Tous les voyageurs du monde ont déjà connu ce que j’appelle “la valise de Tokyo”, ce moment crispant, le soir avant le départ où tu crois que tout va rentrer alors que non. Les mecs responsables de X-Men First Class ont la valise qui a débordé de tous les côtés.

En situant son action dans les années 60 en pleine guerre froide, X-Men : First Class montre tout d’abord que, ça y est, on ne peut plus évoquer cette époque sans un petit peu d’effort. Désormais, on doit faire un peu plus que du wikipédia avant de tourner une scène de la guerre froide. Seriously, les mecs, ces cartes marquées RUSSIE, c’est aussi authentique que le menu Shogun et ses quarante sushi à déguster à deux sur son bateau. Le Soviet Suprême était pas le genre à oublier son compte CCCP. Les erreurs factuelles abondent, faisant parfois passer Austin Powers pour une reconstitution minutieuse des 60’s. D’accord, c’est un film de SF néo-rétro, mais toc de partout, avec à chaque fois l’impression de trop en faire. Mais j’y arrive.

X-Men First Class se pose comme la préquelle directe des deux films de Singer, gommant l’absurde X-men Origins : Wolverine. Oui, souviens toi, à la fin du Jackman solo-flick, prof. Xavier débarque en Supercopter pour libérer Cyclops et Emma Frost. First Class, c’est avant toute l’histoire de Magnéto. Xavier, gentil boy scout pas suffisamment intéressant pour le réalisateur de Kick Ass, n’a jamais vraiment le temps de briller, écrasé par le bad boy en puissance qu’est Magneto en petit blouson cuir cintré.

Mais ce n’est pas que le Rise maléfique de Magneto. First Class, c’est aussi et surtout une vraie proposition assez géniale de film d’espionnage James Bondisant, trop vite balayée par les exigences des conventions super héroïques. Pendant la première demi-heure, Michael Fassbender (déjà vu dans Centurion) devient un chasseur de nazis qui part se venger à l’aide de son pouvoir mutant. Et un high concept comme ça, pour moi, c’est 2 h de bonheur. Malheureusement, il rencontrera Boring Xavier (McAvoy) qui, comme seule vague, est présenté comme un queutard DSKien. Dommage collatéral, le film quittera les sphères Bondiennes pour basculer dans le buddy movie pas franchement réussi. Et là, c’est le début de l’auberge espagnole, le fourre-tout.

X-Men First Class deviendra aussi un teen drama où les recrues nous refont Premiers Baisers dans un loft de la CIA. no shit. Et puis il y a la réflexion obligatoire sur l’identité, avec cette fois ci, Mystique en remplacement de Rogue dans la classique métaphore du refoulement de l’homosexualité, le sujet clef de Singer. Ajoutons (c’est pas fini), une lourde évocation des camps de concentration, un club de strip-tease tellement parachuté dans le scénario qu’on croirait un épisode d’Hollywood Night de la grande époque, White Queen qui a deux pouvoirs histoire de bien compliquer la sauce. Et puis sans oublier Hank McCoy qui travaille sur un sérum de contre-mutation car il n’est pas content de chausser du 57. Riiiiiight… Et puis la baie des cochons. Et des inévitables caméos. Et surtout 5 mn de Michael Ironside. Ouf. Djizeus’

On est toujours surpris par ce que font les studios avec les adaptations de comics. Une bédé avec 40 ans d’histoires, des centaines de personnages and all you get is Azazel. Azazel, quoi. Most boring story ever. Le père biologique de Nightcrawler dont le pouvoir est donc de se téléporter. Mais heureusement, il ne parle pas, préférant utiliser son don pour téléporter les gens dans le ciel et les lâcher en chute libre. Creepy. Dans le même genre de refus de test ADN de paternité débarque Alex Summers a.k.a Havok, le frère de Cyclops même si ce n’est jamais précisé. Pourquoi lui, alors ? Pour ce costume culte ?

Man, si tu savais mon amour pour Havok et son costume original de la fin des 60’s, black, slick… qui se retrouve ici en ado équipé d’un ventilo sur le bide pour canaliser sa puissance.

C'est marqué "Lame" en coréen. Tu peux me faire confiance...

Et puis pourquoi avoir choisi Angel, gogo-danseuse fée qui crache des boules de feu, arrachée au run de Grant Morrison ? J’ai du mal à imaginer comment quelqu’un a pu imaginer que c’était une bonne idée, à part le plaisir de voir Xavier et Magneto dans un stripclub (un autre !) le temps d’une scène. Et puis il y a le leader du Hellfire club, Shaw qui est un crypto-nazi incarné par Kevin Bacon. Tous se battent pour exister quelques minutes à l’écran, entre toutes les thématiques, toutes les idées, tout le grand barnum listé précédemment.

Mais si c’était pour faire un gros mix, pourquoi ne pas avoir refait ça, en fait ?

Dire que les effets spéciaux ne sont pas excitants est un euphémisme. Chaque scène de combat, chaque incursion de CG a un goût low coast de film bricolé à l’arrache. Il faut les voir, tous raides comme des piquets, même quand l’un d’eux va mourir en avalant une boule d’énergie. Raide. First Class tente même les ellipses de la flemme, genre fondu au blanc pour éviter de tout montrer. McCoy/the Beast est particulièrement loupé dans le genre tandis que Shaw essaye désespérément de rendre classe le pouvoir d’absorber cinétiquement de l’énergie. C’pasgagné. Heureusement pour le budget SFX, la plupart des pouvoirs ici sont d’ordre télépathique. These aren’t the droids you’re looking for.

Mais X-Men sent le bâclé aussi au niveau du scénario, laissant des failles béantes entre les 26 sujets qu’il essaye de traiter. Par exemple, McCoy cherche à créer un sérum qui le désévolue pour rendre ses pieds les plus normaux possible. Mais il part du principe que ses pouvoirs resteront. Mais à aucun moment notre super savant ne se dit que sa mutation de pieds en forme de mains, c’est précisément son pouvoir, sa super agilité. Clever ? I THINK NOT. Ou tous ces mutants sur une plage, menacés par une armada de missiles tout droits sortis de Robotech. Remember, ils ont parmi eux ce fameux mutant téléporteur Azazel, dans ce film. So, WHY THE FUCK IL NE BOUGE PAS POUR TOUS LES TÉLEPORTER AILLEURS ?

Alors, First Class, il se place où, dans le classement des X-Movies ? Je n’ai jamais vraiment aimé les films de Singer, utilisant les X-Men comme un prétexte à faire ses propres messages sous-jacents moralistes sur ce qui le tient à cœur, à savoir le coming out homosexuel, les méfaits du tabac ou la direction de la banque centrale européenne. Le désastre de Superman Returns donnait la mesure de la limite des super-héros pour ce genre de vendetta personnelle quand on ne comprend pas vraiment le matériel original. Et X-Men 3. Bon, X-Men 3 suxx, tout le monde le sait, bitch, mais au moins, il nous donnait du Magneto psychopathe maboule et destructeur qui fonctionne mieux que le mutant en pleine peine mémorielle qui affaiblit vraiment le gus. Mais c’est comme ça qu’il apparait en ce moment dans les comics, où un épisode sur deux est devenu camp-de-concentration-related. Dans le dernier numéro de mai de X-Men Legacy (n°249 pour les archivistes), il te flashback comment il est allé forcer au suicide un savant nazi. Mais je crois que ça vaudra bien un sujet dédié, ici même, en section comics. Reste que First Class se situe dans le même ventre mou des bonnes intentions, avec ses acteurs relativement concernés.

X-Men : First Class n’a pas vraiment de chance. S’il était sorti dans la foulée des autres X-flicks, il serait passé comme une lettre à la poste, quasiment comme une relecture survitaminée d’Unbreakable. Mais aujourd’hui, les blockbusters déboulent chaque année par paquet de 10 par saison. Il faut être à la fois drôle, fidèle, pertinent, pas trop con et pas trop cynique. Et sexy. Et c’est seulement sur ce dernier point qu’il cartonne avec la même sobriété que la playmate chez feu Collaro Show. Moira Mc Taggert, jouée par Rose Byrne de l’Amour, s’introduit dans le Hellfire Club en culotte, soutif et porte-jarretelles. BEST. INFILTRATION. EVER. Mais ces quelques petits moments jouissifs dans un édifice fragile sont bien là la preuve d’un assemblage maladroit, un produit hollywoodien mutant. Class dismissed.

… ce qui donne plutôt envie de revoir ça en fait…