Pauvre maman. Dès la première image, on la voit déjà perdre les pédales, à danser dans un champ toute seule. Cette mère se donne corps et âme à sa quête. Un soir, une fille est retrouvé morte. Pour la daronne, aucun doute possible. Son fils Do-Joon, certes borderline demeuré, n’est pas le meurtrier que tout accuse. Pour les flics expéditifs, l’affaire est entendue. La mère va entrer en croisade à la limite de l’autodestruction pour rétablir la vérité et innocenter son gosse.

Mother tombe pile poil pour clore en apothéose une décennie de power movies made in Corée. On ne sait pas si cet âge d’or continuera, si des boulets de canons d’une telle intensité continueront à nous arriver dans les dents.

Comme ses précédents films The Host et Memories of Murder, le Mother de Bong Joon-ho est le résultat d’un spectacle total, surfant sur différents genres sans jamais vautrer. C’est quand même énervant, cette réussite arrogante, alors que le cinéma français s’y viande systématiquement, son ambition artistique maintenue en vie par quelques rares perles (hello, un Prophète).  Merde quoi, les coréens, ils étaient encore en pleine dictature y a pas si longtemps, et maintenant, c’est les rois du MMORPG et du cinéma de très haute qualité.  Pire. C’est le syndrome Pixar : t’as l’impression qu’ils font ça les doigts dans le pif.

Sur mon DVD de Memories of Murder, Bong Joon-ho n’a même pas son nom sur la jaquette. Sans déconner. Injustice pour le génie qui en trois films s’est construit une œuvre à part (mais presque normal quand tu vois que la vanne récurrente du moment, c’est d’essayer de prononcer le nom du réa de la Palme d’Or 2010, vraiment trop drôle, les mecs). Dès cette première scène de danse écervelée dans les prés (j’y reviens), tu comprends que Bong fait déjà le bilan de son propre style. Il joue avec. Cette mère groove de manière comique dans une prairie (motif de Memories of murder). Elle est une marginale (The Host) et va pousser son enquête contre vent et marée face à la flicaille incompétentes (re-Memories). Et puis il y a ce gout pour les paumés et les asociaux, parsemés par des éclairs d’une violence inouïe. On te parle d’une maman, là, quand même. C’est sa fête. En un instant, un seul plan, le coréen te fait basculer de Freud à Bagdad, dans ce bled paumé où tu peux te faire tuer parce que t’as rayé une caisse.

La toile de fond vaguement familière, finalement, Bong Joon-ho s’en tape (mais c’est pas un hasard si ses deux seuls films précédents soient des classiques des 2000’s, cités en référence par pro et amateurs). Il nous fait un truc radicalement différent, en jonglant comme d’habitude entre les genres. Critique sociale, polar, drame, grotesqueries, émotions pure, on a tout, en parfait équilibre. Massif. Il te fait tout basculer en un plan, d’un coup de génie bien senti. Et ça marche. Malgré toutes les zones de réflexion, les fausses pistes purement polar, et la boue, Mother reste limpide et pertinent. Un exemple parfait de cinéma exigeant et ultra populaire, à la Hitchcock.

Les médias te survendent tellement l’expression “film coup de poing” (coucou, Enter The Void) que quand t’en as un devant toi, un vrai de vrai, t’es pas toujours fichu de le comprendre. Mother transforme la volonté inébranlable d’une mère en tank cinéphile. Rien ne l’arrête. Brillant. En 3 films, ce mec prouve que c’est un authentique génie.

Tu vas me demander comment fait un film pour être aussi bien sans coups de pied sautés ? Check la séquence à 0’15 de la bande annonce.

Rien que cette séquence mérite que je ressorte le label qualité maison: