Cinématographe
300
Mar 19th
L’adaptation des œuvres de Miller continue, enfin celle qui date d’avant qu’il soit devenu fou. Ca fait maintenant quelques années qu’il a un fusible qui a lâché, basculant dans une paranoïa d’anar de droite. Son Jésus et son Batman Vs Al Quaida (pas encore sortis) font autant flipper que son Batman qui veut faire bouffer des rats à Robin pour « l’endurcir ». Il fait désormais du comics humaniste, mais à couilles. Son positionnement sécurito-humaniste à la con le placerait sur le créneau Chevenemento-villièriste. 300 version papelard, à l’époque, était une fresque beaucoup plus neutre (très fortement inspiré de 300 spartans, le péplum de 1962), où la sexualité était implicite entre les soldats qui arboraient tous une nudité frontale. L’adaptation ciné leur a collé un slip en cuir improbable. Le roi Leonidas part donc avec 300 gonz surentrainés se battre contre les envahisseurs perses devant lesquels il a refusé de se soumettre. Sa femme attend son retour. Dans le bouquin, elle a un rôle incongru, du genre « reviens chéri, je te préparerais des cookies pour ton retour », là, elle mobilise tout Sparte, lutte contre un traitre envers sa patrie (rajout). Toute la Grèce aura été bricolée sur blue screen. Les ninjas barbares turkmènes aux noms d’envahisseurs de X-Or se jettent sur le mur implacable des spartiates qui les envoient valdinguer comme dans un jeu vidéo tout en alignant les catchlines de la bédé, habilement foutues dans la bande annonce multi-youtubisée. Pour bien adapter du Miller, il faut y aller de manière forcé, parfois non-subtile, over-the-top. Paradoxalement, le meilleur film à la Miller était jusqu’à présent Gladiator, avec les répliques too much de Maximus face à la guerre ou dans l’arène, une recette remixée ici à la sauce hard rock. Plus c’est fou et radical, plus ça marche. Légèrement mis à mal par son amourette à la noix, 300 vole haut-la-main le titre de film de geek du moment, absolument irregardable si on a plus de 35 ans ou qu’on ne sait pas comment se lit une bd, tout en se permettant d’être bien moins con et guimauve que Troy. Le coup de génie, c’est quand même d’opter pour un écossais avec un pur accent du cru pour jouer un chef de guerre grec. Tellement gros qu’on est dedans. On aurait presque envie de s’engager.
(A ne pas manquer, le générique de fin qui reprend des passages clefs de la bd de manière assez somptueuse avec des couleurs à la Varley.)
Rocky Balboa
Mar 16th
Rocky est probablement la meilleure série de films de samouraïs américains. 6 films, tout comme Baby Cart, qui raconte grosso modo le rêve américain des années 70-80, le mec venu de rien, qui s’est fait tout seul, par la force de sa volonté. Derrière son côté binaire grandguignolesque, Rocky, c’est une manière d’écrire les films comme un rise & fall sur fond d’entrainement musical. Les non-sportifs ne connaissent sans doute pas ce nirvana que l’on peut atteindre lorsque l’on se dépasse, que les jambes courent toutes seules, dans l’abandon absolu, que le corps n’est plus que l’extension de l’esprit libéré, le Ki maitrisé. Rocky, il a ce Ki. Il veut nous montrer une dernière fois dans une espèce de jouissance intense façon bushidô moderne, que, ouais, il en a encore sous la pédale malgré son nez refait et ses yeux à peine ouverts. C’est donc dans une certaine jouissance que Balboa remonte sur le ring, avec le rictus du vieux qui montrer au jeune que le moteur tourne encore, comme Zidane que tout le monde croyait cramé. Bonheur. Stallone en fait des tonnes avec sa tête de « Schtroumf victime », Bill Conti remixe ses grands airs, le noir n’est même pas suffisamment méchant pour être détesté comme à l’époque, mais qu’importe. Rocky Balboa, c’est le meilleur film des années 80 de 2007.
Le Soleil
Mar 13th
Sokourov poursuit avec Le soleil, sa thématique des derniers jours de règne de dictateurs. Hirohito a l’air un peu con, tout seul, perdu dans son palais triste, où ses serviteurs sont encore à ses pieds alors que le monde a changé. Lui-même devient un progressiste, il essaye de s’habiller tout seul. Filmé avec la DV du week-end, avec un mixage sonore incertain, c’est l’anti-biopic par excellence, sans pic, mais sans réelle tombée dans le caniveau, juste l’histoire d’un demi-dieu qui découvre que toute sa vie est un mensonge. Matrix made in 1945.
2006, baby.
Le pressentiment
Mar 10th
Un film sans aucun rebondissement, à l’image de Darroussin, comme une espèce de bruit de rivière qui coule au loin. Darous’ en a raz le bol de sa vie confortable dans un chouette quartier de Paris, alors il décide de prendre le métro, 30 mn, jusqu’à un quartier un chouia plus prolo mais rien d’un coupe-gorge non plus. Un parisien vous dirait que de toute manière, vu le prix de l’immobilier en expansion dans l’ensemble de la capitale, ça ne change pas des masses, mais quand même, parfois des gens pissent dans la rue là-bas, faut pas croire. Le pressentiment est un film entièrement centré sur son acteur / réalisateur et son angoisse métaphisique. Il réussit bien son coup, le bougre, transmettant une mélancolie assoupissante.
2006 bientôt bouclé.
The Departed
Mar 1st
Le cinéma en Ying et Yang, il n’y a vraiment que les chinois qui arrivent à s’en sortir sur péloche sans sombrer dans un certain ridicule. Eux, ils y vont à fond, over the top, sans se poser de questions. Hollywood va essayer d’y donner de la cohérence, une espèce de logique interne, comme s’il fallait expliquer rationnellement pourquoi Columbo devient toujours le meilleur pote du coupable au début de chacune de ses enquêtes. Autre point important, faire le remake d’un film qui n’a pas 10 ans, c’est nul. Vraiment. Scors’ s’est donc creusé les méninges pour trouver donc un angle original pour cinéphiles: Jack Nicholson, qui nicholsonne à tout va. Il joue exactement comme dans Two Jakes (croute mineure de sa filmo à rallonge, mais où le bougre sortait des quotes de folies du type « écoute bébé, arrête de me faire chier avec tes conneries et montre-moi ton cul que je te baise ». C’est ce qu’on vient voir, un show d’un vieux roublard du cinoche de papa, cabotin comme un Clavier sous coke. L’histoire reste inchangée, à un détail près : pour rendre ce scénar ubuesque (la marque de fabrique des asiats, n’oublions pas l’invraisemblable Old Boy) un peu plus « plausible ». Rappel : un gus de la police, DiCaprio, tout en retenue et en froncement de sourcil, infiltre de la mafia pendant qu’un gars de la triade, ici Matt Damon, rejoint les keufs, on y croit. La version américaine parachute une psy dans l’histoire qui se trouve être la nana du dit Damon mais qui se fait des 5 à 7 avec Caprio, comme par hasard son ex-patient. Un hasard cosmique, voire Lelouchien ! Et le tout dans un sérieux hallucinant, traits tirés, entrecoupé par des morceaux d’actors’ studio sous exta (on est gêné pour Baldwin). La sauce a vraiment du mal à prendre et on se demande ce que Scorsese est allé foutre dans une histoire de mafia de plus, un sujet dont il a largement fait le tour tout au long de sa vie.
(2006)
Puis vinrent les oscars. On peut y voir comme la faillite d’une institution qui décerne un prix à un grand qui cachetonne en filmant un remake d’un film chinois vieux d’une poignée d’années. Mais voilà, fallait bien lui en filer un. A peine produit, hop, on réadapte. A quoi ça rime ? Il y aura un 2. On est triste pour le vieux.
(2007)
Black book
Feb 27th
Verhoeven, ou Paulo pour les intimes, n’a jamais fait dans la subtilité. Pour bien faire passer son message, il prend un stabilo cinématographique. L’histoire de cette juive hollandaise qui infiltre les occupants nazis donne lieu à une prestation d’actrice grandiose mais totalement jusqu’au-boutiste. Ok, il faut bien faire comprendre que la libération n’est pas tendre avec celles qui ont couché avec l’ennemi, mais fallait-il lui balancer une marmite de caca pour que cela soit plus clair encore ? Verhoeven déploie tout son maniérisme fripon, en nous la montrant plein cadre, splendide, mais aussi humiliée ou simplement en train de se teindre les poils pubiens, full frontal. Les bons ne sont jamais tout à fait bons, certains envahisseurs ont une bonne âme, “au fond”. La binarité ambiguë de Verho atteint même des sommets de gratuité dans ses dernières minutes. Vraiment dommage car sinon, ça se tenait bien.
Sooo 2006.
Ne le dis à personne
Feb 24th
Le film all-star du polar français dans la mouvance de ceux qui veulent faire à l’américaine avec toujours ce quelque chose qui manque. Déjà on a François Cluzet, l’action movie star du pauvre. En France, il y a un vivier dingue pour ça : Clovis Cornillac, Jean Reno lorsqu’il est de passage, José Garcia, etc. Du lourd. C’est peut-être ça qui fait tout le côté touchant de cette affaire de conspiration classique : Cluzet ne ressemble pas à Cruise, Vin Diesel, Matt Damon ou Will Smith. C’est littéralement l’incarnation du « boy next door » à la française. Le pinacle du film, c’est cette course-poursuite à pied où il se vautre la gueule méchamment sur le béton. Un accident banal qui trahit le dilemme du film, perdu entre film à la ouanagaine, gratin du ciné francais multi césarisés et l’improbabilité affolante du suspense face à sa conventionalité mordante. Ne le dis à personne est un triple saut, clopin clopan, qui passe les minima sans se forcer alors qu’on avait la matière de faire un bon saut en longueur.
(2006)
The Holiday
Feb 22nd
Du cinéma comme on en bricole des kilo tonnes, et pourtant celui ci a son petit angle à lui, pas trop con. La blonde est dans la vie une tripatouilleuse de bandes annonces. Elle entend dans sa tête cette voix caverneuse qu’on entend dans tous les trailers d’action movie, « coming soon ». Sa vie est un pitch. Bien entendu, il y a une histoire d’amour pour justifier la thune des jeunes femmes qui iront le voir : elle échange sa maison avec une anglaise pour les vacances. Elle rencontre Jude Law dans la configuration optimale : célibataire, aimant, « paumé-blessé-mais-nimalheureux-nivictime », avec un subplot à faire pencher la tête des filles en guise de compassion (il faut les entendre dans la salle, retenir leur respiration quand il y a ouvrage de chemise). L’autre rencontre un autre gus mais aussi un vieux scénariste hollywoodien, histoire de faire « les films d’avant, c’était de la vraie ». Sans sa mise en abime, the Holiday n’est qu’une romance de plus, qui ne rentre jamais dans le vif du sujet.
(2006)
Mauvaise Foi
Feb 18th
On aime tous Roschdy Zem, sa tête cassée, bien rectangulaire, qui imprime bien la péloche d’une filmo conséquente, aussi bien films d’auteurs que gros caissons populaires à la Indigènes. Pour sa première toile à lui, il s’est dit qu’il sortirait avec Cécile de France. Et en plus il a bon goût. Lui est arabe (no shit), elle est juive, blabla conflits tribaux. Le problème, c’est que les remps’ ashkénaze de Cécile sont absolument non-crédibles. Pour les 3, on constate des dialogues HS, des acteurs en dehors du coup, ils transpersent l’écran façon out-of-character, un peu comme si Djamel Debouze jouait le chinois façon Michel Leeb. A part Elbé le futur bankable, on nage en porte nawak. Heureusement, Roschdy connaît un peu mieux le monde arabe. Le résultat, c’est une comédie consensuelle un peu toc que le sujet mérite aujourd’hui. Mouuuif.
(2006)
Paprika
Feb 16th
Dans le milieu de la japanim’, quand on avoue ne jamais avoir vu de films de Satoshi Kon, on vous regarde avec des grands yeux, comme si vous étiez passé à côté de Kurosawa. C’est donc sous un regard neuf qu’apparaît ce spécialiste du grand barnum « everything was a lie » dans une sortie plutôt confidentielle. Ce qui frappe, en plus des musiques mystico accrocheuse, c’est la qualité du montage, une rythmique implacable à la limite du saoulant. Parfois gentiment malsain, les délires s’enchaînent pour former ensuite une espèce de morale un tantinet raëlienne dans laquelle les observateurs pourront voir pas mal de relectures. On nottera une utilisation habile de doubleurs chevronnés, utilisés en total décallage. Pour l’emballage, ça court à tout va, un peu partout, comme dans un Miyazaki de la grande époque. Paprika est donc un divertissement très honnête, juste un peu saoulant pour son côté farandole de cirque itinérant.
(2006)
Com-Robot