Comprendre ce qui fonctionne dans New World est assez compliqué. Le problème n’est pas tant de la réussite du film. Il repose plutôt sur ce fil tendu de justesse, de sensibilité. Sur le papier comme dans la bande annonce, TOUT laissait présager d’un truc infâme. Pensez donc: Colin Farrell, ex-blondinet de l’abyssal Alexander, joue le Capitaine Smith qui finira par rencontrer Pocahontas (dont le nom n’est même pas cité dans le film). Fallait donc être plein de confiance pour sauter le pas et voir ce que Malick nous offre. “Qu’est ce qu’il va aller foutre là-dedans ?”

C’est le souffle coupée qu’on voit donc cette histoire d’amour sans grand enjeu pour qui connaît l’histoire non-disneyisé, mais marquée par un équilibre absolu dans les intentions de Mallick. Voyage initiatique, trip proche du bon sauvage à la Rousseau, Smith nous fait partager son esprit, qui navigue dans d’improbables flots. Son spleen champêtre qui bientôt accepte l’amour de la jeune princesse est d’une limpidité incroyable… Et puis il y a ces implacables jump-cut foudroyants, se moquant de la narration classique. Le moment où Smith se fait dérouiller, avec sa voix off parfaitement timé me reste dans le fond du gosier comme un des grands instants ciné personnels de ces dernières années. Alors c’est vrai, en temps normal, la tendance ici serait de gueuler contre ce qui est discutable. Après tout, la colonisation des indiens se fait en toile de fond, tel un changement de décor subtil, laissant la priorité au tourbillon passionnel intérieur. C’est ces mêmes ellipses qui font la force, comme ces incroyables “non scènes” de batailles entre anglais et indiens. The New World n’est certainement pas un film pour tout le monde. Profond, quelque part assez subversif, l’intelligence de sa réalisation magistrale peut vous prendre par surprise. Un voyage initiatique qui rappelle en bien des points Kurosawa, ces moments où l’essence humaine est touchée. Instant suprême, chapeau bas.