Des mots inhabituels, si inhabituels que je m’étonne de les aligner ici : Kick-Ass est meilleur en film qu’il ne l’est en comics. Dans sa version originale signée Milar et Romita Jr, c’était une vague pantalonnade qui se dégonflait comme une baudruche une fois l’idée de départ spoliée. C’est à dire dès le début.

Kick-Ass a la prétention de montrer des “vrais gens” qui auraient l’idée incongrue de se déguiser et de jouer aux vigilantes du quartier. Pour s’identifier, le héros est montré comme un looser fini, se branlant devant son ordinateur, inapte au lycée et à sortir de sa médiocrité. La caricature du fan de comics selon Millar. C’est grosso modo la même chose que Wanted dont le héros voix-offait sa loose dès le début “ça, c’est ma nana qui se fait prendre par mon pote sur la table du salon”. Problème, dans Kick-Ass non plus, l’empathie ne se fait jamais. Après s’être fait  son costard, il se fait planter avant de se faire renverser par une bagnole. Dos cassé, deux jambes brisées, un poumon transpercé, pareil pour la rate. On le retapera à coup de plaque de métal un peu partout. De quoi vous clouer au lit à jamais devant Plus belle la vie. Mais pas grave, après six mois, notre héros revient plus costaud que jamais. Dans Kick-Ass, les blessures irrémédiables, les traumatismes crâniens, ça vous rend plus fort. Essayez donc chez vous.

Une ellipse de quelques secondes, le voilà à nouveau dans la rue à tabasser des sauvageons, alternativement des noirs ou des portoricains. Ils sont tous grands et baraqués et sans doute aguerris par des années de street fight, mais bon, tranquille, même pas peur de ce repaire de dealeurs.

C’est là qu’interviennent Hit Girl, une ninja-girl de 11 ans à la langue bien pendue et son père Big Daddy, joué par un presque-subtil Nick Cage. Et c’est pas un petit compliment, la dernière fois que j’ai pu le voir, c’était dans Bad Lieutenant où il faisait le flic toxico qui se tapait des putes sur les parkings et imitait les détecteurs de métaux. C’est à ce moment précis, là, j’ai le doigt dessus, qu’on peut sentir la différence avec la BD originale. Alors que Millar tentait encore de nous les vendre comme “réaliste”, le film s’affranchit de tout ça et nous balance un tandem over-the-top finalement très classique du cinéma d’action. Même pas de vannes de droites qui ont été gommée, ils sont devenus quasi-comiques. Ok, Hit Girl est à la base une pimped version de Juno, elle qui faisait déjà tout pour nous séduire à l’époque avec ses bons mots. Crispant, mais dans l’absolu je n’ai rien contre une fillette ninja qui tranche des mafieux comme dans du beurre. Oh et elle headshot à tous les coups.

Décomplexé de son pitch de départ, elle décapite dans un monde où le recul et la réalisme balistique est un vain mot. Le combat final, c’est maitre Yoda contre Mark Strong (le go-to bad guy d’Hollywood du moment, Sherlock Holmes, Robin Hood, bientôt Green Lantern), du n’importe quoi ponctué par… un jet-pack. Oui, un jet-pack, comme dans Robocop 3. C’est un signe. On n’a jamais assez de jet-pack au cinéma.

Le problème du matos original, c’est qu’il essayait péniblement de faire son malin, à coup de vannes, de cynisme. Le film arrive à se ménager des moments de respiration salutaires. Explication : la BD avait tellement de retard qu’il a fallu improviser la fin, pour le meilleur visiblement. Le héros se fait la belle nana dans la plus belle tradition d’Hollywood. Et un jet-pack. D’une bd de baltringues, on peut donc arriver à un film d’action passable, avec tous les effets clichés un peu déjà vu partout ailleurs. Kick-Ass vient à peine de sortir mais à faire le wannagain 2.0, il est déjà si “2009” dans sa tête.