Parmi mes 3 DVD achetés cette année, un seul était un film : Memories of Murder, par Joon-Ho Bong, son génial réalisateur dont le nom, scandale suprême, ne figure même pas sur la jaquette du DVD. Oui, il y a juste marqué « commentaire audio du réalisateur ». Démerde-toi avec ça. Mais ne cherchez pas plus loin, c’est LE nouveau réalisateur de ce siècle, le premier à avoir marqué de sa pâte les genres qu’il touche. Memories of Murder jouait déjà au funambule, opposant une enquête policière ultra codifiée à d’autres styles. Parfois burlesque, souvent tragique, politique sans jamais devenir pamphlétaire, Bong réussit un petit miracle d’équilibre qu’il reproduit aujourd’hui avec The Host, un film de monstre, genre par excellence. En général, la norme veut que les trente-quarante premières minutes du film servent à se poser, le temps de mettre en place la situation, vazy qu’on te montre un bout d’œil de la bête. Ici, la situation est dégoupillée au bout de 2 minutes. Tout le monde court dans tous les sens. Le « streum » est dans la place, écrabouille et bouffe des gens. Le film va donc s’attarder sur autre chose, la vie d’une famille de paumés, des laissés-pour-compte de la reprise coréenne. Un patron d’un snack bar pourri, son fils (Song Kang-Ho alias le meilleur anti-héros du cinéma, rien que ça), et ses frangins. La fille de notre Tchao Pantin sauce Kimchi est enlevé par la bestiole. De son côté, l’état essaye de contrôler au mieux la situation en créant une psychose. La famille de pieds-niquelés va donc essayer de retrouver la petite dernière par eux même. Des scènes jouissives se succèdent, le tout formant une boucle, jusqu’à l’inévitable assaut final, grand moment de guérilla urbaine, dantesque, un vrai souffle révolutionnaire. C’est la première fois qu’un genre d’apparence aussi “série Z” que le film de monstre arrive à toucher tous les genres, du burlesque au tragique, allant toujours là où on ne l’attend pas mais sans jamais se cramer les doigts. Memories of Murder était un constat historique, The Host est une vraie prise de position, cinématographique et sociale.