Après avoir évité le genre dans son intégralité en 2007, j’ai choisi de faire une grosse injection de cette catégorie la plus indéfendable du cinéma français actuel, à savoir la comédie, la bonne, la grasse, celle qui est vendue à longueur de plateaux promo avec “les stars de la télé que tu aimes“. Mais évoquer simplement ces grands moments de fou rire hors contexte, sans recul, ne veut rien dire. Il fallait faire une étude comparée, une triangulation de cette réussite à la française. Voici donc Astérix Vs Disco Vs les Ch’tis, le rendez-vous de la grosse poilade à la française.

Les 3 films ont comme point commun de ne m’avoir fait rire que nerveusement, comme une toux réprimée qui éclaterait d’autant plus fort qu’on y a résisté pendant 5 minutes. Comme un fou rire dans un cimetière, le truc impressionnant mais flippant à voir. Mais entrons dans les détails.

Les ch’tis commence vraiment pas mal, en petit concentré d’intensité humaine à la Poste que tous le monde connait vu qu’on est tous déjà allé chercher un colis soit parce que le mec s’est gouré à la “n’habite pas à l’adresse indiquée”, soit parce qu’il a la flemme de monter un étage voire de passer la porte d’entrée. La Poste, l’entité idéale pour briser vos bonnes résolutions de No More Hate pour 2008. Kad, c’est la star de la télé que tu aimes de ce film. Il tente de gruger le système en se faisant passer pour un handicapé, histoire de se faire attribuer une place au soleil. Manque de bol, le pitre se fait pincer et se fait envoyer dans ce qui lui parait être le trou du cul du monde, le nord. Ca aurait pu être pire, du genre Berne en Suisse, mais bon, va pour le nord. On tient là les bases de ce qui aurait pu être une fabuleuse comédie sociale sur le monde de la Poste (et dieu seul sait qu’il y a des choses à dire sur le sujet) ou même sur le langage (les parties les plus marrantes de la bande annonce, malhabilement placées au début du film ce qui est mauvais signe). Et finalement on tombe sur un autre schéma bien connu, celui du buddy comedy de base. En gros, Kad apprends à parler le chtit à la vitesse de la lumière, devient vite pote avec Danny Boon et puis ce sera la tristesse au moment de partir après un moment de crise. L’argument qui revient constamment pour justifier ce film d’une neutralité bayrouesque et de son succès post-factum, c’est « la sincérité » de l’entreprise, sensée lui donner une street cred’ supplémentaire. Malheureusement, ça ne fait pas rire plus que ça. Tant qu’à faire, je préfère un film cynique et drôle à un produit gentil et inoffensif comme du Palmolive. Attention, ne dites pas que vous n’aimez pas, vous vous exposez aux « allez quoi, c’est marrant » ou aux « vraiment ? T’aimes rien ou quoi ? ».

Disco est un tout autre problème. On se demande vraiment quels sont les tenants et les aboutissants de ce film clonant l’irritant Camping. Ici, la star de la télé que tu aimes, c’est Frank Dubosc. Il nous rejoue ici l’unique rôle de sa vie, le vieux bellâtre lifté, gamin rêveur perdu entre les bisounours et Casimir, si distant de la réalité qu’on a pitié pour lui autant que son personnage. On peut citer son immortelle quote « Benco ? Miam miam » de Camping, et comme dirait Rohff, “Quand t’as dit ça, t’as plus peur de personne”. Cet espèce de jusqu’au boutisme artistique un peu suicidaire n’est pas sans rappeler « Joseph Lubsky », pseudonyme de Patrick Sebastien qui, selon ses propres termes, « est allé jusqu’aux portes de la schizophrénie ». Sans rire… Mais Disco est une œuvre collective digne de Lynch. No shit. Entendons nous bien : pas un rire ne s’échappe de la salle si ce n’est celui de l’incompréhension d’une œuvre qui le dépasse ou alors une exclamation nerveuse. Le coup du cimetière susmentionné, là. Si c’est un film comique, c’est un brillant échec, à la limite de la ruine romantique du XIXème siècle. Mais dans la catégorie « autre », qui va du documentaire à la “Tragédie Grecque tournée à la DV”, c’est surpuissant. Aucun acteur ne semble jouer dans le même film. Ils déclament leurs lignes de dialogues comme du Ionesco ou du Beckett avec un poil de cynisme de ceux qui n’aiment pas les gens. Depardieu, on ne sait pas ce qu’il fout là. Dans ce petit théâtre de l’absurde, Emmanuelle Béart semble être le seul lien à la réalité, la seule qui renvoie un peu la balle aux autres qui jouent seul tout. En bon ovni dramatique, on peut être certain qu’un Disco signé par Kitano ou par un coréen aurait touché au génie décalé. Enfin, la marques des grands films : Francis Lalane fait un caméo, jouant son propre rôle, à fond dans l’autodérision.

Point de bizarrerie discophile ni sincérité chtites pour Astérix aux jeux olympiques. Le moteur de la megaprod est tellement une hypothèse qu’on en pleurerait. On aime tous Goscinny. Tout le monde s’accorde à trouver Udezo seul complètement nul, surtout depuis le suicidaire dernier album (le suicide, constante comique française, voire Disco). Heureusement Forestier et Langmann ont tout compris à la finesse culturelle et populaire de Gosc’. Ca commence donc par un florilège de chute. 3 ou 4 en 10mn. Et là, le fan devrait heureux car on touche vraiment à la substantifique moelle d’Astérix. C’est à peine si on remarque l’absence de la peau de banane, élément indispensable de causticité mais toujours sans entrer dans l’irrévérence politique . Ah Uderzo a été bien inspiré de refuser à Jugnot et au Splendid de faire un nouveau Astérix. Si vous aimez les stars de la télé que tu aimes, ce flim est pour vous. Il n’y a que ça, de l’intouchable aux plus modestes « bon clients des talk show de la télé que tu aimes », une vraie dream team réuni pour ce projet. On se croirait sur un plateau de Fogiel ou d’Ardisson. Et si t’en as pas encore assez, t’as Alice (youhou), Schumacker, Jean Todd qui a surement pécho une ristourne pour une Ferrari pour Uderzo. Mais revenons aux chutes. La première est signé Stéphane Rousseau. Je ne le connaissais pas vraiment, mais il parait qu’il est huge. Dès la toute première scène du film, il perd son équilibre un peu sans raison et laisse tomber son cul dans l’eau.

Ensuite il tombe tout seul, une fois, de manière incompréhensible, comme un narcoleptique éveillé.

Et comme on est dans l’humour de qualité, il se fait foutre à la porte, prestation qui n’est pas sans rappeler l’immortel Angel-A de Besson.

Puis Poolvorde se casse la gueule aussi. Lui, c’est plus une chute naturelle et pas du tout causé par le drame de l’alcool, l’ingrédient indispensable et avoué pour tenir le coup sur ces tournages à structure familiale..

Une fois cette cascade de vannes, véritable menu best of des 20 dernières années d’Astérix par Uderzo, on bascule sur Delon qui joue “à la Dubosc”, mais avec des rides. Le césar amoureux de lui-même, balance deux trois blagues wikipédia pas très drôles (« je suis un guépard, un samouraï, (…) je n’ai peur ni de Rocco ni de ses frères etc »). Et puis comme ce n’était pas assez drôle, il lève les doigts en signe de victoire. Subtile direction d’acteur. Peut-être une référence à l’immortel Chirac du bêbête show « Ecoutez-crac-crac-ta-gueule ».

(moment de cinéma grandiose désormais immortalisé dans le bandeau aléatoire qui surplombe Kamui Robotics, check)

A ce moment là de l’analyse, il faut préciser que le film a été coécrit par deux des plus mauvais auteurs des guignols, ceux d’après l’ère Delepine et Hallin. Précision aussi concernant ce visionnage digne d’un laboratoire pharmaceutique: tout s’est fait sur un DVD russe, avec comparaison avec le divix français pour sentir les frémissements de rire dans la salle, qui évidemment ne s’entendaient pas des masses. Sauf une fois, quand Depardieu fait « youhou », genre Cyrano. Vers les 3/4 du film, ne manquez pas cette cinéphilie appuyée. Roulant sa bosse jusqu’au bout, Astérix 3 va sombrer dans ses derniers instants. Oui, pire encore que tout le film réuni. Débarque Jamel Debouze Theuriau qui n’était pas là de tout ce chouette film. Il s’embarque dans un tunnel d’une quinzaine de minutes avec d’autres guests. Il va tenter de dribler Zizou, passer Tonipi etc. Plus-value comique proche du néant, on admirera la vacuité de ce moment d’un cynisme fou, où toute narration est abandonnée. Le Zéro absolu de cette raison d’être éclabousse tout le film qui déjà a du mal à se justifier tout court. On n’a jamais vu ça. Ils croyaient sauver le cinéma français avec ses stars cochonou et ses millions d’investissements alors que ça pèse rien sur sa balance. Seul point positif quand même, Christian Clavier est ‘achement mieux ici que dans les deux premiers. Et enfin, la marques des grands films : Francis Lalane fait un caméo, jouant son propre rôle, à fond dans l’autodérision.

On en est à choisir le moins pire. Je ne pousserais pas l’expérience plus loin, trop risqué.