, même. Coup de chance, un camarade de jeu (bisou Tristou) vient de m’offrir le bouquin-script de cette expérience. Je ne résiste pas, je vous en offre un morceau sélectionné vraiment au pif..
Un captif amoureux
Et le deuxième ange répandit sa coupe sur la mer
Et elle devint comme le sang d’un mort
Dans son deuxième cours de l’école libres des hautes
Etudes de New York Roman Jakobson démontre
Pendant l’hivers 1942-43 qu’il est impossible de
Dissocier le son du sens et que seule la notion de
Phonème permet de résoudre ce mystère
D’une façon générale écrire pour deux voix
Ne réussit que lorsque les dissonances sont
Annoncées par une note commune
(Suivent deux phrases, une en arabe et l’autre en hébreu, n’ayant pas le clavier pour, on va zapper)
Je me suis farci 2h de rapsodie avec des lamas et des gens qui se parlent tout seul pour kiffer en fin de compte ce finish attendu, décoré par ses typos de type Evangelion. Un finish comme une clef de voute de son système, tel le bêtisier d’un film de Jacky Chan où il se brise tous les os : indispensable. Mais la voix de Godard, bien que suisse d’entre les suisses, me manque. Son propos n’explose vraiment que quand c’est lui qui balance ses hyper-raccourcis du cosmos.
Super Mario Galaxy 2, vu d’une corniche
May 21st
Souvenir ému de ma première corniche dans Super Mario 64. Ah oui, je dois t’avouer un truc. J’ai des petites fixettes. Airwolf. La politique. Les journaux distribués à l’œil dans le métro. Morandini aussi. Ah oui, lui, c’est pas possible. La corniche en est une, tout aussi maousse. Après des années d’études, je suis formel : tout peut se jouer à ce détail crucial.
Revenons à Mario 64. Premier niveau, premier jeu en 3D enivrante au point de te perdre près de la petite passerelle qui tourne sur elle même. Tu pouvais l’esquiver, la sursauter ou même passer par l’autre côté. Elle n’a qu’une seule utilité : t’apprendre qu’une plateforme en mouvement te fera immanquablement tomber. Mais là n’est pas le point important. C’est à cet endroit que se trouve la toute première corniche de l’histoire de Mario. Et même de Nintendo. Rien que ça. Aujourd’hui, ça n’a l’air de rien. Surtout à ton petit frère qui assassine des putes à GTA après les avoir baisé, ce petit connard. Aujourd’hui, si t’as fait les “classiques” des derniers Noël, tu as déjà dû passer des heures à monter de rambardes en corniches et de poutrelles en meurtrière. Et dire que certains pensent que les mains d’Altaïr sont magnétiquement attiré par la moindre brique qui dépasse. Comme si c’était un pouvoir naturel.
Une corniche, un rebord bien dessiné, c’est ce qui fait toute la différence. Parce qu’on les connait, les stratagèmes pour masquer les lacunes de gameplay. Double ou triple saut cache-misère, has been. Le plus craignos, c’est les petites ailes pour planer et survoler les obstacles. Paradoxalement, le plus récent c’est le début “Mérinos” qui consiste à courir très vite au pied du mur pour se donner un petit boost supplémentaires. Check :
Tu noteras que presque tous les mouvements de Mario 64, dont le passe-passe de B-boy grapheur (disparu depuis) proviennent de la pub Mérinos. Mais ce mouvement de pataugeage sur mur n’est qu’un emprunt tardif au ciné HK. Le cable-work du cinéma hongkongais des années 90 est devenu la quasi norme de la courte échelle solo. Et je ne rentrerais pas cette fois ci dans les dernières modes comme le “side-corniche” comme dans Darkstalkers. Next time.
Super Mario Galaxy One optait pour un level design radicalement différent. Plus petit et étroit, les niveaux étaient des îlots d’d’ampleur moindre. En squeezant les environnements, les corniches ont quasiment disparues. Voilà. Fallait te suffire de l’intensité du combat contre les champignons et les tortues, ce qui faisait parfois un peu léger. Lisses, les surfaces sont souvent devenues glissantes comme un débat avec Eric Zemmour qui te laisse parler un peu de Yoshi pour t’interrompre “Mais vous voyez. Vous voyez. Je l’ai toujours dit, ça, qu’on se sert de cette manne d’œufs immigrés de l’espace comme d’une force ouvrière… Et après (je termine), on en arrive à des situations comme l’effondrement du système bancaire anglais, mais ça, aucun gouvernement ne veut l’entendre. Encore une fois, il obéit à l’opinion dominante et je… Mais laissez-moi parler bon sang…”.
Non Yoshi n’est pas devenu une entité d’extrême gauche dans Mario Galaxy 2. Au passage, la pauvre bestiole se fait réécrire ses origines à chaque fois. Les historiens experts en dinosaures verts vous diront que son origine est fixée dans Yoshi Story (le mal aimé). Que néni, ici, c’est un reptile de l’espace, ce qui lui fait un sacré point commun avec Satan Petit Coeur. Le public veut savoir la vérité.
Le retour de Yoshi fait plaisir à voir. Il fait oublier ses heures sombres, celles de Sunshine où cet idiot fondait au moindre orteil plongé dans l’eau. Yoshi ne protège plus mais il locke et il tire. Le meilleur système de visée qu’une Wiimote pouvait offrir. Il avale aussi des fruits, ce qui lui donne quelques super pouvoirs. Il patauge toujours dans les airs pour accéder aux plateformes les plus hautes. Encore une fois, sans toucher les corniches. C’est sans doute pourquoi il me dérange le plus : ce Yoshi m’empêche d’apprécier les rebords si soyeux de Mario Galaxy 2.
Mais quel jeu dur. Galaxy 1, c’était easy type, à côté. La frustration viendra des zones glissantes, pas des grandes étendues charnues façon Mario 64. Monolithique comme ce dernier, moins éparpillé comme des mini-groupes écolos, on est heureux de voir plus de cohérence qu’en 2007, même si l’ordre dans lequel les niveaux sont balancés échappe à toute cohérence. Paf la lave. Pouf la neige. Vlan, le congrès de Rennes du PS. En politique comme en jeu, il faut avoir une vision globale, un menu et celui-là ressemble au “Shogun”, le bateau méga cher des resto de sushi où tu as tous les sushis de la carte.
Super Mario 64 restera à jamais un des meilleurs jeux de corniches du monde. Mais Super Mario Galaxy 2 mérite son pesant d’Airwolf en reprenant tout ce qui était cool en s’affranchissant de la pression de son ainé. Fini la petite grimpée, tu moulines, tu grimpes grâce aux dizaines de possibilités laissées par le jeu. Il a l’air de faire ça facilement. Mario 64 était un bloc, massif. Du diamant brut. Galaxy 2 est ciselé. Rough is better mais Galaxy 2 sert un peu de master class de cette génération de plateformer, un truc classe à mettre sur son CV.
Bonus track :
Des mecs refont les règles de Super Mario 64. Le but du jeu, ne pas se faire attraper par “LE DIABLE VERT”, à savoir un champignon 1UP. Pas la peine de piger le japonais. Ça commence à 3’58 et c’est juste fou. Check les autres niveaux. Totalement Airwolf.
Achille et la Tortue, une rencontre Kitano-Denisot
May 19th
Rencontre imaginaire. Denisot reçoit Kitano. Le plateau de la “Croisette” est chauffé à blanc. Les 70 assistants de Kitano, entre managers et gardes du corps, toujours avec des têtes de Yak’, surveillent le public. Les filles se sont arrêtés de gueuler, Jude Law est déjà loin.
Michel Denisot : - Alors monsieur Kitano, ça fait quoi d’être un dieuvivant dans votre pays ?
On notera que quand les acteurs sont français ou américains, ils ont droit à un “undesplusbeauxcastingsdelacroisette”, répété d’une voix robotique. Là, il est japonais, c’est donc un dieuvivant et le level au dessous, c’est unestardansvotrepays
Rire gêné, Kitano ne répond pas et sourit.
MD: – Ca vous fait quoi d’être à Cannes ?” demande Denisot avec la conviction d’un parrain de la Cosa Nostra.
Kitano : - Annoo. Cannestenowa masa ni Et bien en fait Cannes eigateki no ichiban c’est vraiment pour le cinéma seikai no ichiban l’endroit le plus taisetsu tokoro desu ne important du monde. Et c’est pourquoi je suis heureux d’être ici.
MD: – Alors on va regarder votre montrée des marches d’il y a trente minutes.
Laurent Weil : “Oui, Alors je vois l’équipe du dernier Kitano qui s’approche, je vais essayer de leur parler. HELLO MISTER KITANO. VERY NICE TO SEE YOU AT DE FESTIVAL. DO YOU ENJOY CANNES ?
Kitano : - ummm. Kochira Koso.” dit-il en s’esquivant bien vite.
Laurent: Oui, visiblement, Takeshi Kitano est très ému de monter les marches de Cannes. Il faut savoir que c’est une star internationale qui rencontre un énorme succès à l’étranger, mais aussi que c’est une grande star du comique dans son propre pays.
Retour plateau.
MD: Merci Laurent, tout de suite la météo, le zapping et après Omar et Fred, le petit journal People.
Jingle.
Ce que Canal + a oublié de préciser, c’est que Kitano a déjà sorti un film cette année. Achille et la Tortue est le dernier volet de son égo-triptyque. Ça parle de lui, de ses inspi’ et de sa notoriété de gugusman au Japon. Je ne sais pas dans quelle mesure Hanabi ne parlait pas plus de son fort intérieur, mais là, le thème, c’est sa pomme-LOL. Le film commence par un mini dessin animé qui donne tout de suite le ton de la fable. Machisu (gag) est un peintre mais de deuxième, limite troisième zone qu’on va voir vieillir en 3 époques différentes. Hypnotisé par sa propre œuvre, il s’entête et continue inlassablement, même si aucune de ces croutes ne se trouve preneur. Grotesque, too much et finalement très humain, il est quand même aidé avec passion par sa femme tandis que sa fille le conchie. Trop la loose. En France, ce même setup ferait un très bon combo deConfessions Intimes du genre “Amateur de Tuning, mon père aime Johnny jusqu’à s’en tatouer le corps entier mais ses enfants ne le supportent plus.” Kitano a l’élégance de ne pas nous sortir les histoires archi-vues genre “je suis un génie que personne ne comprend”. Prise de risque pas gigantesque, de la folie répétitive, on est dans le Kitano 3.0, de la fable assez consciente d’elle-même, qui exige quand même d’être assez imperméable au grotesque pour voir un Kitano radical faire son gaga. Oh et le trailer trompeur donne envie de noyer des lapins tellement il est nul.
Com-Robot