Valse avec Bachir aurait pu être un de ces dessins animés moches et tristes sur la guerre comme on en a déjà vu pas mal. Mais sa construction habile autour de la réminiscence d’un soldat (le réalisateur), de la manière dont il a refoulé les massacres de Sabra et Chatila. D’emblée, on va écarter le propos ayant pour trait l’animation. Lui ouvrant les portes d’un public beaucoup plus large (la plupart des spectateurs de Bachir venu de la japanim’ ont-ils jamais vu un seul film en hébreu de leur vie ? Paf, dans ton ouverture), il s’exclue néanmoins de toute formulation documentaire pendant 2 heures, jusqu’à ce que des images d’actualité interviennent, tout comme dans « le cahier » (film irano-afghan sorti cette année, critique à venir ici quand y’aura le temps). La durée, parfaite compte tenu du contexte de la lutte pour recouvrir la mémoire, rend encore plus douloureuse cette claque du retour à la réalité. Ari Folman, le réa /auteur/personnage principal, part à la recherche de ses compagnons d’armes, désireux de faire la lumière sur des cauchemars qui le hantent depuis qu’il a servi au Liban.

Une critique revient régulièrement : certains (vous savez, ces discussions de fin de soirée où le ton monte un peu) y ont vu une tentative de dédouanement de Tsahal. Ce qui ne m’a pas l’air d’être le cas. Au contraire Ari, tout comme dans Beaufort, évoque son impuissance, lui et celle de ses camarades. Que le procédé d’Ari, réel ou pas, importe peu, il a absolument le droit de s’autofictionner. D’autre part, j’ai pu constater ce refoulement, processus un peu extrême mais classique chez les survivants des tragédies des soixante dernières années. Des horreurs que les gens de fin de repas ne se rendent pas forcément compte. On est puceau de l’horreur comme on l’est de la volupté. Envoutant jusqu’à l’hallucination, cette fameuse « valse », instant d’envoutement et sans doute un des plus grands moments de films de guerre panthéiste depuis Thin Red Line, Valse avec Bachir avance consciencieusement avec une vraie pâte Mallickienne doublé d’un vrai discours politique remettant en cause l’efficacité de Tsahal. Contrairement à de nombreux pays, c’est de l’intérieur qu’Israël se critique, comme une réponse à un pouvoir politique inanimé. Le contraire de Valse avec Bachir, une critique d’un genre nouveau. Bravo.