The New World
Comprendre ce qui fonctionne dans New World est assez compliqué. Le problème n’est pas tant de la réussite du film. Il repose plutôt sur ce fil tendu de justesse, de sensibilité. Sur le papier comme dans la bande annonce, TOUT laissait présager d’un truc infâme. Pensez donc: Colin Farrell, ex-blondinet de l’abyssal Alexander, joue le Capitaine Smith qui finira par rencontrer Pocahontas (dont le nom n’est même pas cité dans le film). Fallait donc être plein de confiance pour sauter le pas et voir ce que Malick nous offre. “Qu’est ce qu’il va aller foutre là-dedans ?”
C’est le souffle coupée qu’on voit donc cette histoire d’amour sans grand enjeu pour qui connaît l’histoire non-disneyisé, mais marquée par un équilibre absolu dans les intentions de Mallick. Voyage initiatique, trip proche du bon sauvage à la Rousseau, Smith nous fait partager son esprit, qui navigue dans d’improbables flots. Son spleen champêtre qui bientôt accepte l’amour de la jeune princesse est d’une limpidité incroyable… Et puis il y a ces implacables jump-cut foudroyants, se moquant de la narration classique. Le moment où Smith se fait dérouiller, avec sa voix off parfaitement timé me reste dans le fond du gosier comme un des grands instants ciné personnels de ces dernières années. Alors c’est vrai, en temps normal, la tendance ici serait de gueuler contre ce qui est discutable. Après tout, la colonisation des indiens se fait en toile de fond, tel un changement de décor subtil, laissant la priorité au tourbillon passionnel intérieur. C’est ces mêmes ellipses qui font la force, comme ces incroyables “non scènes” de batailles entre anglais et indiens. The New World n’est certainement pas un film pour tout le monde. Profond, quelque part assez subversif, l’intelligence de sa réalisation magistrale peut vous prendre par surprise. Un voyage initiatique qui rappelle en bien des points Kurosawa, ces moments où l’essence humaine est touchée. Instant suprême, chapeau bas.
Print article | This entry was posted by Kamui on 11/03/2006 at 00:06, and is filed under Cinématographe. Follow any responses to this post through RSS 2.0. You can leave a response or trackback from your own site. |
about 16 years ago
OK.
J’ai vu la Ligne Rouge de lui. A l’époque, j’avais été emballée. Mais j’ai peur qu’en le revoyant, je sois énervée. En tous cas, le trip "bon sauvage" reste dans la même lignée, il semblerait. Je regrette vraiment de l’avoir raté. Il n’était resté qu’une semaine à l’affiche. Il faut croire que Terence Malick et UGC Ciné Cité ne font pas bon ménage… (étonnant, non?)
about 16 years ago
Et bien le nouveau monde est encore diffusé dans une salle dans Paris (au 16/07/06).
about 16 years ago
Après visionnage dvd (c’est d’ailleurs très con, vu le style de mallick, il passe carrément mieux sur grand écran), je confirme. et je te remercie de m’avoir redonné envie de le voir.
j’avais peur d’une redite de la ligne rouge, version "on porte des peaux de bêtes et on fume le calumet de la paix"… par certains aspects, c’est un peu ça (cf. passage de john smith chez les powhatan), mais cette impression n’est que passagère, au final, et le film s’avère moins contemplatif que la ligne rouge (pas du tout le même type de contemplation, du moins). colin farrell joue tout en retenue, ce qui ne lui ressemble pas. bon, la musique m’a quand même agacée, ça alourdit vachement son style.
et même, concernant la colonisation qui ne reste qu’en toile de fond, je trouve que ça permet d’éviter l’écueil du "ces salopards d’européens qui sont sans foi ni loi", donc bon, pas plus mal. et le début du film, je le trouve très réussi, je trouve que la rencontre entre les indiens et les britanniques est vue avec pas mal de justesse. et cette absence de manichéisme, je l’ai trouvée salvatrice, perso (bon après, c’est mal de rechercher la vérité historique dans un film, mais comme c’est mon secteur de recherche, j’ai pas pu m’empêcher d’y être sensible, c’est la première fois que je vois un discours cinématographique sur la colonisation en amérique du nord qui soit pas trop con, qui tombe pas trop dans les tartes à la crème et qui au contraire s’en accommode bien).
about 16 years ago
Ah ça, le film reste cohérent du début à la fin sur ce point. Enfin content que New World plaise, il est toujours dans mon top perso annuel.
(je me souviens avoir beaucoup aimé la musique… pas au point d’en acheter l’OST mais j’ai souvenir du générique de début et fin vraiment pas mal).