Une journée assez riche en découvertes. Le léger footing matinal m’a permis de remarquer la cage du molosse qui garde le domaine fait tout le tour de la propriété. Quelqu’un qui tenterait de s’y introduire serait irrémédiablement chopé dans une espèce de cage étroite. De plus, les médors en question ne rigolent pas, même après plusieurs passages, ils m’aboient dessus de plus belle. Le petit chien de W m’accompagne durant quelques foulées, trop content de trouver un sparing partner aux foulées aussi petites que lui. La neige s’enfonce à chaque pas, avec ce petit son si agréable, signe de fraicheur.. Mais le froid qui frappe comme une lame quand on court sur route dégagée n’est pas des plus agréables. La sueur mets du temps à venir.

Retour à Moscou intra muros pour aller rencontrer le cousin germain côté maternel. A vrai dire, je ne savais même pas qu’il en restait. Cela peut paraître banal pour les gens aux familles nombreuses, mais pour une famille nucléaire comme la mienne dont une poignée de représentants se sont éparpillés dans le monde, ce n’est pas si courant de se trouver des cousins. Attention, je me rends bien compte de la phrase pompeuse que je vais taper, mais ma tribu a été frappée par les deux plus gros fléaux du XXème siècle, le nazisme et le communisme. Pour peu qu’elle soit courtoise, rencontrer ces nouveaux larrons est généralement assez intéressant… Micha a retrouvé la piste de mon grand-père il y a quelques années maintenant et, par conséquent, a pu remonter jusqu’à nous. Il vit dans un coin que je ne peux absolument pas resituer dans ma mémoire.

Les immeubles de Moscou se ressemblent généralement beaucoup et il faut jouer avec sa mémoire pour bien différencier les styles staliniens ou brejnévien qu’on aura trop vite fait par résumer par HLM. L’architecture de Moscou est plus complexe que ça. On peut presque situer l’équivalent d’un quartier latin, un « La Défense » en construction, un Forum des Halles, une rue Montgallet etc…

(note, j’utilise quelques photos d’immeubles faites les autres jours pour illustrer un peu)

Arrivé enfin devant, il me semble le reconnaître d’après photos. On me présente sa fille Alexandra, qui, comme le veut la tradition diminutive des noms russes, est appelée Sacha. Me refusant à employer ce nom pour elle, je lui lance d’un ton impératif « pour moi, ce sera Alexandra » (les précautions orales de courtoisie russe étant pour moi assez relative, mais j’aurai sans doute l’occasion de revenir à la linguistique…) Mais voilà, on vient de me présenter une cousine éloignée, qui serait techniquement une tante me fait remarquer W. Elle est grande, très jolie et s’intéresse aux arts martiaux. J’ai compris qu’elle occupait un chouette poste dans une société américaine, ce qui fait que son anglais doit être à la hauteur. Je n’ai pas compris ce qu’elle faisait spécifiquement (faut dire que la Russie, enfin l’URSS était quand même plus simple quand tout le monde était plus ou moins menuisier ou inspecteur de placard). Pour les curieux, elle est même plus que belle et a, paraît-il, entrepris une formation de mannequinat, pour échouer simplement pour une histoire de taille. Nous montons dans l’ascenseur, absolument incroyable, double panneaux, derrière un grillage. (J’adore les ascenseurs à grillage !) Arrivé à l’’étage, on trinque (heureusement pour la première fois de la journée). On parle un peu avec ma cousine, comparons nos styles martiaux, et là, paf, la découverte : elle a un piercing sur le ventre. Elle a un style ultra travaillé, un jean qui rendrait démodé tout les « Dieseleries » d’Europe, et un haut joliment choisis. Ses ongles rouges et noirs trahissent un petit goût fun ou goth, au choix. Nous mangeons une nourriture ouzbek au restaurant qui, à ma surprise, sert du porc. Personne n’avait l’air de s’être posé cette question, visiblement incongrue. W me dit qu’en gros, « ils s’adaptent ». Le trinquage reste modéré, à peine 4 verres de vodka. Micha nous lance « maintenant, on est vieux et on a fait tout le boulot pour se retrouver, maintenant à vous de continuer ». Il a raison, on s’échange nos mails, en n’oubliant pas de l’inviter à Paris.

Sur le chemin, je discute avec W, sur le prix des choses et principalement de la police. En gros la Russie est passé par toute les étapes occidentales, juste en plus expéditif. Le flic (aussi appelé « poubelle » en argo) faisant la circulation a payé son droit d’être sur le terrain, quelque chose comme 10000. Il devra reverser une partie de ses bakchichs à ses boss à chaque somme récupérée. Après avoir remboursé son droit du bitume, il gardera tout en bonus. Tout les gens plus ou moins importants à Moscou arrosent les autorités pour s’assurer une espèce de rideau d’influence, juste pour avoir la tranquillité. Les flics ont aussi une tradition des règles, oui, comme celles des filles. Ils se décident de verbaliser systématiquement un type de délit durant le même mois. Ce sera au pif, les excès de vitesse un mois, un manque de visibilité de la plaque minéralogique (la saleté des routes fait qu’une bonne moitié des plaques des bagnoles est illisible) ou encore l’alcool au volant, interdit à 100%. Et ainsi de suite, chaque mois. Une des particularités de mon hôte est qu’il est visiblement honnête, contrairement à plein de gens de ce pays. C’est le système qui impose de contourner ses failles pour y survivre, mais lui le dit franchement, il souhaiterait que la Russie rentre dans la classe supérieure. Une cousine. Avec un piercing. Faut que je m’y fasse.