Il y a toujours quelque chose de triste quand un beau gros paquet de pognon loupe son destinataire. Un dessous de matelas oublié par un vieux monsieur décédé un soir de printemps, un ticket gagnant du loto oublié dans la poche d’un jean passé à la machine à laver ou encore un bon gros blockbuster affectueux qui manque son public…

Je voulais commencer par parler du supposé four commercial aussi injuste qu’une défaite de Jospin alors que le titre étrange choisi est beaucoup plus symptomatique.

“John Carter”

Alors qu’est ce qui cloche ? Avec cette adaptation quasi didactique de l’œuvre de Burroughs, tout semble avoir été gardé. Tous les putains de termes qui auraient peut-être mérité d’être “streamliné”. Des actionneurs, des films compliqués avec 10 noms chinois différents à la minute, pour toi et moi c’est no problemo. Mais le grand public, entre les “Tharks”, “Barsoom”, “Zoganda” sans parler de “Jarsoom” et du reste. À côté, l’écosystème fluo d’Avatar, c’est de la blague. Et le seul truc qu’ils ont vraiment viré ici, c’est le titre. Le “A princess of Mars” du bouquin est devenue John Carter. Sans “of Mars”. Parce que le public est sans doute bête, qu’il n’aurait pas compris que “princesse” dans le titre allait déboucher sur un film de garçon de la même manière que Disney a renommé Rapunzel “Tangled” aux USA. Parce que, sans doute, le monde aurait implosé de féminité, surtout après “la princesse et la grenouille”. Tu sens qu’il y a eu comme un gros problème de communication entre les signeurs de chèques et les artistes. Et c’est con de se prendre la tête sur ce point quand on a un film où un fringant gaillard, une épée dans chaque main, torse nu, se lance seul dans un combat perdu d’avance contre une armée de géants à 4 bras.

Parce que le reste est assez affuté, en particulier l’écriture. Car John Carter n’est autre que “Indiana Jones et le Temple Maudit sur Mars” ni plus ni moins. La fameuse princesse, bannie du titre, est pourtant un personnage fort, belle ( > à Olivia Wilde), limite habile et manipulatrice comme ces rôles féminins dans Game of Thrones. Même John Carter, brillamment interprété par le nouveau “go to guy” du film d’action, remplaçant habilement le Sam Worthington de base, arrive à rendre son background assez crédible. Il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’un film d’action pour enfants mais qu’il fait comprendre de manière assez limpide des concepts comme le deuil qui frappe son héros.
De la même manière que Super 8 était un film à la manière de, John Carter essaye de puiser dans le cinéma d’aventure des années 50. Il y a un mélange de Richard Fleischer pour sa fraîcheur et de ses némésis (McNulty, cœur avec des bouteilles de Whisky et Mark Strong, toujours droit dans ses pompes) et puis évidemment de Flash Gordon. Le côté Pixar se fait évidemment sentir, normal quand Stanton, le réalisateur, sort de Némo et de Wall-E. C’est tellement manifeste dans cette fabuleuse scène d’intro. John Carter, téléporté sur Mars, comprends qu’il y est plus léger sur fond d’espaces fordiens, une manière si Pixar de nous vendre des mondes en quelques plans. Ok, c’est une histoire “d’étranger de plus qui arrive en terre étrangère régler les problèmes des autres”.

Je me souviens de cette salle vide pour le génial Speed Racer que tout le monde déconseillait sans l’avoir vu. Sans atteindre la grâce véloce du délire Speed Racer, John Carter en garde malheureusement l’image du film maudit, d’un genre laissé à l’abandon telle une ruine romantique du XIXème, appelé à devenir culte car apprécié comme j’aimais aller voir Kirk Douglas à bord du Nautilus dans mon ciné-club chaleureux. Ne manque que la pellicule qui crépite et on y est.