Black Swan
Le méta-commentaire, c’est cool, mais jusqu’à une certaine limite. Et en général, il devient carrément plus agaçant en point final, le pinacle du message lourdingue métatextuel d’autosatisfaction du réalisateur. Le dernier bien gravos dont je me souvienne, c’était Brad Pitt qui te regarde face camera dans Inglorious Basterds pour te dire “I think this just might be my masterpiece“. Et peu importe si tu aimes le film ou pas. Faut une certaine dose de couilles et/ou d’inconscience et/ou de confiance pour se quitter là-dessus (surtout dans ce cas, sur un délire pitché comme “le film de guerre que j’ai toujours rêvé de faire et qui a nécessité 10 ans d’écriture et de réflexion”).
Donc (ce n’est pas un spoil) Black Swan s’achève sur la même autosatisfaction metatextualisé du réalisateur, s’exprimant par son actrice. As-tu été parfaite, Portman, comme tu le dis crânement ? J’ai tellement vu de films où Portman jouait si mal, que l’idée de la voir exister pendant deux heures, de dos, caméra au poing (déjà utilisé dans The Wrestler), lui fait plutôt honneur. Même si cela se voit assez clairement qu’elle n’est pas danseuse pro. C’est un peu le syndrome que j’appelle “le petit chinois de AirBender“. Où ils ont pris un petit babtou, lui ont rasé la tête pour faire plus chinois et lui ont collé un coach de kung fu. Ca peut faire illusion mais pas assez longtemps. Mais sans rire, elle s’est donné du mal, c’est du cinoche et qui fonctionne sans donner l’impression de basculer dans la “brochette fromage” de la danse.
Nathalie, ce n’est pas ton jeu subtil qui t’a rendu célèbre.
Là, Aronofski ne te rend pas service de ce coté là, filmant ta gueule larmoyante camera embarquée comme dans Wrestler (le chef d’œuvre d’Aronofsky, pas reviewé ici par manque de temps mais très haut placé dans mon cœur, un éclair de génie inégalable et improbable après Fountain devenue la matrice de sa dernière production Fighter, review prochaine ici, évidemment). Mais son jeu s’accorde la dichotomie un peu simpliste mais presque habituelle du réa. Déjà, Requiem for a Dream osait aller loin dans les parallèles neuneus. “L’addiction de la came, de la tv, de la bouffe, tu vois, fiston, même combat”. Black Swan a le mauvais gout de cette psychologie pour les nuls qui joue à la shock value. Le blanc, le noir. Le tout avec les miroirs, des tableaux qui bougent de manière ringarde, rien ne nous est épargné en effet kitsch, aucune forme de subtilité. Les plumes qui sortent du dos. La transformation physique. Et puis les petites voix qui chuchotent qui ne sont pas sans rappeler les E.T d’X-Files. Seriously, quoi…
Mais tout ce mélange de Freud pour les noobs est heureusement transcendé par Vincent Cassel dans un rôle fonce-dé, variante du mafieux du génialissime Eastern Promises, où il fantasmait sur Viggo Mortensen. On se moque souvent de Cassel, de son jeu estampillé Rivières Pourpres, mais là, il fait son taf. Regardez un peu son langage corporel, ce mec ne fait jamais rien au hasard. Et puis Mila Kunis, meilleure amie officielle de Google Image, elle est tout simplement… enfin depuis Forgetting Sarah Marshall… elle est intestable.
D’ailleurs, en y repensant, au tout début du film, elle fait une toute petite apparition, flippante, dans le métro. Elle sort une station avant et arrive en retard. Malveillance salope ou erreur consciente, cet instant bizarre et pourtant totalement banal montre à quel point Black Swan aurait mieux fonctionné en restant dans la sobriété plutôt que jouer aux feux d’artifice “m’as-tu-vu” du film schyzo, ce que d’autres (Bug par exemple) faisait beaucoup mieux, en tout point de vue.
Le bon Aronofsky, c’est Fighter, mais on y revient bientôt.
Print article | This entry was posted by Kamui on 13/03/2011 at 02:03, and is filed under Cinématographe. Follow any responses to this post through RSS 2.0. You can leave a response or trackback from your own site. |
about 12 years ago
J’aime bien la petite phrase: “Même si cela se voit assez clairement qu’elle n’est pas danseuse pro.”
C’est comme si tu écrivais un fan hate mail à Portman: […] Tu comprends, Natalie, je suis un connoisseur, moi, et ça se voit très clairement que tu n’es pas danseuse pro. Quoi, tu es une actrice? Ça n’excuse rien, tu aurais pu devenir une danseuse pro en préparant ton rôle. D’ailleurs, tu joues comme une saucisse. Bon, sauf dans ce film.”
N’empêche que son corps semble tout dédié à la danse, de la pointe des pieds jusqu’au chignon strict. Et qu’il est admirablement filmé par Aronofsky, autant les moments de danse que la violence physique et sa progressive destruction.
Et puis, dire du bien de l’interprétation de Mila Kunis, que je n’aurais pas été étonné de voir comme méchante tentatrice dans un téléfilm du regretté label Hollywood Night (seigneur, cette scène de lesbianisme ridicule), c’est très Airwolf comme point de vue.
Sinon, ouais, le côté “je me masturbe sur mon génie” n’a jamais été étranger au cinéma d’Aronofsky, la dichotomie est lourdingue, les effets pour faire peur sont faciles, Tchaïkovsky est massacré par Mansell, le rôle de la mère manque de légèreté, mais la décharge émotionnelle a été telle pour ma pomme que je lui pardonne tout, à Darren. D’ailleurs, je l’aime d’un amour fou et je me caresse en me délectant de ses films. LA BOUCLE EST BOUCLÉE.
about 12 years ago
“l’auto satisfaction meta textualisée” dont tu parles ne passe pas seulement par l’actrice mais pas le réal lui même qui a la grand classe de conclure son film sur des applaudissements alors que son nom apparaît sur le générique de fin.
Il y a de l’humour chez Tarantino même s’il n’a sans doute aucun sens de l’auto-dérision. Aronof est d’un sérieux papal, et pompe sans vergogne “Perfect Blue” et “Les chaussons rouges” sans avoir la fantaisie pop de Satoshi Kon ou l’idée de produire un cinéma total comme l’appelait le duo Powell / Pressburger. Son film est sinistre tout en étant fondamentalement bêta; et même sa façon de filmer la danse est petit bras (il n’y en a pour ainsi dire pas, dommage car la séquence d’ouverture était assez impressionnante).
Et puis Portman… cette petite chose souffreuteuse arborant la même et unique expression pendant tout le métrage, les yeux embués de larmes regardant vers le ciel pour que quelqu’un lui tende les bras… J’étais géné pour elle (mais c’est moi qui ait tort vu tous les honneurs qu’elle reçoit !), de la voir se faire humilier par un cinéaste sadique qui n’a pas aucun autre projet si ce n’est de flageller son perso principal en ricanant et en se délectant de ses petites névroses sexuelles cheapos.
Quand je pense qu’on reproche à Lars Von Trier son sadisme vis à vis de ses personnages féminins, mais au moins lui à un imaginaire incroyable rendant les choses plus complexes qu’il n’y paraît de prime abord (bon je ne parle pas ici de “Dancer in the Dark” !).
Aronof lui a le coeur sec et l’imagination dans les ballerines.
Nicolas
about 12 years ago
Plus j’y repense (à BlackSwan) et plus j’ai du mal. Heureusement que je n’ai pas écrit ça maintenant, il aurait 1, plus label mélanchon.
Mais je comprends que ça marche.
@Nick : bah écoute, j’ai revu Natalie dans No String attached. Ou Sex Friend. Je crois qu’elle est pour beaucoup dans le côté lénifiant du film.
(tu noteras que je t’ai emprunté petite chose souffreteuse pour Fighter, le vrai bon arono sans aronof dedans.