Palmes, oscars, le grand déballage
Ils ont eu des prix. On est content pour eux. Dans une optique syncrétique (et aussi pour me faire gagner du temps pour le reste des projets made in Robotics dans les cartons), bam, passage en revue, maintenant.
Cette année, j’ai tenté comprendre pourquoi Sandra Bullock a eu son oscar de la meilleure actrice (oui, c’est dur à avaler donc je la refais : Sandra Bullock a eu l’oscar de la meilleure actrice). The Blind Side. En bonne MIFL, elle prend sous son aile un gros black, un ado SDF qu’elle va encourager à continuer dans la voie du football américain. Douloureux de se souvenir de ce machin. C’est based on a true story ce qui en général se résume en un mot: “Pain”.
Jeff Bridges avait tout pour enfin recevoir un prix. Il est comme le bon vin, il devient meilleur avec les années. Il n’est même ridicule dans le rôle d’Obadiah Stane dans Iron Man, ce qui n’était pas gagné. Dans Crazy Heart, il joue un chanteur de country alcolo qui va finir par tomber amoureux du cul joliment moulé dans son jean de la jeune secrétaire journaliste jouée par Maggie Gyllenhaal. Ca a l’air si vrai qu’on se croirait devant un biopic. Franchement moins crépusculaire que le mythique Honkytonk Man d’Eastwood, il arrive vraiment à rendre crédible. Et fuck, Colin Farrell et les autres acteurs sont super. Un film si ripoliné qu’il en serait presque agaçant.
Ce qui est tout le contraire d’El Secreto de sus ojos, qui dans le genre esthétisant se pose là. “Dans ses yeux” a tout du film qui choppe l’oscar du film étranger. Le propos doit être doux-amer, une certaine fatalité. L’année dernière, c’était l’horripilant et lacrymal Departures qui a eu ce même Oscar. Ca fout quand même les boules, il y a 50 ans, c’est Kurosawa qui la choppait et maintenant, Departures. “Dans ses yeux” n’est pas mauvais loin de là, mais on dirait qu’il est figé dans le propre mythe qu’il veut installer. Les acteurs sont beau, la péloche est tellement léchée, l’amour tellement impossible et puis avec ce petit fond historique balancé dans le mix… Tout y était mais voilà, non, y’a un truc qui ne passe pas.
Apichatpong Weerasethakul aurait du me dire quelque chose. Ce sera la seule fois que je le tape ici, enjoy. J’ai eu comme un choc dès que le film a commencé à balancer ses plans fixes, ses zooms à deux à l’heure. Bam, ça m’est revenu : Syndromes and a Century, y a 3 ans. Et c’est pourtant le genre d’expérience dont on se souvient, seul-tout dans le MK2 Beaubourg. A vrai dire, il y a un truc qui m’a marqué, c’est le zoom continu sur le tube d’aération d’un hôpital qui balance de la fumée blanche. On ne peut pas oublier ça. Dans mon topo ciné 2007 des films dont j’avais oublié de parler, j’ai écrit ceci : “Syndromes & a century Sans intérêt, aucun.”
Wow, j’étais ressorti bien vénère, donc. Mais Oncle Boobmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures alors ? C’est bien. Même très bien. Si ton dernier contact avec la Thaïlande c’était Tony Jaa, Oncle Bonmee va te dépayser. En fait la nature profondément animiste du récit en fait une espèce de film à la Ghibli mais avec des vrais acteurs, sans que l’histoire ne bascule vers un gloubiboulga de dégueuli vers sa fin, la marque de fabrique des récents Miyazaki. Pas certain que ça méritait une palme, mais ce n’est pas si long que ça, mais la fin est superbe. A voir si t’as les bollocks.
Des hommes et des Dieux a une qualité : Xavier Beauvois, le réa, ne joue pas dedans. Il n’avait pas pu s’empêcher dans le Petit Lieutenant, mais là, c’est bon, il n’allait pas faire un moine. D’ailleurs qu’est-ce qui s’est passé, avec sa petite tête de minet de “N’oublie pas que tu vas mourir“? Tu le vois en interview, métamorphosé, le mec. Quoiqu’il en soit, à la place, on a Michael Lonsdale (toppissime) et Lambert Wilson (intéressant, et rien que d’écrire ça, je suis scié), plus les autres, moins exposé comme Sabrina Ouazani (from la Graine et le Mulet) ou encore Adel Bencherif (Ryad d’Un Prophète).
Mon père me disait à l’époque “mais qu’est-ce qu’ils étaient allés foutre à Tibhirine, ces mecs”, une question qui revient souvent chez les athées et les pragmatiques. Le film s’attache donc à montrer leur petite importance sociale dans le village. On les voit soigner les arabes du coin, faire du petit commerce sur la place du marché etc. Mais surtout, et c’est un des propos principaux ici, Des hommes et des dieux est un film sur la prémonition. Ils sentent aussi bien que nous l’imminence de la mort. Questionnement, renoncement puis courage. L’autre angle important, c’est qu’il y a une forme de vanité, de ces mecs qui le disent franchement : ils n’ont pas d’autres endroit où aller, un peu comme des hommes politiques qui n’auraient fait que de la politique dans la vie sans penser à apprendre “un vrai travail”.
Après, on peut discuter sur la véritable motivation des mecs (semble-t-il que père Christian était le vrai Professeur Xavier, un mentor super lettré qui a maintenu à lui tout seul la petite communauté jusqu’à la mort). Mais le simple fait que ce soit un magnifique F.A.Q sur le Don à Dieu version catholique (au même titre que l’Île pour la religion orthodoxe. Il est amusant de constater que les films mettant en scène l’islam ou le judaïsme montrent plus volontiers l’éloignement de la religion) va agacer un paquet de monde… car tout y est : le renoncement dans un pays lointain, le travail, l’abandon et puis finalement le martyre. Movie-wise, c’est même plutôt réussi, avec différents pics narratifs bien pensés comme la venue du premier terroriste et puis bien évidemment la “scène dont tout le monde parle” sur fond de Tchaïkovski, totalement wannagain. Mais la photo est magnifique et surtout… ah allez, quoi, la France sait pas faire les films sur sa propre actu, même d’il y a 30 ans. Malgré les tentatives comme Mesrine ou, bien plus mauvais, Indigènes, il y a toujours comme une barrière filmique. Donc quand on voit une tentative un peu ambitieuse, j’ai une tendance à être plus gentil:
Le pitch de Poetry du super précieux Lee Chang-Dong rappelle un peu celui du génial Mother. Une mamie élève seule son connard de petit-fils. Elle est propre sur elle, assez gaie et se montre pas vraiment tourmentée lorsqu’elle apprend que cette petite pourriture a été mêlé dans une affaire de tournante. En fait, la pauvre s’intéresse à la poésie alors qu’on lui apprend qu’elle soufre d’un Alzheimer. Palme du meilleur scénario, mec. Je n’avais pas franchement accroché sur le précédent film du mec (Secret Sunshine, un film au titre passe-partout qu’on pouvait inclure dans la collection “Combat de femmes” de M6). Le problème de Poetry, c’est qu’il doit affronter la performance, il n’y a pas d’autres mots, de Mother qui apporte vraiment une solution à cette offre de cinéma “classique”. Reste quand même quelques scènes brillantes, toute en ellipse, Alzheimer oblige, notamment avec le flic.
C’est la fête des
T’as remarqué tout le pathos des films précédents ? Alors accroche toi, Biutiful d’Inárritu avec Javier Bardem (palme du meilleur acteur) est là pour te faire une promo. Dans un Barcelone cracra si loin de l’Auberge Espagnole, Uxbal (quel nom ultime, si j’avais un robot géant, je l’appellerai Uxbal !) exploite des clandos chinois. Pour soigner un peu sa conscience, il communique avec les morts, un service qu’il monnaye quand il n’est pas occupé à aider des sans-papiers sénégalais. Mais malheureusement, il apprend dès le début du film qu’il est atteint par un cancer métastasé sa race et qu’il n’en a plus pour longtemps. Il essaye de mettre en ordre sa vie en essayant de se faire à l’idée qu’il va laisser ses deux enfants à sa femme hystérique qui n’hésite pas à cogner quand elle ne le fait pas cocu avec son frère. Je crois que j’ai tout dit, les bases du film sont posées. Ah non, c’est un ancien toxico aussi.
Le pire, c’est qu’avec un planning lacrymal aussi chargé, Inárritu s’en sort mieux que dans l’horripilant 21 Grams et son navrant Babel pour la simple et bonne raison qu’il abandonne toute forme de narration choral. C’est linéaire et c’est Uxbal. What you see is what you get, and what you get is Bardem en feu. Ce mec, même bien avant No Country for Old Man, c’est le genre d’acteur que t’as envie de voir évoluer, s’exprimer. Et là, il est un peu chafouin vu toute les emmerdes qui lui tombent sur la gueule. Il est vraiment immense, au sens propre du terme, avec sa gueule bien carrée qui imprime bien la péloche, sans pour autant vampiriser les autres comédiens qui essayent d’exister à côté de ce robot de combat. C’est parfois un peu lourdingue comme toute la filmo d’Inárritu, mais derrière le symbolisme parfois neuneu, il y a clairement du mieux. J’imagine qu’en Corée, le même sujet aurait vraiment mieux marché. Sauf pour les sénégalais.
Note : J’ai appris que Kaboom a gagné la palme “Queer” à Cannes. Whut. On invente n’importe quoi, y compris le prix œcuménique. De toute manière, j’ai d’autres plans pour parler de celui-là.
Tournée, prix de la mise en scène pour Amalric, l’acteur qui a réussi à impressionner des dictateurs dans Quantum of Solace en menaçant de “doubler le prix de l’eau”… rien que ça, ça méritait une palme. Avec lui, c’est quitte ou double, plutôt avec succès puisque je l’ai trouvé brillant dans “Un conte de Noël“. Il raconte ici l’histoire d’une troupe de “New Burlesque”, des strip teaseuses pas toujours aussi jolies que Dita Von Teese mais plutôt rigolotes. A la base, j’aime pas, je préfère 10,000 fois voir Dita Von Teese. Mais c’est moi, hein. Mais voir le making of, pourquoi pas. En fait, il y a tromperie (gentille) sur la marchandise puisque le sujet du film, c’est Mathieu Amalric lui-même, le promoteur de la tournée. Petite crapule, entertainer génial, mégalo patenté, ce mec donne l’impression d’être la symbiose de tous les rôles qu’a joué Amalric au cours de sa vie, le cracra impulsif et lunaire. Trainant les filles d’hôtels en hôtels, meublant par des mensonges, il laisse découvrir ses facettes beaucoup plus que les filles (très natures, forcément) qui se contenteront d’un portrait en forme de “délurés excentriques” et de “tristesse inévitable de la showgirl fofolle”. Pas certain que ça méritait une palme de la mise en scène, mais l’acting, à part quelques divagations moches, est vraiment ce qui marque.
Reste une question : QUI a vu le film qui a valu une palme à Juliette Binoche ? Ca s’appellait Copie Conforme. Sans déconner ?
Print article | This entry was posted by Kamui on 26/10/2010 at 11:47, and is filed under Cinématographe. Follow any responses to this post through RSS 2.0. You can leave a response or trackback from your own site. |
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