J’étais parti avec une envie sûre et certaine, celle de vouloir haïr le nouveau Desplechin. Déjà, Rois et Reines était un amoncellement de prétentions aggravées par la lecture des interviews accordées par le réa (le truc qui peut vous tuer un film, d’entendre parler de Woody Allen, Kurosawa, et puis de voir Rois et Reine). Il y avait aussi Emmanuel Devos en personnage principal (et un des reflexes salutaires de spectateur consistait à l’envie de la noyer tant elle y était horripilante). Conte de Noël s’annonçait comme pareil en pire. En plus la thématique « arguably » à chier de Noël nous donne en général des apartés comme dans la Bûche où chacun livre son traumatisme lié à la fête du petit Jésus qui, on le sait, n’est jamais aussi belle qu’on voudrait bien nous le faire croire.

Dans le mille ! Le dernier Desplechin, c’est tout ça. Amalric est là en mode Desplechin Custom, lunaire, foufou, totalement instable mais foncièrement attachant face à sa mère, Deneuve, qui campe une mère autoritaire et détestable. Elle joue exactement comme on pourrait s’attendre de la voir, une mère fouettarde un peu mégalo, une émulation inversée de la belle du seigneur, tendance Comtesse de Ségur. De toute sa fratrie, Henri/Amalric est le seul qui peut lui rallonger un peu la vie grâce à une greffe. Tout comme sa reum, sa sœur le hait de manière totalement irrationnelle, au point de demander devant un juge « son exil » de la famille. Tout contact avec elle lui était prohibé, jusqu’à ses providentielles festivités où il va un peu foutre le souk avec sa meuf providentielle (Emmanuelle Devos, même pas agaçante mais absolument égotrypé à fond). Le frère d’Amalric, joué par Melvil Poupeau (qui ressemble de plus en plus à Matthew Fox), essaye de faire tampon dans cette bouillabaisse de famille à laquelle s’ajoute les cousins, les maris, les enfants etc…

Ca cite, ça référence, ça parle en ellipse, ca théâtralise la moindre réplique à des cimes de non-naturel. Et pourtant, quelque part, dans ce melting-pot ultra caricatural rive gauche, boursoufflé de références bibliques, entrecoupé par des citations, d’auto-références conscientes d’elles-même, de tragédie grecques et de rap West coast, hé bien j’ai vachement aimé, ce qui m’ennuie car ce n’était pas du tout mon postulat de départ. Rois et reines s’écoutait parler alors que Conte de Noël est un vrai cri d’orgueil, une intéllo-pride à fond les ballons où tout devient signifiant sans y être pontifiant, avec des scènes tout simplement hallucinnante : Amalric qui lit sa lettre, Deneuve/Junon qui traduise l’espérance de vie en équation mathématique quand ce n’est pas pour dire qu’elle trouve sa belle-fille ringarde alors qu’elle est jouée… par Chiara Mastro, sa propre fille. Fuckn’ brillant, mais il faut y aller armé. Le jeu en vaut la chandelle