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Prometheus
May 29th
Prometheus occupe d’emblée un créneau très spécifique dans le monde du blockbuster, celui au mysticisme exacerbé. “Pourquoi la mort ? Pourquoi les robots ? Et qui sont les dieux créateurs de toute vie ?” Et d’aventure, si le grand public se fait chier avec toutes ces considérations, Ridley Scott lâche la badasserie qu’il faut: Idris Elba avec un putain de lance-flammes. Le doudou transitionnel dont j’ai besoin.
Et on ne voit pas assez de choses aussi bien qu’un Idris Elba au cinéma, le seul noir suffisamment classe pour jouer avec brio un dieu asgardien.
Prometheus est à Alien ce que l’iPod est au walkman, une version “streamliné” du même sujet, avec une touche de Blade Runner. Mais il faut voir ce design massif, suprême, presque stalinien des vaisseaux, de la grotte. Ouais, une grotte, un vaisseau et c’est tout, un vrai hui-clos qui n’est pas sans rappeler le passage du “hatch” de Lost. Ce n’est pas un hasard, c’est la touche Lindelof, co-showrunner de Lost, co-auteur de Prometheus. Mais tous ces mystères, ces bas-reliefs sur les murs qui n’ont finalement pas tant d’importance. En fait, a-t-on vraiment besoin de ces films “Special Origin”, de savoir tout ça, de lever toutes les parts d’ombre comme pour La Planète des Macaques, l’année dernière ? Je crois que je me fiche complètement de savoir pourquoi il y a des bestioles dans l’espace aussi surement que de savoir à quel moment l’intellect des singes a surpassé celui de Morandini.
Ridley avait clairement autre chose en tête qu’une bête genèse mais en profite pour revenir à sa spécialité. Du pur Ridley des années 80 qui, 20 ans avant Buffy, imposait l’image d’une femme ultra-forte. Dans Prometheus, son héroïne fait front ce qui permet d’inclure une de ses scènes les plus incroyables depuis Alien, avec une fantastique Noomi Rapace qui tabasse, quand le reste de l’équipage fait de la figuration dans la grande tradition du space survival .
Ridley, j’adore le répéter, a 75 ans au compteur. Son style, c’est “directeur d’acteur” alors qu’il passe son temps avec des films avec de grands espaces, de l’héroïsme féministe ou au contraire turbo-viril. Prometheus, c’est un blockbuster où il ne se passe pas vraiment grand chose, où les mecs scrutent de vieilles inscriptions sur les murs et où Fassbender joue un robot intrigant mais tout habillé (son meilleur rôle). Ridley est vieux. Il a un bout de métal dans sa jambe. Il a déjà produit un des plus beaux films de l’année. Je crois que j’aime Ridley parce qu’il nous rappelle qu’on peut toujours créer quelque chose de pertinent à un âge où d’autres ne sont obnubilés que par leur prostate. Le père awesome qu’on n’a jamais eu.
Robin Hood
May 14th
Ce que j’aime chez Ridley Scott, c’est que c’est un vieux qui réalise des actionneurs. Bientôt 73 ans, le mec. A cet âge là, les vieux cherchent à vivre en Suisse ou un quelconque endroit chiant du globe. Ridley, il ne profite pas de sa retraite. Tous les 10 ans, il te balance un film qui repose les bases de son propre genre, l’Histoire sous testostérone.
Tous le monde (ou presque ?) est d’accord pour dire que Gladiator a réécrit la charte du cool qui en excluait les films de glaives avec mecs en jupettes. Moins léger, moins luisant, le gladiateur de Scott avait enfin le droit d’être sale et traumatisé tout en trucidant du lion dans l’arène. Unleash hell, tout ça. Il a airwolfisé le genre.
Ce “Robin Special Origines” s’intéresse à une période peu classique du canon traditionnel. De son retour de croisades au début de la clandestinité, il fait de lui le parrain et mentor de la Magna Carta. Un rôle de Martin Guerre, bien lourd et profond, zones de gris inside. Bref, tout qui justifie la torse-nudité de Russel Crowe vers la moitié du film. Russel convient parfaitement au schéma Scott qui a besoin d’un mec viril, tourmenté, drôle mais sans traces d’émo. Kingdom of Heaven, qui n’est finalement qu’un prélude de ce Robin Hood, n’avait que trop souffert de son Orlando Bloom. Mauvais choix de gus rendu évident par les scènes de de speach bien viril pour motiver des milliers de soldats condamnés à une mort certaine. Avec Russel, pas de soucis, l’autorité couillue, elle est dans la place, quitte à rajouter facile 80 kilos à l’archétype Errol Flynn. Prends-en de la graine, Orlando.
Mais il ne serait rien sans quelques seconds roles charismatiques. Un bon actionneur, ça tient à des némesis forts, et là, il y en a plusieurs. Mark Strong sort une exquise compo d’arrogance qui se la joue faux-français (ouais, c’est justifié par le scénario). Template du bad guy british réutilisé à tout va par Hollywood, 2010 est son année (check Sherlock Holmes et Kick-Ass). Rajoutez des mecs ultra-charismatiques à la Jeremy Irons, ici ce sera William Hurt. Superbe. Mais il faut toujours un vieux érudit charismatique de 173 ans, doté d’un permis shakespearien, mais qui meurt généralement le temps que sorte le film. Coup de bol, Max Von Sydow emmerde les superstitions et joue justement un des meilleurs vieux plein de sagesse du ciné d’action aux côtés d’Oliver Reed, Alec Guiness, Lawrence Olivier et Sean Connery.
Heureusement qu’il y a un paquet de français, délicieusement fourbes comme il se doit. Spécial petit rôle à Denis Menochet, le français du début de Inglorious Basterds. Et heureusement, Léa Seydoux a suffisamment de screen time pour nous faire oublier Cate Blanchett. Bon. Cate. Faudra qu’on m’explique. La preuve irréfutable qu’elle est en train de se formoliser : tous s’accordent à dire que c’est une actrice sans faille sans jamais pouvoir namedropper un seul bon film. Ok, c’est exagéré mais vraiment, Robin revient dans un pays qui s’est littéralement fait émasculer après des dizaines d’années de guerres et de croisades. Un pays de meufs. Et il chope Cate Blanchett, vraiment ?
Bourré d’anachronismes qui feront la joie des wikipedistes, Robin Hood ne réinvente même pas son propre genre. Sa structure linéaire le rend assez binaire, slashé comme d’habitude par le montage abrupt d’une prod Scott. Il se contente de dérouler un programme qui plaira aux amatrices de pecs’ et aux fans de grand bruit. Cheval blanc, masse à la main, Robin ne tirera que peu de flèches, lui préférant une recherche pas méga subtile du père de substitution, une catharsis sans problème pour Russel, habitué aux chefs d’œuvre tourmentés du genre Master & Commander. De l’entertainement qui sent bon la cotte de mailles. Mais le vrai sujet du film, c’est Ridley Scott, l’inventeur du director’s cut, qui démontre qu’il n’y a pas de fatalisme dans la vieillesse. Cheers.
Rien que pour ça,et parce qu’il ne se la coule pas douce en Suisse :
Kingdom of Heaven
May 17th
Ridley Scott revient à son style majeur depuis Gladiator, la grosse machinerie façon grosses trompettes derrière. Kingdom of Heaven nous téleporte à Jérusalem, à l’époque des croisades, à un moment assez peace & love. D’ailleurs, tous les personnages sont gentils. Les seuls méchants (qui provoquent une guerre, niark niark qu’ils sont méchants) sont caricaturaux au possible. Sinon, tout est là. Il faut du vieux charismatique. Toujours. Il faut une fille européenne, on l’a aussi (l’absolument sublime Eva Green).Et chose bizarre, ce seront des “gentils” qui finiront par se taper sur la gueule. La chose qui manque vraiment, c’est un méchant crédible. Et comme d’habitude, l’unité linguistique (Troy déjà, tout le monde en anglais…) est horripilante. Même les arabes parlent entre eux en anglais. Il manque sans doute l’aspect épique de Gladiator, à coup de super monologues de Russel Crowe. C’est quand même un bon film de chevaliers quand même, où l’on ne sent pas trop le photoshop lors des scènes de batailles (ce genre de détail me fait carrément sortir de ces genres de films). Le montage est toujours un peu hasardeux, toujours à la Gladiator, mais a le bon goût d’expédier l’amourette à une vitesse hallucinante. Et en même temps, malgré tous ces petits défauts, Ridley Scott sait insuffler de l’intelligence et de l’efficacité dans ses plans. Il a une espèce de bon goût évident, des tentatives d’élévation de débats. Faire co-produire un tel film par Fox, avec tout le côté subversif sous-jacent, c’est gonflé. Du cinoche pas parfait mais quand même assez haut de gamme.
Com-Robot