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Ca y est. On y est. Après 4 articles et beaucoup d’heures de visionnages, voici ce qui fut pour moi le summum du pire, la consternation assurée des comédies de l’année 2012. Tonight, we dine en enfers.

Du numéro 25 à 21

Du numéro 20 à 16

Du numéro 15 à 11

Du numéro 10 à 6

 

Le futur du pire de la comédie française en 2013

 

5. Bowling

Ce n’est pas la première fois qu’on croise un prétexte social dans une comédie cette année (voir les Seigneurs). Voici le grand capital et ses mecs en costard-cravate avec des têtes de notable qui veulent fermer une usine ou une institution. Et seule une victoire à une compétition de badminton, de Rubik’s Cube ou de bilboquet pourra sauver ce petit monde forcément aussi gentil que le village des Schtroumpfs.

Avoir le logo “basé sur une histoire réelle” est un plus. Bowling est tellement basé “sur une histoire vraie” que les comédiennes gardent leur vrai nom durant le film. Mais ce qui ne pose pas de problème pour Catherine quand il s’agit de Catherine Frot devient tout de suite plus problématique avec Mathilde, la vaillante sage-femme… incarnée par Mathilde Seigner.

Attention, mode “prétexte social” activé: la petite maternité où elle travaille est sur le point de fermer, faute de budget. Et seule une victoire au tournoi régional de bowling pourrait changer tout ça. Comme quoi, ça ne tient pas à grand chose, un hôpital… Quelques quilles, des strikes et voilà.

Le plus triste dans Bowling, c’est que Mathilde Segnier a l’air tellement impliqué dans son rôle, elle a l’air tellement d’y croire, à son téléfilm réalisé comme Louis La Brocante… Frot a beau nous jouer sa particition classique (mais agréable) de la bourgeoise DRH de la ville qui s’encanaille à jouer au bowling avec les ploucs, on est jamais très loin du facepalm absolu du genre, “Ma part de gâteau” de Klapisch.


 

4. Les infidèles

En sortant des infidèles j’étais outré. “Pire film de l’année”. Finalement non, il y a eu pire et rien que cette idée me fait tressaillir.

Pourquoi donc cette indulgence soudaine, alors qu’on entre dans le pire du pire de la comédie française ? Parce que dans un film découpés en segments, il y a toujours du pire. Et le meilleur nous vient du passage réalisé, comme par hasard, par Michel Hazanavicius. Laurent, coincé dans l’enfer des parkings et des halls d’hôtels à quelques kilomètres des bretelles d’autoroutes, va et veut tromper sa femme. “Ah tiens, on voit aussi le parking depuis ta chambre, bien !” dira Dujardin dans ce petit quart d’heure, sans doute le meilleur rôle de sa vie quand il n’est pas dans le pastiche. Attention, aussitôt vu, aussitôt oublié, on repart dans la grosse gaudriole lamentable.

Les infidèles est le petit frère, beauf, de L’amour dure trois ans. Où la rencontre de l’amour était déjà signifiée par un zoom sur une paire de seins de la meuf de la météo, c’est dire le level. Avec son cousin “Les petits mouchoirs” dont ils s’échangent les acteurs comme de chemises, ils sont le reflet d’une certaine consanguinité du cinoche français, où l’on se filme en vacances, sans aucun souci de pognon. A ce propos, le sketch de la crise de ménage est assez indicatif. Purement gadget, un couple méga bourge se déchire sur fond de “allez, tu m’as trompé ou pas” jusqu’à ce que les rôles s’inversent, montrant un peu plus le jeu limité du couple Lamy/Dujardin. Comme un air d’archi-déjà vu.

Dans une ambiance décontractée du gland, les consternantes non-trouvailles des sketchs font passer le Collaroshow pour un moment de subtile analyse de notre société face à la lâcheté dans les relations humaines. Guillaume Canet, cosplay UMP en avant, va balancer un chien qui rongeait une capote laissée par son aventure d’une nuit. Le vieil orthodontiste s’amourache d’une petite étudiante avant de rentrer, piteux à la maison. D’ailleurs la plupart des sketchs se terminent par un retour à la normalité piteuse, par le mec un peu honteux qui revient voir maman après avoir niqué ailleurs. Comme dans les Petits Mouchoirs, finalement.

Jan Kounen a réalisé un segment entier qui au final a été coupé. Trop violent, trop atypique dans un projet à la tonalité générale “assez réaliste”, “une copie copie proche de son univers”, projections test, finalement nos deux cage-aux-folleux wanabee décident de ne pas l’intégrer à l’ensemble final. J’aime plutôt Kounen. Je ne sais pas si ce passage aurait pu sauver cette embarcation du naufrage idéologique. Mais il est certain qu’au bout d’un tunnel de conneries grasses, de consternante beauferie auto-affirmé, il ne pouvait pas lui faire de mal.

L’assemblage consternant se termine par Gilles Lelouche qui sodomise full frontal son pote Dujardin. Et comme ils ne savaient pas quoi faire de leur gags, les lurons se sont dit qu’ils allaient pousser le truc à fond et se transformer en turbo cage-aux-folles. Car finalement, on ne peut pas s’enculer sans paillettes autour. Lamentable.


 

3. Dépression et des potes

Aux commandes, Arnaud Lemort, à qui l’on doit le terrifiant “L’amour c’est mieux à deux“, sans doute un des plus mauvais films que j’ai jamais vu dans ma vie. Mais hé, donnons lui sa chance, ce coup ci, il vole en solo, sans l’aide de Farrugia, trop occupé sans doute par Hadopi.

Dépression et des potes, un titre mensonger. Dans cette tentative de feel good movie pour mecs, il n’y a pas des masses de potes mais surtout encore moins de dépression. J’ai conscience que le spleen, le vague à l’âme soit quelque chose d’assez compliqué à jouer mais c’est clairement hors des cordes de Fred Testot, beaucoup plus à même de jouer le botaniste fou champignaquesque de la piste du Marsupilami. Décidément, c’est son année, Fred, alors il accepte tout.

Enfin, je ne sais pas ce qu’il joue, par moment je me dis qu’il est en train d’imiter un de ses propres sketchs où il joue le déprimé, à vrai dire, j’en sais rien, mais il n’y a pas de souffrance, juste de l’hébètement. Heureusement, autour de lui se regroupe sa bande de potes-clichés. Le juif, le boute-en-train, l’homo refoulé, dont le refoulement vient comme un cheveu sur la soupe, surligné au stabilo au détour d’une scène. On se tient le bide devant tous ces stéréotypes qu’on croirait tiré d’un magazine féminin.

Le running gag, c’est qu’un de ses potes vanne un autre parce qu’il utilise des expressions “vieux jeu”. Ne comprenant pas son sujet, avec des comédiens totalement clueless jouant des personnages qui ne comprennent même pas entre eux, Dépression et des potes se dresse comme une apothéose de la balourdise ignorante. Le cancre 2012, c’est lui !


2. Mince alors !

Voici une jolie histoire qui va nous démontrer de manière incontestable qu’on peut être heureux en étant gros et grosse. “Car derrière ces bourrelets il y a un cœur qui bat” semble vouloir nous susurrer à l’oreille “Mince Alors !”, dernière idée mise en scène par Charlotte de Turckheim qu’on avait vu aussi nulle que… l’année dernière, dans La Croisière. Déjà deuxième en 2011. Voici donc encore un pseudo-film”féministe” qui donnerait même aux femmes l’envie de tabasser des nanas tellement il est nul. Et je dois dire, pour une parfaite transparence, que je suis allé dans la gueule du démon, à une projection publique “en présence de l’équipe”, ce qui normalement devrait transcender l’expérience. Enfin j’allais voir le film qui s’attaque de front à ce problème de société qu’est l’obésité, la chirurgie esthétique et les thalassothérapies car dieu seul sait que ces sujets attendaient leur “2001, l’odyssée de l’espace”.

Et en toute honnêteté, Mince Alors ! n’est pas aussi nul que la Croisière car il y a deux minutes de Legitimus qui nous fait du “gym matin”, comme à la grande époque de la télé des inconnus. Mais à part ça..

Nina (Lola Dewaere, la fille de, oui oui) est un peu gourde, elle est devenue trop grosse à force de boire des tchaï thé latte et de bouffer du cheesecake. Gourde au point de craquer sa jupe en pleine réu importante. Son jules, sympa, lui offre un séjour en thalasso pour se remettre d’aplomb et pour qu’elle puisse à nouveau rentrer dans du 36. Pendant ce temps, son jules va se taper sa secrétaire super canon (Pauline Lefebvre). Et là, je peux te jurer quand c’est arrivé, la salle s’est émue au point d’huer et siffler le méchant infidèle. Bouh et sifflement.

Ignorant qu’elle est cocue, Nina va y faire la connaissance d’une fille très obèse (qu’on peut voir dans le trailer de Vive la France de Michael Youn, une nana qui balade sa tête très Groland de film en film) et de Victoria Abril en avocate refaite et assumée. Quelques destins s’entrecroisent comme cette fille dont le petit frère est en fait c’est son fils qu’elle a eu très jeune, mais tu vois, les gogols en province n’arriveraient pas à comprendre. Suivent des blagues consternantes qui ne font que cacher en fait un mépris plus fort. Car il faut comprendre “gros” comme “pauvre” et tout le propos devient limpide. C’est des thalassos low-cost, representés comme un meeting plouc.

A la fin, Victoria Abril explique qu’elle utilise des escort-boys et en propose à ses copines. Dernière image du film, deux héroïnes sur trois finissent donc par avoir recours à du sexe tarifé. Mais là, bizarrement, le public de la salle n’a pas été choqué, pas un seul houuu. C’est la morale de l’histoire: leur amitié ne les a pas fait maigrir, elles se sont juste payé des putes pour changer de classe sociale. En payant pour le cul, elles sont devenues un peu plus riches. Un film abject, de la même couleur que la boue qui sert aux masques d’amincissement.


 

1. Nous York

“Ça ressemblait à des vacances, sauf qu’on faisait un film” confesse Manu Payet.

No shit, Sherlock. Nous York est précisément cela, un film de vacances filmé qui essaye de cachetonner sur le succès de “Tout ce qui brille”. Mais le film de vacances, on l’a vu avec Les petits mouchoirs”, c’est le paradigme du film de droite, de l’entre-soi bricolé de manière vulgaire.

Le propre du film de vacances, c’est aussi de ne pas avoir d’histoire. Bingo ! Dans Nous York, il n’y a pas plus d’un pitch. Trois potes quittent leur banlieue pour aller rejoindre Samia qui vit à New York pour son anniversaire. 5 minutes plus tard, ils sont avec elle et le film se retrouve donc sans aucune direction, ne sachant pas quoi faire décapité dès le début. J’ai l’image d’un cadavre de poulet acéphale qui remue encore, là.

Comment vont-ils meubler le reste ? Bien jouer ? Difficile quand on a pas de plan ni de texte. Ils sont tous diablement mauvais. Ils vont donc… passer du temps à New York. Et c’est tout. essayer d’imposer quelques blagues débiles comme running jokes.

  • D’abord l’arabe qui parle mal anglais et rajoute un “To” avant ses “The”. Je ne sais pas si c’est pour canaliser la non-puissance de Debbouze dans Hollywoo, mais on va se le dire en vérité, les gags basés sur le fait qu’on parle mal une langue, c’est jamais drôle. Alors des dizaines, bon dieu, c’est honteux. On a envie de le baffer, tellement c’est débile.
  • Des blagues juives. Enfin pas comme celle de Woody Allen, pleines d’esprit et de bon sens. Non, c’est la version Low-cost et chalala. Loin de l’universalité de l’humour juif, des répliques comme “Si je veux devenir feuj, il faudra que je me fasse une permanente ?” me file un frisson de honte qui ne s’estompera peut-être jamais.
  • L’autre gag est aussi pensé comme le Djobi Djoba de “Tout ce qui Brille” mais il est assez déconcertant de nullité : quand il ne se passe rien, pour aucune raison, ils se sautent dessus en hurlant “Obama !”. Qui est le génie qui a cru que c’était un bon gag ? Sérieusement ?
  • Enfin, comme dans tous les films qui se veulent un peu “autre chose”, il y a une séquence d’homo refoulé qui arrive tellement gratuitement qu’elle pourrait tout autant débarquer en parachute. Pourquoi les comédies se sentent obligés de faire ça, elles se loupent toujours. Voir “Les petits mouchoirs“, l’autre film de vacances référence qui nous signifie son contentement derrière son nombre d’entrées démentiel.

Mais à vivre à NYC pendant une semaine bien trop longue, ils n’ont bientôt plus d’argent, les pauvres. Alors il faudra squatter des lofts luxueux, des palaces et surtout des apparts avec vue panoramique sans que cela soit vraiment justifié, réduisant d’ailleurs la ville à un rôle purement décoratif. Toujours vu de haut. On a jamais vu la ville aussi mal filmée d’aussi haut. Parfois des séquences de tristesse sont programmés avec musique semi-indé, aussi prévisible qu’une playlist iPod qu’on a fini par connaitre par cœur. “Tout ce qui brille” avait aussi cette fascination du vide et du vain. Ici le rien est poussé à son maximum, à tel point qu’il est étourdissant. A la fin, ils réussiront à repartir grâce à de l’argent miracle. Car finalement, l’important, c’est l’amitié et la famille. 

Nous York se voulait une néo-comédie branchée mais c’est un consternant film de vacances qui n’a absolument rien à raconter, insultant pour ceux qui se sont déplacés pour voir ça et embarrassant pour tout ceux qui y ont participé.



Ca y’est. C’est fini !

 

Quelques stats:

Deux suites, deux adaptations de BD, une adaptation de  format court TV

L’acteur le plus représenté dans ce top est Fred Testot

L’actrice la plus présente est Géraldine Nakache

Derrière, Omar, Joeystarr, Dany Boon, Patrick Bruel & Ramzy.

17 films sont réalisés par des mecs hommes, 8 par des femmes.

 

J’en profite pour remercier tous les copains de leur soutien, de leur tapes dans le dos avec un “c’est bien de te sacrifier pour nous”. Je remercie Amandine, Pascal, Puyo et puis aussi ceux avec qui je suis vraiment allé au cinéma. Il y a eu Matthias, Matthieu/the Boulap, Kwyxz et surtout Hugo a.k.a @toutestneutral, tu aimeras probablement son article sur les affiches de one-man-show, je le sais.

Allez, rendez-vous, même bat-chaîne, pour je l’espère, quelque chose de différent.

 

BONUS: Le bêtisier Les chutes

Voici quelques uns des films que je n’ai pas retenu.

Il était une fois une fois : Mon camarade de jeu Hugo m’avait assuré que c’était le pire du pire de ce qu’il avait vu cette année. Un casse dans un hôtel de luxe avec des belges. C’est vrai que c’est nul, tous ces mecs qui jouent aux belges. C’est vrai aussi que ça craint de pas avoir recruté le vrai Damiens au lieu d’en trouver un plus jeune et moins bon. Vraiment, pas grand chose là-dedans.

Wrong : Du pur Quentin Dupieux, le meilleur rôle d’Eric Judor. Me gusta mucho mais peut-on appeler ça un film français ?

Chercher Hortense : La Bacrixsploitation à plein tube. Il est comme un lapin mécanique, tu tournes la manivelle, il est parti, il grogne. C’est pas mal hein. Juste rien de très nouveau.

Ducobu 2 the sequel : Hé, ho. Une fois, ça va. Ils sortent tous les ans, sans déconner ?

Nos plus belles vacances : “Philippe Lellouche, qui sont-ils, quels sont leurs réseaux ?”. Pas vu, mais le dude a déjà sorti un autre film début 2013, là, avec Vincent Perez.

Do not disturb : un remake (d’un film indé US, Humpday), un pur film de commande, ça m’intéresse donc moins.

Populaire : un shônen (comprendre un film avec un héros et des tournois) sauf qu’on se rend compte à mi-film que tourner des meufs qui tapent à la machine, c’est un peu limité cinématographiquement.  Nicolas Bedos qui joue le némésis (donc lui-même) est assez rigolo mais rien de mémorable. Ah si, Romain Duris, tout propre, a l’air de s’être lavé pour le rôle.

Un bonheur n’arrive jamais seul : Gad Elmaleh en pauvre (comprendre dans un loft de 50m² avec vue panoramique sur Montmartre) tombe amoureux de Sophie Marceau, une riche divorcée “it’s complicated“. L’idée, ici, c’est de pasticher gentiment toutes les comédies sentimentales early XXème siècle. D’où l’absolue absence de soucis de pognon. A un point inimaginable: l’ex de Sophie Marceau, riche entrepreneur, offre à Gad son rival, une comédie musicale sur Broadway, New York cité, t’as vu, pour le tenir éloigné. Une comédie musicale. Tout simplement. Over 9000 à mort.

Télé-gaucho : par le réalisateur du Nom des gens. J’y suis allé en confiance. Malheureusement, ce n’est pas tant une comédie qu’une reconstitution des premières télé pirates, de Télé Bocal et de toute cette génération Bip Bop. Et puis y’a Maïwenn dedans, tu sais que tu vas pas te marrer. Ca hurle beaucoup, ça pose énormément, que du très décevant.

Comme un Chef

En fait, je comptais l’intégrer, celui-là, et puis finalement non, y a d’autres trucs mieux / pire. Basculons dans une dimension parallèle pour voir ce que j’en aurai dit:

“Comme un Chef”, car je sais que ce dont tu as le plus envie dans le monde, c’est de voir Michael Youn et Jean Réno dans une seule et même comédie. Comme un chef puise dans le succès et la médiatisation de la cuisine et des tops chefs pour nous sublimer l’humour aussi surement que le capuccino de saumon et la terrine de langouste. J’ai souvent été cruel avec Jean Réno parce qu’il ne joue plus la comédie. Il ne se donne même pas le mal. D’ailleurs, a-t-il un jour essayé ? Mais, là, je ne l’ai jamais vu aussi appliqué, à tel point que c’est Michael Youn, dans son rôle de candide béta qui essaye de faire le show sans trop comprendre ce qu’il fait. Au fond, je suis persuadé que Youn a un vrai talent qu’il faudrait canaliser, comme Eric et Ramzy (rien ensemble cette année). Ou peut-être non, justement, il ne faudrait pas qu’ils se retiennent. Une fois qu’ils sont dans un chemin jalonné, comme ici, ils perdent énormément de saveur, ils sont avalés par la machine. Comme cette comédie.

 

Allez, c’est tout.

 

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