Quand résonne la musique de Koh-Lanta, on sait que c’est l’été. « hé hay hay oh hay hay oh hééééé ».

Comme beaucoup de gens, je connaissais Koh-Lanta. C’était le show « du coin de l’œil ». Comme beaucoup de gens, c’était les frasques des hurluberlus de type Moundir ou encore de Raphaël l’aventurier sauvage qui s’était cru dans Mission ou en plein Terrence Mallick. Mais c’est vraiment la Saison 5 où l’intérêt a vraiment décollé, grâce à l’opposition entre en flic et le jeune Mohamed. On était presque dans l’impertinence de Strip Tease, mais enrobé parla voix de félin de Denis Brogniart, assenant ses quotes, aussi imparables qu’un sniper. Passé la découverte, cette “non-real tv” (car pas d’intervention du public) s’impose comme le meilleur show à suspense avec 24. Enfin en moins ultime, on n’a pas de chinois qui se font broyer la nuque à la mâchoire, mais ça repose sur les mêmes fondamentaux.

Le casting est fondamental pour une saison réussie. Si l’on déroge à ces règle sans doute écrites dans un cahier des charges strict comme la messe en latin, on peut TOUT foirer. C’est karmique.

Commençons par les natural born leaders. Ce groupe englobe tout les mecs aptes à diriger. Mais attention, comme les slashers au ciné, il y a des sous-genres « en veux-tu en voilà ». Il y a le « vieux roublard » à qui on ne la fait pas. Il maintient sa tribu dans une simili démocratie en prônant le débat participatif alors qu’en fait, comme pour Ségolène, c’est pipo. Ca ne sert qu’à asseoir son autorité sur les autres, façon « je vous écoute, mais on va faire ce que je dis, oké Julien Dray ?». Patrick de l’année dernière était exactement ça, doublé d’un sacré manipulateur. Il traversera toute l’aventure sauf les derniers jours. C’est freudien, on aura droit au meurtre du père, ses padawan l’assassinant irrévocablement aux portes de la victoire. Les natural born comptent aussi parmi eux les flics à la retraite, les militaires recasés dans le civil ou les chefs d’entreprises cool (à ne pas confondre avec LA chef d’entreprise, qui donne des ordres et finit par saouler tout le monde au bout de deux jours).

Sans doute l’image où il est le moins énervant.

A chaque saison, son athlète. Indispensable, il truste le groupe. Grégoire, Christopher, Francois-David etc. En général, ils sont présentés comme « vaillant » « sportif », des mots qui ne sont pas des vains compliments dans la bouche d’un connaisseur comme Denis Brogniart. Le souci, c’est qu’à force de gagner les épreuves d’immunité, ils finissent par énerver les autres, notamment « la mère de famille qui ne gagne rien mais qui a réussi se faire discrète pour ne pas se faire éjecter ». Généralement, il fait une erreur majeure : il arrive sur l’île chaud comme un lapin et essaye de se mettre avec les jolies minettes. Malheureusement, sans bouffer et surtout sans connexion internet, la libido de l’homme se limite machinalement. En général, c’est lui qui a le plus de fans: blogs ou skyblog pullulent, normal, ils sont le “héros type” de l’histoire, le Ryû, le Son Gokû ou le d’Artagnan indispensable à l’identification, mis en valeur par le montage et en général de très loin le plus bogosse. Mythe du bon sauvage dans toute sa splendeur, il fait Koh-Lanta de manière désintéressée.

Il existe aussi la femme athlète, über sportive et motivé. C’est l’élément indispensable pour envisager des duels homme/femme. Elle veut tellement croquer le beefsteak qu’elle se retrouve régulièrement en finale.

Le sympathique Céga a été littéralement foudroyé par la maladie. Un destin à la Dreamcast.

Attention aux faux costauds. A première vue, On se dit qu’ils sont méga balaise, des miracles de la nature mais, comme un film qu’on attendait trop, ils sont souvent des déceptions. Tel le gaulois, ce brawler perd toute sa puissance dès qu’il est privé de potions magiques. Le toulousain qui fait du rugby à Brives avec les copaing se retrouve alité sans sa bonne saucisse quotidienne tandis que le vaillant arabe un peu rondouillard se laissera complètement submerger par la déprime sans le couscous de maman (véridique)

La catégorie « retraité » n’est composé que de cas particulier. Véronique surnommé aussi « à fond la randonnée » s’est pris des boulets de canon parce que c’est une femme célibataire sans enfant à 60 berges +. Les gens sont cruels. Bizarrement, personne ne dit rien devant le fonctionnaire de la SNCF/RATP à la retraite alors qu’il a au grand maxi 56 ans. Visiblement, son service n’a pas reçu le post-it sur la hausse de l’âge minimal pour se casser que lui a écrit François Fillon. Depuis il tue le temps en allant à Koh-Lanta. Quel escroc. En général, cette sous catégorie comprend le « gars sage » qui saura répandre son bon sens sur les jeunes chiens impétueux.

Passons à un sujet passionnant: les femmes.

La jeune fille est en général à voir en début de saison. Elle se fait généralement choisir par les chiens fous pour sa plastique généreuse, ce qui permet aux réalisateurs de faire de beaux « ass shot » comme on dit dans le jargon. Souvent étudiante, elle apporte en général de la bonne humeur et un semblant de tension sexuelle avec les beaux gosses (voir plus haut). Elle se fait généralement lourder dès que les mecs se rendent compte que la libido sans bouffer, c’est moyen et qu’elle ne sert que moyennement sur le campement. Chaque jeune fille qui part, c’est autant de plans totalement gratuits qui disparaissent.

Bonus pas cachés:

Plus collector encore, c’est « la mannequin ». Pire qu’une étudiante, elle ne sert à rien, ce que ne manque pas de rappeler Denis et le montage, heureusement qu’ils sont là ceux là. A part pour bronzer, elle est généralement sur l’ile « pour prouver que les mannequins, ce n’est pas qu’un physique ». Celle là, il faut en profiter, c’est 2 épisodes maxi !

exemple:

Irya, virée deux fois.

C’est à Koh-Lanta que l’expression “une bouche à nourrir” prends tout son sens.

Figure emblématique de Koh-Lanta, la mère de famille (forcément 3 enfants et plus) vient aussi ramper dans la boue « pour prouver à ses enfants que… bah on ne sait pas quoi vraiment. C’est un personnage dangereux car si elle survit au premier écrémage, elle peut habilement se faire oublier et tenir jusqu’aux épreuves finales. Une application efficace du centrisme à la vie de tous les jours !

Enfin, il y a celles qui traversent Koh-Lanta comme des comètes : les chefs d’entreprises, les working girl. A la différence d’un homme DG, elle ne peut pas diriger les gens aussi facilement une fois quitté le cadre de l’entreprise. Ca se passe systématiquement mal et en général, c’est la première à gicler. Mieux encore, vu qu’elle part au premier ou au deuxième épisode, elle a une chance de réapparaitre encore dans l’autre équipe en cas d’abandon, bien fréquent en début de saison. Koh-Lanta est la seule real-TV qui permet l’exclusion d’une même personne, une semaine après l’autre.

Koh-Lanta, un des rares endroits où l’on peut virer un patron deux fois de suite ! Prends ça, MEDEF !

Enfin, aussi indispensable que la saucisse dans la choucroute, c’est le quota ethnique, Laissons de côté les étudiantes et les mannequins (voir plus haut). Il y a évidemment les mères de famille d’origine africaine qui se prendront des « on le cuisine comment le manioc dans ta tribu ? » par une femme se croyant fine. En fait, cet élément identitaire comprend aussi les minorités invisibles telles que « les gars à l’accent du sud ». Ceux là sont recrutés pour leur bonhommie. Dans leur bio, ils font systématiquement la fête au village dont ils sont la star. Très « second tier » par essence, il tient bien la route jusqu’aux derniers épisodes car il réussira à se rendre sympathique de la majorité. Heureusement, « le gars du sud » est sous-titré, tout comme son homologue « du nord », très populaire après les ch’tits. Beaucoup plus rare, c’est le candidat asiatique (aucun depuis Sakohne) et le juif (pas vu pour l’instant).

Mais ils ne sont pas aussi indispensables que le duo noir et arabe. Si l’on fait une statistique des dernières années, le noir est en général ultra sympathique, tendance sourire Uncle Ben’s (“c’est toujours un succès”). Il est soit sportif de haut niveau (un truc d’homme genre foot us) ou alors préparateur sportif, un coach (ce qui permet de caller des ass shot dans sa bio, malin). Ca lui confère une aura qui lui permet de diriger facilement ses troupes. Tips si vous voulez participer : se mettre dans son équipe ou celle du militaire, c’est la garantie quasi certaine d’aller au moins jusqu’à la réunification des équipes. Le candidat arabe est choisi généralement pour sa bipolarité valeurs+grande gueule. Les coups de colères les plus fous, c’est lui. Il est l’entité garantissant le Zapping pour 10 ans sans parler des liens Youtube. C’est systématique. Comme il est joyeux et chaleureux (insérez images de fêtes avec la famille), il se met bien avec “le gars du sud”.

“Kate, we have got to go Back!”

Chaque année, de jolies blessures.

Tout comme les JT, Koh-Lanta a ses marronniers : la glace où l’on se regarde après des journées à rien bouffer, la séquence des lettres de la famille (écrite deux jours avant le départ du gonz), et les inévitables feux de camps chapeautés par la statue du Commandeur postmoderne, Denis Brogniart et ses chemises à poches d’aventurier. Il te regarde avec les yeux à la Clint, un peu dompteur de lions. Chacune de ses phrases est là pour te rappeler qui est le maître du jeu. Pour lui tout est crucial, déterminant, chaque acte est « héroïque » ou bien au contraire « pas très fair play ». La star du show c’est lui, son timbre se répandant sur la moindre séquence.

Une séquence sur deux, le professeur lève son doigt au ciel.

Le fonctionnement de Koh-Lanta est simple, il réutilise les ficelles de l’actionneur blockbuster, sur l’identification probable avec un des participants. Il n’y a que le sacrifice final évoquant aussi bien les rites KKK (la photo du candidat flambe, les torches etc) que Sa Majesté des Mouches. Après tout, les candidats luttent pour récupérer un « totem » qui, tel la conque, doit les rendre « invulnérable ». Cela nous permet d’avoir de magnifiques saillies de type « je vote contre lui car ce n’est pas un pur rouge » et autres métaphores xénophobes, sans même s’en rendre compte.

Mais sans toutes ces règles absurdes, rien ne tiendrait en place. D’ailleurs à propos de règles, c’est sans doute elle qui font que Koh-Lanta est encore une real tv : une manière de scripter le quotidien. On parle de rule bending : un camp manque de bouffe, paf, on leur balance un sac de riz avec un participant de réserve. Tous les moyens sont bons. Une équipe devient trop forte ? Paf, par miracle, une équipe mal partie a le droit de piocher chez l’adversaire (au hasard, le black ultra baraque). Le petit monde de Koh-Lanta, au casting méthodiquement respecté mais évoluant chaque année nous offre des bons moments de nawak. Les trahisons sont les plus courantes, mais c’est quand elles sont les plus folles qu’elles deviennent réjouissantes. Mes préférés : quand les candidats, seul ou en groupe, refuse le système. N’oublions pas qu’il est filmé par une équipe, almost 24/7, qui elle, bouffe à sa faim et qui est en plus payée. Le candidat malin qui comprend la machine et arrive à s’arracher du déterminisme des scenarios et des castings. Les moments de ruptures, de la petite intervention de « la prod » à la mythique « chèvre à la machette » (c’est beau comme du La Fontaine !) à celui qui s’abstient de faire de commentaires ou un autre qui fait un baroud d’honneur envers et contre tous, tout ça représente les petits éclairs de naturel dans une machine à entertainer le public TF1, quelque part entre le pathétique, le brillant et le naturel, un vrai romantisme décalé et décadent.

Ouais, ça non, trop nul, on zappe.