Wreck-it Ralph, “Les mondes de Ralph en vf”, commence par une réinvention jouissive du jeu vidéo comme mythologie. “Qu’arrive-t-il aux héros de jeux vidéo quand on ne les incarne plus ?” Pour répondre à cette question, Wreck-it Ralph se la joue Toy Story : tout un monde parallèle prend vie dès qu’on ne regarde plus les personnages. Les héros des bornes d’arcade se donnent rendez-vous dans un hub gigantesque, une récré où tout le monde est ami. Un début étourdissant comme seul Pixar savait les faire, et cette fabuleuse image de ces petits mercenaires du plaisir qui soufflent enfin à l’idée de ne plus avoir à faire semblant de mourir pour quelques pièces enfournées dans une machine.

Je me souviens m’être fait la réflexion en voyant le superbe générique de fin de Wall-E. Dans une grande fresque mélangeant de nombreux styles artistiques, tout âge confondu, les animations en pixel art prenaient la relève. Passer après un medley de Egypte ancienne, Grèce Antique, impressionisme, pointillisme était une manière de plus de reconnaître le pixel art comme un courant artistique légitime… et aussi pour Disney de se l’approprier. Dans le jeu vidéo, tous ou presque s’y soumettent, car qui ne voudrait pas être de la fête ? Mario, Sonic, Street Fighter, Pac-Man, même Q*Bert est là pour encaisser quelques vannes. Même… allez, pas de spoilers. Et quand il n’y a pas les licences officielles, on fait en sorte que ça ressemble beaucoup à Halo ou à Mass Effect. Ralph est un film-monde avant tout pour les trentenaires nostalgiques, les hardis vingtenaires du néo-rétro et puis les gosses. De ce point de vue, on a l’impression de regarder enfin “ce” film que des générations de gamers attendaient après s’être enfilé des fadasseries comme Resident Evil. Ou pire. Avec Ralph, on est fier.

Mais le problème de Ralph, c’est qu’il en assez d’être un méchant. Un boss de fin de niveau. Malgré sa thérapie de groupe d’un fatalisme hilarant, il quitte son propre jeu, Fix-It Felix Jr, vieux jeu d’arcade rétro Donkey Kong style pour aller chercher le bonheur et la reconnaissance ailleurs. Panique, sans antagoniste, le jeu est défaillant. Il bogue et se voit menacer de se faire retirer du circuit. D’une mise en abîme du jeu vidéo, le récit retombe sur des rails connus: Ralph est un bourrin maladroit qui casse tout sur son passage mais qui heureusement va devenir meilleur au contact de Veneloppe, une rejeté d’un autre jeu vidéo.

Malheureusement, Wreck-it Ralph souffre du même “défaut” que la majorité des productions Pixar et Disney récentes. Et par défauts, il faut aussi comprendre que les Pixar restent largement au dessus du lot, malgré quelques bonnes surprises comme dragons.  Mais ce défaut, c’est de balancer tout au début pour terminer d’une manière si conventionnelle qu’elle décevra. C’est vraiment une constante. Wall-E, mélancolique film post-apocalyptique muet se décharne dès qu’on commence à y parler. Up ! monte tout en haut des cimes de l’émotion, fait chialer dès ses 5 premières minutes pour finir avec des chiens qui pilotent des avions grâce à un os manche-à-balai. Même Brave / Rebelle nous fait miroiter un film féministo-viking avant de finir comme un buddy movie mère-fille. Une fois que Ralph atteint le monde de “Sugar Rush”, un clone de Mario Kart, la moitié du film devient si rose-bonbon qu’on en a mal aux dents. Si mièvre que toute la J-Pop du monde ne suffirait à décrire ces sucreries bubble-gum.

Attention, une heure de buddy-movie avec Ralph (merveilleux John C.Reilly, et François-Xavier Demaison en V.F, pas d’avis) et Veneloppe (Sarah Silverman) est une idée géniale. Mais ce n’est plus le film promis par le hub de jeux vidéo qui sert d’envers du décor. On ne voit finalement que trois jeux et beaucoup de kawaiiries roses bricolées en pain d’épice, comme pour s’excuser de plaire aussi aux filles. C’est dans cette partie qu’on entend des blagues via de douteux placements commerciaux sur les Mentos plongés dans le Coca Cola. Plus de retour en arrière, le schéma de la camaraderie des derniers succès de Disney se met en place et tout devient plus classique. “Sweet”, c’est le mot qui vient à l’esprit.

Trop d’AKB48 tue la JPOP. Néanmoins Ralph est de très loin le meilleur Disney de l’ère Lasseter, très Pixar dans sa manière de proposer un monde alternatif. C’est un film où Sonic fait la morale. Où Zangief se pose des questions sur le pourquoi de l’être méchant. Et c’est aussi un film sur un gros balaise qui casse tout en donnant des coups de poing. Fine by my book.