C’est sans doute la journée la plus exténuante à chroniquer, grâce ou à cause d’une visite de Moscou by night. Pourtant elle aura commencé en douceur, en regardant le film ?????? (Zhmurki, la roulette russe) d’Aleksei Balabanov, avec notamment Mikhalkov.

2 mafiosos dans l’ère post-perestroïka galèrent pour des histoires de came à ramener à leur patron (Mikhalkov justement, sous coke et déguisé en Michou/Pascal Sevran, ce qui paraît-il était très hype il y a 10 ans). C’est grosso modo un Reservoir Dogs slave, assez violent mais toujours très comique, reposant quasi exclusivement sur ses acteurs qui font virevolter les répliques racistes, bêtes et méchantes. Bien reconstitué, la Russie d’alors est un mélange entre Desperado et Mad Max, un monde semi-anar’. Zhmurki propose une vraie vision ironique d’un moment de l’histoire d’un pays déboussolé, partagé entre son envie de rebondir et de presser le citron tant qu’il est encore temps.

Quelques croquis et retour en ville, rencontres avec quelques rédacteur en chef de magazines locaux et enfin (!) premier accès à internet. C’est alors que débarque N dans les bureaux. Ou plutôt elle déboule, furibarde de ne pas avoir pas obtenu la note parfaite à son examen. Pour les non-initiés du système scolaire russe, la notation se fait sur 5, ce qui laisse une marge d’espérance pour toucher à la perfection. Une fois la colère dissipée, on fait connaissance. Cette très belle étudiante en psycho de 17 ans a du chien. Elle bouge, parle et évolue dans l’espace avec l’assurance d’une femme beaucoup plus mûre. La glace rompt facilement et on se trouve pas mal de centres d’intérêts communs et sa culture pétillante, doublée d’un légère touche pop/goth fait que le courant passe très vite. Elle incarne vraiment cette fille russe sublimée et instruite dans toute sa splendeur, fidèle à l’image entretenue par la diaspora de l’Intelligentsia russe en France et ailleurs. Elle est passionnée d’art, il est décidé qu’elle fera ma guide demain.

Elle nous accompagne au restaurant avec W. Encore une fois, on est en plein bling bling russe, où en faire des tonnes devient un style en soit. Cette fois ci, ce sera un restaurant italien vraiment somptueux.

Petite balade imprévue dans Moscou, à travers un coin qui serait l’équivalent du quartier latin. La bonne idée, c’est de s’aventurer dans les cours intérieures, dans les allées, la ville étant presque traversable “à vol d’oiseau”. En fait, c’était l’occasion de faire quelques clichés plus ou moins expérimentaux.

Virée nocturne avec W qu’il serait trop difficile de résumer, ne serait-ce que par manque de repères. Généralement, les mots récurrents dans la bouche des hommes sont « et pourquoi pas ? ». Fric et cul se mélangent dans ce continuum, sans honte et sans limite. Entre le sexe de réconfort ou les relations entretenues, le libéralisme sexuel est bien plus accepté en Russie. Cependant, autrefois, cette relation de pouvoir était juste caché, à l’image du scélérat Béria, qui, anecdote de la soirée, s’enchaînait les prostitués qu’il faisait liquider ensuite suivant sa satisfaction. La soirée se termine comme elle a commencé, en discussion sur le passé et l’avenir du pays. Une forme de patriotisme mélancolique est perceptible dans le léger trémolo dans la voix, comme si un parfum de ruines fumantes d’une ville bombardée embuait les yeux et plongeait le coeur dans de la nostalgie. La discussion est brièvement interrompue par un flic qui fait souffler dans le ballon. Le taux est ici de 0g, pas un seul verre d’alcool, comme pour mieux racketter les automobilistes de quelques centaines de dollars. La Russie est un élève qui aurait sauté les premières classes et qui, depuis, redouble sans arrêt, bloqué à la porte de la grande école. Le pays attendrait juste un conseiller d’orientation compétent.