Venus Noire est difficilement soutenable et pourtant c’est sans doute le film français de l’année. So what, Kechiche did it again ? Je vais te faire une confidence : pour moi ce mec est un miracle, à se demander comment il fait à chaque fois pour marier le film populaire et une telle exigence d’écriture et de réalisation. J’ai déjà abondamment parlé de mon amour pour la Graine et le Mulet ici, mais bon… Kechiche le mystère…. Si j’en crois tous les articles que j’ai lu sur lui, c’est un dur à cuire tendance peau de vache. Le mec éprouvant et difficile à vivre. Très bien, pas de problème, ça me va.

Derrière sa façade “drame de femme” antiglamour, Kechiche nous propose là une véritable autopsie du racisme ordinaire du début du XIXème, celui qui tentait à prouver une infériorité naturelle des africains. La victime, il n’y a pas d’autre mot, cette Venus hottentote, Saartjie Baartman a été extirpée et vendue, puis utilisée comme une bête de foire. Elle sera ensuite étudiée en labo, puis exhibée dans des salons libertins. Et, on y est presque, elle sera contrainte à se prostituer pour finalement trouver la mort peu après, de maladie tout autant que de chagrin. True but sad story. Mais la honte des hommes ne s’arrête pas là car elle sera dépossédée jusqu’au bout d’elle même: la “Science” (du XIXème) la disséquera puis en fera un moule pour refaire d’elle le sujet d’études qu’elle aurait dû être.

En te répétant ici les grandes lignes de sa vie, tout le film dans ma tête m’est repassé dans la tête. Long, lancinant, souvent abject. En fait, il s’agit là d’une technique classique de Kechiche qui consiste à tendre la situation jusqu’à ses dernières limites, de la rendre insoutenable même dans ce qu’elle a de plus banal (remember le cousous de la graine et le mulet). En plus, une bonne moitié du film repose sur les performances de Yahima Torres, l’autre versant de la danse du ventre (toujours la “graine”). Presque comme un film carcéral, il ne lui octroie presque jamais de perm’, enfermée qu’elle est dans ce système. Des scènes de respiration salutaire aussi pour le spectateurs, il n’y en aura pas beaucoup. C’est tout le paradoxe de ce show qui fait tout pour ne pas être divertissant. De l’anti-entertainement, le parti pris du film.

A la fin, Kechiche copie/paste un reportage sur les retours de la dépouille de Saartjie Baartman  en Afrique du sud. Et c’était pas il y a des dizaines d’années, non.  Son squelette et le moulage de son corps étaient encore exposés au Musée de l’Homme à Paris jusqu’au début des années 70. Et ce n’est que par une loi spéciale, voté en lousedé à la fin des années Jospin qu’elle a enfin pu repartir pour la terre de ses ancêtres.  Je serais tenté d’y voir là une preuve de plus que les années Jospin, c’était le bien, mais là n’est pas le sujet. Derrière un film mastoc, avec énormément de lignes de lecture derrière le côté bourrin de l’esclavagisme, il y a une certitude. Ce que fait Abdellatif Kechiche dans la Venus Noire, personne n’aurait pu mieux le faire aujourd’hui dans le cinema français. Je mets mon billet là-dessus. Sonne-pèr’.